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Taux de participation de 45.4% : bon ou mauvais score ?

Il est moins bon que le taux de 2002, mais mieux que celui de 2007, même avec moins de votants potentiels. Ce taux est plus valorisant pour la démocratie et l’alternance que les taux gonflés des années 70 et 80.

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Taux Participation 2011 11 28

«Prendre son destin en main, décider soi-même avant que d’autres ne décident à votre place» : c’est à travers cette exhortation, diffusée à travers les médias depuis la mi-novembre, que les messages de mobilisation se sont succédé par milliers à l’intention des électeurs, sans pour autant verser dans la propagande qui avait caractérisé la campagne pour le référendum sur la nouvelle Constitution. Cette fois-ci, et après l’avoir envisagé en 2002 et 2007, l’Etat s’est enfin décidé à rendre le vote possible en produisant la carte d’identité nationale comme document et non plus la traditionnelle carte d’électeur, distribuée par les arrondissements, et qui avait donné lieu à toutes les suspicions, concernant la manipulation des voix.

Il est vrai qu’une crainte majeure hantait Etat et classe politique : que le taux de participation aux élections du 25 novembre soit médiocre. Car, cette fois-ci, contrairement aux élections législatives de 2007 qui ont connu le plus bas taux de participation de toute l’histoire du Maroc (37% des électeurs inscrits), l’enjeu est de taille : un fort taux d’abstention signifierait un rejet de la dynamique des réformes institutionnelles enclenchées par le discours du Roi du 9 mars et un rejet de la classe politique. Il aurait également eu comme conséquence l’émergence d’un gouvernement à faible représentativité populaire.
Un fort taux d’abstention donnerait raison, en outre, à ceux qui, à l’instar du mouvement du 20 Février, appellent au boycott et réclament des réformes encore plus radicales que celles entamées par le Maroc dans la foulée du printemps arabe. L’ambiance plutôt calme des deux semaines qu’a duré la campagne électorale rendait encore plus vive l’inquiétude.

Vendredi 25 novembre, aux environs de 20h30, Taieb Cherkaoui, ministre de l’intérieur, annonçait la couleur, une heure après la fermeture des bureaux de vote : sur un peu plus de 13,6 millions d’inscrits sur les listes électorales, 45,4% ont exprimé leur opinion. A l’heure où nous mettions sous presse, dimanche 27 novembre, le taux de bulletins nuls n’avait pas encore été communiqué.

Bon ou mauvais taux de participation ? Bon, si on le compare aux élections de 2007 (37,5%). D’ailleurs, les dirigeants des partis politiques, à l’annonce de ce taux, ont poussé des ouf de soulagement. Bon, aussi, même quand on le mesure à l’aune du nombre d’inscrits sur les listes électorales en 2007 : 15,5 millions contre 13,6 millions en 2011. En 2007, ce sont 5,8 millions de personnes qui ont voté, alors qu’en 2011 elles étaient près de 6,2 millions. Cela sachant que les listes de 2007 comprenaient des doublons et des personnes décédées, alors que les listes actuelles sont relativement plus fiables, fruit d’un nettoyage entrepris par l’Intérieur.

En revanche, 45,4% est un mauvais taux, si on le compare à celui de 2002 (52%), ou encore à celui des dernières élections communales de juin 2009 (qui ont connu un taux de participation de 52,4%). Voire avec les taux de toutes les élections législatives qu’a connues le Maroc depuis 1963, où l’on n’est jamais descendu sous la barre des 50%, exception faite de celles de 2007 (voir graphe). Mais il serait injuste et insultant pour la démocratie et la transparence de comparer le taux de participation de 2011 à ceux des quatre décennies qui ont suivi l’Indépendance. L’absentéisme, quelle que soit sa motivation, est aussi un mode d’expression électorale, au même titre que les bulletins nuls qui se comptent par centaines de milliers, et si 45,4% se sont déplacés pour exprimer leur vote le vendredi (et donner majoritairement leurs voix au PJD, par choix mûrement réfléchi ou par dépit), ce n’est nullement sous la contrainte et l’intimidation, mais en toute liberté et conscience. Et sous le regard vigilant, qui plus est, de 4 000 observateurs nationaux et internationaux. Du jamais vu dans un scrutin au Maroc. Le taux de 45,4%, dans ces conditions, est plus valorisant pour la démocratie et le jeu des alternances que les 85% de 1971, les 82,4% de 1977, ou encore les 67,5% de 1984, où les contraintes, les intimidations et le bourrage des urnes par l’administration étaient légion.