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Serait-ce enfin le bout du tunnel pour l’Istiqlal ?

Après un accord avec les deux clans antagonistes, le 17e congrès pourrait bien avoir lieu du 29 septembre au 1er octobre. Les deux parties se sont également entendu sur la configuration du prochain conseil national. Après avoir perdu le contrôle sur l’organisation du parti, Hamid Chabat en difficulté également au niveau du syndicat UGTM.

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Istiqlal

Les Istiqlaliens sont dans l’expectative. Certes, une date a bien été fixée, peut-être pour la dernière fois, pour le 17e congrès attendu pour fin septembre, mais des dates, ils en ont vu défiler plusieurs ces derniers mois. A force de fixer une date et ne pas la respecter, on reste très dubitatif. Ce qui ne laisse, par contre, pas l’ombre d’un doute, c’est la situation délicate dans laquelle se trouve aujourd’hui Hamid Chabat. En théorie, à la suite du conseil national réuni fin décembre dernier, Hamid Chabat a opté pour un retrait tactique. Et c’est un triumvirat de lieutenants fidèles qui se partageront ses prérogatives au niveau du secrétariat général. Il est composé d’Abdallah Bakkali, également président du comité préparatoire, Noureddine Moudiane, chef de groupe parlementaire, et Abdelkader El Kihel, président de la sous-commission des statuts, règlements et évaluation de l’action du parti. Depuis, Chabat agit en coulisse, mais perd du terrain, jour après jour. En atteste ce dernier accord conclu, il y a quelques jours, les deux principales parties opposées, le clan du secrétaire général Hamid Chabat et le groupe qui domine désormais le comité exécutif. Selon les termes de cet accord, un consensus a été trouvé sur la composition du conseil national et le mode de désignation des congressistes, soit les deux derniers points de discorde qui divisent les deux groupes protagonistes. Concrètement, la nouvelle configuration du conseil national, le parlement du parti, fait en sorte qu’aucun des deux clans ne détienne, d’office, la majorité de ses membres. Les négociations ont été âpres, affirme une source du parti, mais un accord a été conclu pour la représentation des 12 régions et pas moins de 27 organisations parallèles (jeunesse, femmes, alliances, syndicat, organisation patronale…) en plus, bien sûr, des membres ès qualité. Pour satisfaire tout ce beau monde, affirme la même source, il a été décidé d’augmenter d’une centaine les membres de cette instance décisionnelle.

Une bataille perdue

Ainsi, les représentants des 12 régions passent à 526 contre 475 actuellement, avec une révision du mode de leur désignation. En effet, les deux parties ont fini par s’entendre sur un critère de sélection combinant à la fois le poids démographique de chaque région, le nombre de militants encartés et le poids électoral de la région, soit le nombre des sièges que le parti y détiennent dans les instances locales, régionale et le nombre de ses représentants aux deux Chambres du Parlement. Selon ces critères, c’est la Région de Casablanca-Settat, où le parti est quasiment absent dans les instances élues, qui occupe la première place avec pas moins de 87 membres. Elle est suivie de la Région Fès-Meknes, qui a cessé d’être un fief du parti, avec 72 membres.

Quant aux véritables fiefs électoraux de l’Istiqlal, à savoir la Région de Souss-Massa et les trois régions du Sahara, elles ont été desservies par leur démographie. Souss-Massa, fief de la famille des Qayouh, est représentée par 52 membres, alors que les trois régions du Sahara sont représentées par 64 membres dont 40 pour la Région de Laâyoune-Sakia Al Hamra. «Cela paraît un peu technique, mais c’est lourd de signification», affirme ce dirigeant du parti d’Allal El Fassi. Le comité préparatoire n’a donc pas été gelé, pendant tout ce temps, pour rien. En effet, cette nouvelle composition du conseil national indique, ajoute ce dirigeant, que «Hamid Chabat a définitivement perdu la bataille organisationnelle». Ainsi, étant donné que, statutairement, c’est le conseil national qui élit le secrétaire général et partant du fait que, selon l’ancienne configuration, ce dernier était dominé par les organisations parallèles contrôlées par le clan de Chabat et un grand nombre de représentants des régions dont le mode de désignation était également favorable au secrétaire général sortant, il était évident que ce dernier aurait pu reconquérir son poste sans le moindre effort. Cela d’autant, affirme la même source, que sans négociations, ce qui suppose une contrepartie à lui céder, les adversaires de Hamid Chabat ne pouvaient rien contre lui. «C’est lui qui contrôlait véritablement l’appareil et l’organisation du parti», précise la même source. Et l’une des premières concessions est donc de relever le nombre des représentants des organisations parallèles pour un meilleur équilibre entre les différentes tendances du conseil national. Ces derniers passent ainsi à 240 membres contre 208 auparavant.

Hamid Chabat a d’ailleurs eu l’occasion de le confirmer, le week-end dernier, lors d’une dernière démonstration de force dans son ancien fief électoral à Fès. Intervenant devant plusieurs centaines de ses fidèles et sympathisants, il a lancé en substance qu’«il est un homme de dialogue, élu démocratiquement à la tête du parti et indétrônable». Aussi, a-t-il soutenu, ses détracteurs ne pouvaient rien s’«ils choisissaient la voie de la force et du bras de fer. Je suis habitué aux défis». Et justement pour ce qui est des défis, perdants surtout, Hamid Chabat a montré sa capacité de s’y lancer tête baissée. Le dernier en date, il y a quelques jours, est d’avoir tenu à faire face, à la tête de plusieurs dizaines de suiveurs, à l’exécution d’un jugement du tribunal administratif visant l’évacuation du siège de l’UGTM, le bras syndical du parti, à Rabat.

Pour revenir à cette dernière réunion du comité préparatoire, le deuxième accord le plus important, annoncé au cours de cette dernière réunion du comité préparatoire, est la réintégration, sans conditions, du président du conseil national, Toufiq Hejira, dans ses fonctions. Hejira et les deux autres dirigeants, Karim Ghellab et Yasmina Badou, ont été frappés par une sanction politique, décidée par Hamid Chabat et entérinée par les instances décisionnelles du parti, aux termes de laquelle il sont suspendus pendant une période de 18 mois et donc empêchés, par la même occasion, de participer aux travaux du congrès. Ces deux derniers, après avoir saisi la justice administrative pour annuler cette sanction et introduit un recours auprès des instances concernées, ont obtenu un allègement de leur sanction. Cela dit, leur réintégration au parti sonne également comme un désaveu pour Hamid Chabat. Auparavant, ses détracteurs ont pu arracher au secrétaire général sortant une concession de taille. C’était lors d’un congrès extraordinaire organisé le 29 avril et lors duquel il a été décidé, notamment, de revoir les statuts du parti. Il a été, en effet, question d’amender les articles 54 et 91 des statuts du parti. Concrètement, après cet amendement, l’article 54 stipule, désormais, que le candidat au secrétariat général ait déjà été élu membre du comité exécutif une seule fois. Dans sa version initiale, cet article précisait que le candidat soit membre du comité exécutif, durant le dernier mandat de celui-ci. Quant à l’amendement de l’article 91, il prévoit que la commission préparatoire du congrès soit composée de membres du comité exécutif et de membres du conseil national du parti. Cet article prévoyait, dans sa version initiale, que la commission préparatoire soit composée des membres du comité exécutif et de 150 membres élus au sein du conseil national, lors de sa dernière session avant le congrès, en tenant compte de la répartition géographique. L’amendement de ces deux articles a fait l’objet d’une entente conclue auparavant entre les deux parties. Cet accord ayant été entériné, il fallait passer à l’étape suivante, c’est-à-dire la fixation d’une date pour le congrès. Ce qui a été fait lors de la première réunion du comité exécutif tenue le 26 mai et la date du 21 juillet a été retenue pour le prochain congrès. Sauf que là se pose un nouveau problème.

Enfin, une date

Le deux clans adverses n’étaient, en effet, toujours pas d’accord sur la future configuration du Conseil national et les critères de désignation des congressistes. Sur ce dernier point, il a été question de trouver un équilibre entre la démographie des régions et provinces, le poids électoral du parti et le nombre des militants encartés. Une fois ces détails fixés, les congrès provinciaux et régionaux pourraient être lancés pour désigner les représentants de chaque province au congrès. Ces deux derniers points ayant été réglés, la machine du congrès pourra être lancée. Evidemment, le point le plus important de cette dernière réunion du comité préparatoire, c’est l’annonce d’une nouvelle date pour le congrès. Rappelons, en ce sens, que le 16e congrès a été organisé en deux temps : ouvert en juin 2012, il n’a été clôturé qu’en septembre de la même année. En théorie et selon la loi organique relative aux partis politiques, le 17e congrès devait avoir lieu un an plus tard. La loi tolère néanmoins un «léger» retard de six mois. Or, ce congrès a été annoncé pour le 24 mars, il a été reporté une première fois d’une semaine pour se tenir officiellement du 31 mars au 3 avril,  puis il a été repoussé une deuxième fois d’un mois pour être fixé pour fin avril-début mai. Il a été reporté une troisième fois pour le 21 juillet. Entre-temps, un congrès extraordinaire a été tenu le 29 avril. Il y a un peu moins de deux semaines, le congrès a été reporté de nouveau, pour être programmé, cette fois, pour fin septembre, soit du 29 septembre au 1er octobre. En attendant, la descente aux enfers de Hamid Chabat continue. «Sa dernière sortie à Fès sonne comme un ultime cri de détresse», affirme cette source au parti. «Hamid Chabat est déjà fini depuis un certain temps, les Istiqlaliens sont convaincus que son ère est révolue. Cela d’autant que le parti a connu une forte régression électorale et son influence s’est considérablement amoindrie pendant son mandat», ajoute la même source.

Le point de non-retour

En parallèle avec la perte de son emprise sur le parti, Hamid Chabat perd également, et définitivement, son bastion syndical. Depuis le 7 mai dernier, deux secrétaires généraux se disputaient la tête de l’UGTM. Sentant ses soutiens se détourner de lui peu à peu à l’Istiqlal pendant qu’il avance dans sa guerre avec le ministère de l’intérieur, Hamid Chabat a organisé un congrès extraordinaire du syndicat afin de reprendre sa place de secrétaire général, mais il n’a pas pu réunir une majorité. Le lendemain, le clan adverse retente le congrès extraordinaire, le réussit et propulse Enâam Meyara, un proche de Hamdi Ould Rachid, secrétaire général du syndicat. Ce dernier intente un procès à la direction sortante pour reprendre les finances et les locaux du syndicat. La justice lui donne raison et dans une ultime tentative de reprendre du poil de la bête, Hamid Chabat a tenté d’accéder au siège de l’UGTM, le 10 juillet. Il en a été empêché par les forces de l’ordre, en application d’une décision de justice qui a été actée le 14 juin dernier. Pourtant, légalement, «Hamid Chabat n’a aucune relation avec le syndicat. Il est venu pour qu’une décision de justice ne puisse pas être appliquée et que Kafi Cherrat (l’ancien patron du syndicat proche de Chabat) libère les locaux», a notamment déclaré le nouveau patron de l’UGTM. Tous ces événements qui se sont succédé, depuis mars dernier, ont accéléré le processus de dénouement de la crise au parti et balisé, par la même occasion, le chemin pour le successeur de Hamid Chabat. Cependant, note cet analyste politique, personne ne s’attendait à l’effondrement avec autant de rapidité de cet édifice organisationnel bâti patiemment par Hamid Chabat. Et cela sans grande résistance de la part de ses alliés et partisans. La même source soutient que, «contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire, la perte d’influence de Hamid Chabat n’est, certainement, pas l’œuvre d’une main extérieure».  Il est difficile de croire, ajoute la même source, qu’un parti avec la structure organisationnelle de l’Istiqlal, le poids historique, la diversité des origines sociales et socioéconomiques de ses militants et membres, la nature de ses élites…, soit facilement influencé par un acteur extérieur. En d’autres termes, ce n’est pas le fantasmatique «Tahakkoum», comme l’affirme Hamid Chabat et son entourage, qui a précipité le départ de ce dernier, mais ce sont les Istiqlaliens, eux-mêmes, qui ont décidé de tourner la page,