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Union Africaine : un bilan positif pour le Maroc une année après son retour

En intégrant le CSP, le Maroc renforce sa présence sécuritaire sur le continent. Désormais, le Royaume gardera un œil, de près, sur le contenu et le ton des documents et actes émis par l’UA. La création d’un ministère chargé de la coopération africaine est un message fort.

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C’est presque un remake de son retour dans sa famille institutionnelle que le Maroc vient de vivre, un an après sa réintégration à l’UA. Les mêmes entraves, les mêmes manigances, les mêmes intrigues et les mêmes acteurs, ou presque, tout a été mis en œuvre pour l’empêcher de siéger au Conseil de sécurité et de la paix, CSP, de l’UA. C’était sans compter sur la persévérance de la diplomatie marocaine. Le Maroc a donc été élu, le 26 janvier, membre du CSP pour un mandat de deux ans renouvelable à la majorité de 39 voix contre 16 abstentions, alors que le quorum des deux-tiers requis est de 36 voix. «Il s’agit d’une élection historique, qui vient consacrer le rôle reconnu au Royaume en tant que force de paix dans le continent et au-delà dans le monde», affirme-t-on auprès du département des affaires étrangères. Pour y arriver, il fallait, encore une fois, livrer bataille, et la gagner, surtout sur le plan juridique. Même en se retirant de la course, l’Algérie a tout fait pour empêcher le Maroc de se faire élire. Le voisin de l’Est a commencé par «encourager» la Tunisie à briguer le poste. Là encore la diplomatie marocaine a pesé de tout son poids pour convaincre ce pays à surseoir à ce projet. Le dernier argument invoqué est que le Maroc n’a pas eu le feu vert préalable du Polisario, qui assure le leadership de la sous-région Afrique du Nord, pour se présenter au poste. Sa candidature est, de ce fait, considérée comme irrecevable. En épluchant bien les statuts et autres documents juridiques de l’Union, le Maroc a trouvé la solution. Il a fait sa demande en séance plénière, devant l’assemblée. Ce qui n’est pas peu, puisque, désormais, cet acte fera loi. Il pourra ainsi contourner, à l’avenir, ce genre de problème. En parallèle, et comme c’était le cas il y a tout juste un an, un travail d’accommodation sur le plan législatif interne devait être fait. Une course contre la montre a été engagée pour ratifier le protocole portant création du CSP. Un projet de loi a été préparé et adopté par le gouvernement, en ce sens, et déposé au Parlement le 7 juillet dernier. Un peu plus de deux mois plus tard, le texte a été publié au Bulletin officiel Notons que le Maroc, pour faire montre de sa «détermination à adhérer de manière forte et agissante aux institutions de l’Union africaine (UA)», selon les termes de Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, a ratifié d’autres textes fondateurs (trois en tout) de l’UA et ses institutions. Il s’agit du protocole du «Traité instituant la Communauté économique africaine (CEA) au sujet du Parlement panafricain», traité instituant la Communauté économique africaine, elle-même, et protocole de la Cour de justice de l’Union africaine. 

Le fait est que le Maroc aujourd’hui est membre aux côtés de 14 autres pays, dont la plupart ne sont pas acquis aux thèses séparatistes du Polisario, dans cet organe qui a le pouvoir, entre autres, de décider le déploiement d’une force multinationale dans tel ou tel pays, au nom de l’Union africaine. Par ailleurs, l’un des objectifs du CPS clairement définis par l’Acte constitutif de l’UA est de «promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent» selon les principes du «règlement pacifique des conflits entre les Etats membres de l’Union par les moyens appropriés qui peuvent être décidés par la Conférence de l’Union». Bien sûr, pour le Maroc, il y a d’autres enjeux. A compter du mois de mars, date de son entrée effective au CSP, «le Maroc s’attellera à la tâche d’expurger les documents et les textes produits par le Conseil et d’en faire, ensuite, une référence», affirme Moussaoui Ajlaoui, chercheur à l’Institut des affaires africaines.

Un grand changement

Ce qui veut dire, explique-t-il, que «les documents du Conseil qui contiennent des expressions ou des propos qui pourraient porter atteinte aux intérêts du Maroc ne pourront plus passer, le Maroc veillera à cela. Exit donc des termes et des concepts et même ce qui est devenu des moules pour la littérature officielle de l’UA». Concrètement, «on ne retrouvera plus dans les documents du CPS, et même de l’UA, des expressions comme «territoire occupé», «dernière colonie d’Afrique» pour désigner la pseudo-RASD ou la «la force d’occupation» pour faire référence au Maroc. C’est désormais la terminologie de l’ONU qui sera adoptée également par l’UA». En outre, «la présence du Maroc veillera à mieux encadrer le commissaire algérien à la paix et la sécurité de l’UA, de même qu’elle permettra de rétablir un certain équilibre dans l’action du CPS», ajoute ce spécialiste des affaires africaines. Cela d’autant que désormais membre, le Maroc pourra corriger la perception de certains Etat africains du dossier du Sahara comme il mettra à nu l’attitude d’autres pays qui auraient tendance à jouer double jeu. Cela dit, l’entrée du Maroc au CSP, au demeurant importante, n’est qu’un début. Le Royaume est aussi appelé, explique Moussaoui Ajlaoui, à intégrer la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme, créée pour résoudre les problèmes d’interprétation des traités de l’Union. De même qu’il aura intérêt à siéger à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui existe depuis 1986. C’est le cas également pour le Parlement panafricain dans lequel le Maroc sera représenté, incessamment, par cinq parlementaires dont une femme.

Globalement, affirme ce spécialiste de la question, depuis sa réintégration à l’UA, «le bilan du retour du Maroc est très positif». Et en créant un ministère chargé de la coopération africaine, le Maroc vient d’envoyer un message que les autres pays africains auront certainement compris, celui de l’engagement du Maroc et l’affirmation que la politique africaine est «une affaire du Roi et du gouvernement». Cela apportera une articulation entre les chantiers ouverts lors des déplacements du Souverain en Afrique et l’action du gouvernement, explique la même source. En outre, au fil de cette première année au sein de l’UA, «le Royaume est devenu à la fois acteur et influent de la décision africaine. Dans le dossier de la migration qui lui a été confié, il a démontré qu’il peut non seulement dresser un constat pertinent de la problématique, mais également proposer des solutions et des alternatives», observe Moussaoui Ajlaoui. Autre signe positif, les quatre conflits abordés lors de ce 30e Sommet de l’UA (28 et 29 janvier) sont celui du Soudan du Sud, du Congo démocratique, de la République Centrafricaine et du Mali. Mais pas le Sahara, contrairement au passé. La question a été certes évoquée par Moussa Faki Mhamat, président de la Commission, mais pour souligner que l’Afrique peut «contribuer positivement» au règlement de cette question, «en appui aux Nations unies». Il a également affirmé que «la solution de ce lancinant conflit aidera immanquablement à la relance tant attendue du projet de construction maghrébine». Moussa Faki Mhamat a d’ailleurs affirmé à la fin du Sommet que la décision 653 relative à la question du Sahara, prise en juillet dernier, est toujours valide et qu’elle continue de constituer la référence.

De manière générale, il y a un grand changement. Le Maroc pourra se positionner notamment dans le domaine de la paix et de la sécurité (il est présent depuis 58 ans dans les opérations de maintien de la paix), de la migration, des énergies renouvelables et du rapprochement et de la coopération Sud-Sud. Le Maroc ne manquera pas non plus d’apporter sa contribution à la restructuration de l’UA dont le projet est porté par l’actuel Président Paul Kagamé. Un projet d’ailleurs fortement soutenu par le Royaume.