SUIVEZ-NOUS

Pouvoirs

USA, les derniers jours de la campagne électorale la plus chère de l’histoire

Une lutte pied à  pied et un marathon d’un Etat à  l’autre jusqu’à  la dernière minute.
Obama aura profité de la manne financière de 3 millions de supporters dont une bonne partie appartient à  la classe moyenne.
Mc Cain n’a pas désarmé malgré un écart de 7 points dans les sondages en faveur de son rival.

Publié le


Mis à jour le

rub 12141

Il y aura cru jusqu’au bout et, à l’heure où nous mettions sous presse, mercredi 5 novembre, les résultats (349 grands électeurs contre 147 pour son rival républicain) lui ont donné raison. A 47 ans, Barack Obama, dont le slogan était : «On peut croire au changement» (We can believe in change), était pressenti depuis un moment pour devenir le 44e président des Etats-Unis et le nouveau locataire de la Maison Blanche, à partir du 20 janvier 2009.
Pourtant, son CV politique n’était peut-être pas si impressionnant que cela pour répondre à l’offre d’emploi la plus prestigieuse au monde. Diplômé de la faculté de droit de Harvard et de l’université de Columbia, c’est en tant que sénateur de l’Etat de l’Illinois (1997-2004) qu’il s’est fait les crocs en politique, notamment en militant pour le droit des plus pauvres à une couverture médicale et en prenant la défense des homosexuels. En 2005, il était devenu le seul représentant afro-américain au Sénat.

Mobilisation des stars et des politiques pour Obama
Face à lui, un vétéran de guerre et de politique respecté de 72 ans, John Mc Cain, sénateur de l’Arizona et siégeant depuis près de 20 ans dans cette assemblée. Fervent partisan de la guerre en Irak, de la peine de mort et des accords de libre-échange, Mc Cain est opposé à la torture, au mariage homosexuel et au droit à l’avortement.
Entre le jeune loup et le vétéran conservateur, c’est peu dire que les Etats-Unis étaient divisés. Depuis des mois déjà, et avant même la nomination de M. Obama à la candidature démocrate, les camps s’étaient construits, d’un côté comme de l’autre.
Devant les maisons, sous les porches ou derrière les fenêtres, des panneaux avaient fleuri, indiquant les préférences politiques des uns et des autres. Peu de Mc Cain, beaucoup d’Obama, non pas faute de motivation républicaine, mais plutôt parce que les partisans du candidat démocrate ont eu nettement plus tendance à afficher leurs préférences.
A l’arrière des voitures, des autocollants rivalisant d’humour et de créativité, à l’image d’un «Une autre mama pour Obama» ou d’un «John Mac Cain = un troisième mandat pour Bush», ou encore d’un «Mc Cain – Sarah qui ?».
Dans les magasins de jouets, toutes sortes de figurines, de poupées et de pantins à l’effigie des candidats. Le week-end dernier, à l’occasion de la fête d’Halloween, les jeunes, surtout, s’en étaient donné à cœur joie en matière de déguisements.
Ceux à l’image de la colistière de Mc Cain, Sarah Palin, ont d’ailleurs fait un tabac. Que ce soit à travers les commentaires ou les articles des journaux, dans les courriers des lecteurs, dans les forums de discussion sur Facebook, jamais le débat n’avait été aussi chaud, pas même en 2000 et 2004, lorsque George W. Bush avait affronté Al Gore et John Kerry. L’intensité du débat avait même gagné la télévision, d’habitude peu encline à programmer des émissions politiques de ce côté de la planète. Les chaînes d’information ont toutes, sans exception, programmé une couverture spéciale des élections.On a débattu de l’inexpérience d’Obama, passé au crible les dossiers médicaux des candidats, examiné les positions de l’un et de l’autre sur la politique étrangère, on est revenu sur leurs voyages à l’étranger, on a discuté aussi de la religion du candidat démocrate, et surtout de la couleur de sa peau.
Mais Obama s’en est plutôt bien sorti. Rapidement, il a obtenu le soutien de plusieurs personnalités, des acteurs comme Robert De Niro ou George Clooney, des musiciens comme Bruce Springsteen, des hommes d’affaires comme Warren Buffet ou encore des politiques, avec le ralliement surprise du républicain Colin Powell.
Son charisme, son assurance tranquille y sont pour quelque chose.Le candidat démocrate a fait quasiment l’effet d’un aimant, qu’il se trouve sur un campus d’université (comme au Michigan), dans une grande ville ou dans l’Amérique profonde. Devant une audience désillusionnée par la crise économique et les guerres menées par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, ses appels en faveur d’une réduction des impôts ou le rapatriement des troupes ont fait mouche.L’hebdomadaire The Economist, qui avait fini par déclarer son soutien à Obama, ne s’y trompera pas en le décrivant comme «un homme qui a commencé sans argent et avec peu de supporters et qui a dépassé en organisation et en créativité les deux plus puissantes machines du monde politique américain: les Clinton et la droite conservatrice», qui ont régné sur les élections américaines de ces 25 dernières années.

Un soutien financier record, qui vient surtout de la classe moyenne

Fort de ses soutiens, y compris sur le plan financier (voir encadré), Barack Obama aurait dépensé, selon le Wall Street Journal, 75 millions de dollars en publicité, dont l’apothéose a été atteinte le 29 octobre, à J-7 des élections, avec un spot publicitaire de trente minutes diffusé presque simultanément sur 7 chaînes de télévision.Trente minutes pour mettre en garde contre les dangers de l’élection de John Mc Cain, considérée comme la garantie de la continuité de la politique du président sortant. Mais Obama a surtout promis à la classe moyenne moins d’impôts et une économie plus avantageuse pour tous.La réaction du camp Mc Cain ne s’est pas fait attendre. Il répliquera avec un spot qui assure qu’Obama manque d’expérience pour affronter les crises domestiques et internationales menaçant le pays. Mc Cain fera de «réforme, prospérité, paix» son slogan, en promettant de relancer l’économie et de réduire les dépenses du gouvernement tout en défendant les valeurs sociales conservatrices (anti-avortement et anti-mariages homosexuels).Sur la chaîne de télévision MSNBC, l’ancien candidat républicain Pat Buchanan expliquera cependant que le sénateur de l’Arizona n’a pas su donner à sa campagne un thème précis. Tout comme le choix de Sarah Palin comme vice-présidente était une erreur. La gouverneure de l’Alaska a certes fait sensation à chaque apparition, à chaque discours, mais c’était davantage pour les polémiques qu’elle a suscitées que pour ses qualités de dirigeante.A plusieurs reprises, elle a été critiquée pour son manque d’expérience, son CV «désertique», et surtout pour le fait que John Mc Cain l’a choisie après un seul entretien, encouragé par les néo-conservateurs du parti.Alors que Mc Cain s’est plus d’une fois positionné au centre, Sarah Palin a sans doute fait virer son bateau vers l’extrême-droite. L’énergie et l’ambition de sa colistière ne laissent toutefois pas indifférent, et c’est pour cela qu’elle a été dépêchée aux «battleground states», les Etats les plus disputés comme le Colorado, la Floride, le Missouri ou encore l’Ohio.De son côté, Joe Biden, colistier de Barack Obama, partait les 1er et 2 novembre à l’assaut de la Floride, de l’Indiana et de l’Ohio, trois Etats où le résultat des élections n’est jamais connu d’avance.

Une fin de campagne enfiévrée et imprévisible
Une semaine avant le jour du scrutin, des records ont été battus en termes d’inscriptions chez les jeunes. Ainsi, les noms de 22 millions d’Américains âgés de 18 à 29 ans figuraient sur les listes électorales. C’est là, sans aucun doute, l’effet Obama.Dans trente Etats comme la Floride, la Virginie, le Missouri ou l’Ohio, des bureaux de vote ont été ouverts avant l’heure afin que ceux qui ne pouvaient voter pour une raison ou pour une autre le 4 novembre puissent le faire avant. A J-4, l’on estimait que plus de 12 millions d’Américains avaient déjà voté.Les chiffres ne trompent pas : il s’agit là d’une réelle mobilisation et ce, avant même la date officielle du scrutin. C’est le signe que cette élection s’est clairement distinguée des précédentes. En 1992, par exemple, seuls 7% des inscrits avaient voté avant le jour J.Le 2 novembre, à deux jours de la fin de la campagne, les deux candidats ont concentré leurs efforts sur les Etats décisifs. L’Etat de l’Ohio, qui avait finalement voté républicain en 2004, était un enjeu considérable. Sarah Palin y avait tenu trois meetings, alors que le sénateur Obama s’y était rendu pour rallier des électeurs potentiels, avec le succès que l’on sait aujourd’hui.Pour les «swing states», on avait mis les bouchées doubles et même les adversaires d’hier ont été appelés à la rescousse, à l’image d’un Bill Clinton dans l’Ohio, Etat sans lequel aucun président républicain n’a jamais été élu.
L’ex-président américain y avait invité son auditoire à se rappeler que les conditions dans lesquelles le pays se débat aujourd’hui ne sont pas celles des années 90, et qu’elles nécessitent quelqu’un comme le candidat démocrate. «Ce n’est pas une question de personnalité mais de vision et de philosophie et nous n’avons pas le temps», avait-t-il affirmé. Même Al Gore fera campagne pour le Sénateur Obama en Floride.Poursuivant sa campagne en bus, c’est un Mc Cain énergique et décidé à gagner qui avait concentré ses derniers efforts sur la Pennsylvanie, bastion des démocrates depuis 20 ans. Il avait tenté de gagner les votants indépendants ou indécis.Puis, en Ohio, le sénateur de l’Arizona avait essayé de convaincre les électeurs de la classe moyenne de voter pour lui en répétant : «Si Obama veut distribuer les richesses, moi je veux les créer.» Au même moment, Obama, en Floride, déclarait: «Si vous voulez savoir où Mc Cain pourrait vous mener, regardez dans le rétroviseur. Sa priorité sera Wall Street [les grosses compagnies] et pas Main Street [les citoyens]».

L’ombre de 2000 et de 2004
Les derniers jours de la campagne, les médias n’avaient que le mot «sondage» à la bouche. La plupart prévoyaient la victoire d’Obama, mais Joe Biden, le colistier de ce dernier, faisait montre, dans ses discours, d’une confiance prudente.En campagne dans l’Ohio, il n’a pas hésité à rappeler qu’en 2004 les démocrates étaient sûrs de la victoire de John Kerry, qui allait finalement être battu par l’actuel président. Même scénario en 2000 lorsque G. W. Bush avait battu Al Gore. «L’électorat républicain vote toujours en dernière minute et son potentiel n’est pas à sous-estimer», martelait M. Biden.Décidé à mobiliser l’électorat en sa faveur, John Mc Cain avait troqué son bus contre un avion pour une campagne marathon dans cinq Etats du nord-est, sous le nouveau slogan «Mac is back» (le retour de Mac), ce qui lui a fait marquer des points, notamment en Philadelphie.Mais à J-1, plusieurs instituts de recherche donnaient déjà le sénateur de l’Illinois vainqueur. Le jour J arrive, finalement. Entre 130 et 135 millions d’électeurs ont fait la queue devant les différents bureaux de vote : bureaux de poste, écoles, cyber-cafés, depuis le lever du soleil. La journée a été ponctuée d’interventions médiatiques d’experts sur la fiabilité des chiffres recueillis.
Dès les premières heures de la soirée, les premiers pronostics ont commencé à tomber.Les regards étaient braqués sur la Virginie, l’Ohio, la Floride. Les scores des deux camps étaient parfois trop proches pour se permettre d’espérer ou de désespérer.
Mais, rapidement, de plus en plus d’Etats comme l’Ohio, la Virginie ou l’Iowa ont commencé à “virer au bleu”, et les démocrates à croire à la victoire. Finalement, Obama a remporté les suffrages de 338 grands électeurs, bien plus que les 270 nécessaires, et ses supporteurs sont descendus dans les rues pour exprimer leur joie.Face à tant de confiance, le candidat démocrate a prononcé un discours des grands jours, à Chicago, devant une foule estimée à 125 000 personnes. Désormais, il se doit d’appliquer les 5 priorités qu’il avait citées dans un entretien accordé le 31 octobre dernier à CNN depuis Des Moines, en Iowa : stabilisation du système financier, indépendance énergétique, réforme de l’assurance maladie, réforme des impôts en faveur de la classe moyenne et enfin réforme de l’enseignement.
«Nous ne savons pas ce qui risque de se passer d’ici janvier. Mais nous ne pouvons rien accomplir si nous continuons à voir un effondrement du système bancaire et financier. Notre première priorité sera de réparer la plomberie», a-t-il déclaré.
Pour le républicain Pat Buchanan, Obama insufflera à la Maison Blanche un état d’esprit différent de celui qui a régné durant l’ère Clinton, par «sa discipline, son sens de l’organisation, il saura s’entourer de ceux qui travailleront pour faire avancer son agenda».L’avenir dira si la «Baracka» l’accompagnera dans sa nouvelle mission.

DNES AUX USA,
CHAMA BENBRAHIM