Pouvoirs
Sécurité : le plan d’action de Laà¢nigri
1 000 postes de police de proximité seront créés d’ici
à fin 2005.
L’inspection générale qui n’a jusqu’ici existé
que sur organigramme est opérationnelle.
Informatisation de tous les commissariats avant fin 2005, rénovation des
locaux, formation et lutte contre la corruption.

Où est passée la police ? Que fait la police ? Combien de fois n’a-t-on pas entendu ces exclamations de la part d’une victime ou d’un témoin d’un vol à l’arraché ? Des vols qui ont connu une augmentation spectaculaire et dont l’impact psychologique sur la population est énorme, renforçant considérablement le sentiment d’insécurité. Le cas du vol à l’arraché est un exemple parmi d’autres. Mais force est de constater, ces dernières années, une augmentation sensible de cette criminalité, qualifiée de petite, mais dont les effets insidieux sont notables sur l’esprit du citoyen.
Les choses semblent changer. Quelques mois après la nomination du général Hamidou Laânigri à sa tête, la DGSN (Direction générale de la Sûreté nationale) lance son nouveau Plan d’action. Un plan construit autour d’un diagnostic de faiblesse de l’action préventive de la police, d’objectifs (renforcer la prévention et réconcilier la police avec le citoyen) et de choix stratégiques (police de proximité, spécialisation, redéploiement, formation, amélioration des conditions de travail et lutte contre la corruption). Dans quelques semaines, les premiers effets tangibles de ce plan d’action seront visibles.
À la DGSN, on rappelle volontiers cette loi universelle qui veut que lorsque le niveau de prévention augmente, celui de la répression diminue. On ne veut pas d’une police qui réagit mais d’une police qui agit. La prévention et la répression sont donc comme les plateaux d’une balance : quand l’un monte, l’autre descend.
L’une et l’autre restent nécessaires. La Sûreté nationale a, en fait, deux facettes: la fonction de police administrative qui est la prévention (Direction de la Sécurité publique) et l’action judiciaire (Direction de la police judiciaire), répressive par définition. On peut alors se demander si le taux de criminalité au Maroc nécessite de renforcer la prévention. Oui, même si nous sommes en présence d’une petite criminalité, puisque le Maroc n’est pas touché par le phénomène du grand banditisme, ni par de nombreux meurtres et crimes de sang (voir statistiques en p.36).
Mais la petite criminalité est à la fois diversifiée et de plus en plus visible. Un sac ou un portable arraché dans la rue renforcent indéniablement ce sentiment d’insécurité. A la DGSN, différentes sources nous ont signalé que cette criminalité est dans la ligne de mire du général Hamidou Laânigri qui appelle ses troupes à «lutter contre, toutes griffes dehors».
C’est de ce constat qu’est née l’idée de la police de proximité. Une police qui est destinée à rassurer le citoyen. 301 postes seront construits cette année. Ils viendront s’ajouter à 130 postes de quartier qui seront ré-équipés et adaptés au nouveau concept. A moyen terme, le pays sera doté de mille postes de police de proximité. Les premiers nouveaux postes verront le jour d’ici le mois d’avril, et seront construits par… les collectivités locales.
Un organisme central de lutte contre les stupéfiants sera mis en place
Mais qu’est-ce qu’un poste de proximité ? C’est un poste de petite taille (60 à 70 m2), ouvert 24h/24, doté d’une enseigne allumée en permanence, avec deux ou trois patrouilles circulant dans le quartier et une autre, mobile, dotée d’un véhicule sur place, prêts à intervenir. L’effectif total d’un poste de ce genre est d’une douzaine d’agents.
Ces postes seront implantés selon des critères évidents de densité de la population et de taux de criminalité. Leur rôle sera de sécuriser les habitants, de se montrer et d’être prêts à intervenir, même pour les petites infractions.
«Il faut regrouper les moyens et séparer les métiers», «il faut créer des spécialisations par métiers». A notre grand étonnement, à la DGSN on s’exprime comme le ferait le patron d’une holding industrielle.
Trois maîtres-mots : reprofilage, recyclage et redéploiement
Bien entendu, le premier métier qui vient à l’esprit est le tourisme. Les brigades touristiques sont aujourd’hui au nombre de 195, réparties entre neuf grands centres touristiques. Elles devraient être en contact permanent avec les opérateurs. Idem pour la lutte contre l’émigration clandestine qui nécessite une organisation centrale dédiée ainsi que la lutte contre la drogue. Selon nos sources, il est probable qu’un organisme national soit appelé à coordonner l’action des brigades provinciales de lutte contre les stupéfiants, action qui ne peut être efficace si elle se déroule dans les limites provinciales face à des réseaux organisés à l’échelle nationale et transnationale.
Faudra-t-il pour tout cela recruter des milliers de nouveaux agents pour la police de proximité et ces structures centrales ou régionales spécialisées ? Selon les informations que nous avons pu recueillir, la question a été différemment abordée par le général Laânigri. Les maîtres- mots sont ceux de diagnostic des 45 000 agents composant l’effectif de la DGSN, de «reprofilage», de recyclage, de formation et de redéploiement.
Ainsi, dans la première mouture du projet de Loi de finances 2003-2004, il lui a été proposé de budgétiser
2 000 recrutements, mais il s’est contenté d’une centaine, tous d’échelle 11. Il a préféré recruter de la matière grise, dit l’un de ses collaborateurs.
Et de fait, un travail invisible de redéploiement des effectifs est quotidiennement effectué. On dégraisse ici pour renforcer là, selon différents critères comme la densité de la population et le coefficient de criminalité.
Des crédits spéciaux de formation et de recyclage sont ainsi prévus et, suprême signe d’entrée dans la modernité, d’ici à fin 2005, les machines à écrire antédiluviennes auront disparu des commissariats, remplacées par… les ordinateurs. Et c’est l’OFPPT qui sera chargé de l’initiation des agents à l’informatique. Ce chantier de l’informatisation de base démarrera dès cette année. Parallèlement, des investissements seront réalisés en matière de transmissions ainsi qu’au niveau de l’IRP (Institut Royal de Police) et… dans la rénovation progressive des locaux.
A acte spectaculaire, récompense ostentatoire
A la DGSN, on semble avoir emprunté aux techniques de gestion des ressources humaines, pas mal de concepts. Par exemple, on vous dira que la motivation est liée à la fierté que l’on éprouve à réaliser son travail; que les règles de fonctionnement doivent être respectées; que lorsqu’un agent a raison, il faut le défendre ; que lorsqu’il a tort, il ne faut pas hésiter à le sanctionner ; les promotions et les avancements doivent venir récompenser les plus méritants et lorsqu’un agent réalise un acte spectaculaire, il faut lui décerner une récompense ostentatoire(*). Bref, on veut créer un esprit de corps et favoriser l’adhésion à une communauté.
L’autre chantier majeur, et de longue haleine celui-là, est celui de la lutte contre la corruption, un mal qui gangrène la police, comme d’autres institutions. Mais le type de corruption le plus dangereux et le plus grave, pour un pays qui a emprunté la voie de l’édification d’un Etat de droit, est la corruption verticale, qui interdit de fait toute possibilité de recours.
De sources sûres, on nous assure que les plaintes reçues par la DGSN contre des membres du corps de la Sécurité publique font aujourd’hui l’objet d’enquêtes systématiques. D’ailleurs, la «police des polices», comme on l’appelle dans le jargon, c’est-à-dire l’Inspection générale, est opérationnelle depuis un mois. Elle constitue le recours ultime des citoyens, mène des inspections par sondages et sera également appelée à répondre aux remarques de la justice concernant le déroulement des enquêtes. Elle s’attaquera donc d’abord sur l’apparent, avant d’en arriver, plus tard, à la phase inquisitoire, plus difficile à mettre en œuvre.
Rendez-vous donc dans quelques semaines, puisque les premiers signes visibles de ce plan d’action de la DGSN seront palpables d’ici là à travers les nouveaux postes de police de proximité. Désormais, l’objectif est de relever le niveau de sécurité et le sentiment général de sécurité car la sécurité est un label qui attire les investisseurs
