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Pouvoirs

RNI : les raisons d’une contestation de fond

Des ministres et des élus RNI montent au créneau pour dénoncer les méthodes de gestion de Mustapha Mansouri.
Absence d’évaluation des résultats aux élections, manque de coordination, décisions non concertéesÂ…, ce qu’ils lui reprochent.
Ils demandent l’ouverture d’un dialogue et la tenue d’urgence d’une réunion du comité exécutif.

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La rentrée s’annonce très chaude pour le Rassemblement national des indépendants (RNI) et son président Mustapha Mansouri. En ce début du mois de septembre, la classe politique a été surprise par deux sorties médiatiques successives du ministre des finances,  le Rniste Salaheddine Mezouar. Des sorties qui, si elles s’inscrivent dans une démarche de légalité, n’en ressemblent  pas moins à un réquisitoire envers le patron du parti. L’événement est de taille à maints égards. D’abord, parce que c’est rare de voire des ministres, de surcroît en fonction, s’en prendre à la direction de leur parti. Ensuite, il ne s’agit pas de n’importe quel parti, mais du RNI qui constitue une pièce maîtresse dans l’actuelle majorité et une crise dans cette formation peut se ressentir sur la stabilité de la coalition.
En réalité, l’événement qui est la sortie médiatique du ministre des finances, et que beaucoup ont interprété comme annonciateur d’une crise qui pourrait faire exploser le RNI, n’est pas forcément le début d’une catastrophe mais peut-être un tournant salvateur. Il faut en effet comprendre les tenants et les aboutissants de l’affaire.
On aura compris que le RNI est secoué par un mouvement de contestation ? Mais de quoi ou de qui ? Du président du parti ? De ses méthodes de gestion ? S’agit-il d’une fronde de candidats malheureux aux élections ?
Interrogé au lendemain de ses déclarations tonitruantes dans la presse, le ministre des finances a tenu à lever tout équivoque en soulignant qu’«il s’agit d’abord et avant tout d’un appel au dialogue et au débat d’idées et non pas de reproches faits à une personne», celle du président du parti.
Et cet appel, insiste-t-il, n’est pas le geste d’une personne isolée. C’est un ensemble de hauts cadres du parti qui en est à l’origine et qui a désigné M. Mezzouar pour être son porte-parole. Un mouvement qui compte de grosses pointures : tous les ministres RNI sont en première ligne, notamment Mohamed Boussaïd, Aziz Akhannouch, Amina Benkhadra et même les deux militants connus pour être des alliés inconditionnels de M. Mansouri, à savoir Mohamed Abbou et Anis Birou et qui ont fini par rallier eux aussi la vague. Aux côtés des ministres, on trouve également des militants et des élus du parti comme par exemple Rachid Talbi Alami, ancien ministre et ex-maire de Tétouan, actuellement candidat aux élections des conseils régionaux. Comme on aurait pu s’y attendre, des sources au sein du parti indiquent aussi la forte présence de ce qui est communément connu sous le nom du «clan de Casablanca» qui n’est pas particulièrement un fervent supporter de Mustapha Mansouri.

Une OPA sur le RNI ?
Que reprochent-ils  à Mustapha Mansouri ? Plusieurs membres de ce mouvement ont presque tenu le même discours. En substance : il ne s’agit ni d’une opération visant à demander le départ du président ni d’une OPA sur le parti mais d’un élan émanant d’un groupe de militants qui demande un débat sur l’état actuel du parti, ses problèmes internes, ses perspectives…En somme, une démarche très positive dont les auteurs, comme l’explique Mohamed Boussaïd, «ont d’abord pour objectif l’unité et le renforcement du parti et pas le contraire».
Cela dit, le mouvement, parfaitement organisé, a bel et bien développé une sorte de cahier revendicatif axé sur quelques idées forces. La première est l’absence d’évaluation de tout ce qui a été fait depuis le congrès qui, en mai 2007, avait porté Mustapha Mansouri à la présidence et plus spécialement au lendemain des élections communales de juin dernier. «Tous les partis tiennent des réunions au niveau de leurs instances de manière régulière pour faire le point et évaluer sauf le RNI», ne manque pas de faire remarquer Rachid Talbi Alami qui indique, à titre d’exemple, que la dernière réunion du bureau exécutif du parti remonte au mois d’avril. Et s’il y a quelque chose à évaluer, selon M. Talbi Alami, ce sont les résultats du RNI aux dernières communales. «M. Mansouri, explique-t-il, considère que les résultats du parti sont bons. Nous estimons, au contraire, qu’ils sont mauvais et il faut donc en débattre».
Dans le même ordre d’idées, les membres du mouvement de contestation dénoncent le manque de transparence dans la gestion du parti, le manque de concertation et, in fine, le mode de gouvernance actuel.
Un manque de concertation que les contestataires illustrent par ce qui s’est passé durant les communales et toutes les élections qui ont suivi, que ce soit celle des Chambres professionnelles ou encore celles des conseils préfectoraux et provinciaux. Durant les communales, par exemple, on reproche à Mustapha Mansouri de n’avoir pas suffisamment, voire pas du tout, donné de visibilité en termes d’alliances. Les candidats RNI en régions, ainsi livrés à leur sort, ont chacun noué des alliances à leur guise (notamment avec le PJD) donnant, au final, une impression de cacophonie. «Comment peut-on faire des alliances avec des partis dont les projets et les principes sont diamétralement opposés à ceux du RNI», s’interroge M. Mezouar, pour qui, «finalement, cela a été une très mauvaise approche».

Un pied dedans, un pied dehors
Mais encore. Si ce sont là des principes de fond sur lesquels les contestataires insistent, il y a eu, comme on dit, un fait déclencheur. Il s’agit, comme l’expliquent certains membres du mouvement, d’une série d’incidents ou d’événements à l’occasion desquels le président Mansouri a adopté une démarche qui ne fait pas l’unanimité. On en donne pour exemple les déclarations qu’il a faites lors d’une réunion informelle du bureau exécutif ou lors d’entrevues avec des diplomates étrangers en poste au Maroc signifiant, en substance, que «le Maroc est revenu aux années de plomb». On évoque également les reproches faits, de manière virulente, à l’Etat de s’ingérer dans le champ politique et d’appuyer des partis plutôt que d’autres. Des allusions qui renvoyaient bien entendu au PAM. «Le RNI fait partie de la majorité gouvernementale et, nous, en tant que ministres, nous représentons l’Etat et nous avons un devoir de solidarité», explique un ministre RNI. Pour notre interlocuteur, «le RNI a toujours été et doit continuer à être un élément de stabilisation de la majorité et pas le contraire».
En plus  des questions de fond que le mouvement ne partage pas, c’est aussi et surtout le fait que le président n’ait pas pris la peine de se concerter avec les instances du parti avant d’arrêter une position commune par rapport à de tels événements et notamment l’affaire de l’ex-député Rniste Mohamed Jouahri, impliqué dans un trafic de drogue et à propos duquel le communiqué du RNI n’a fait l’objet d’aucune validation par les instances du parti.
La goutte qui a fait déborder le vase remonte cependant à quelques semaines et plus précisément durant le mois d’août et au début de septembre, quand des informations ont commencé à circuler sur l’éventualité de départs massifs d’élus RNI vers d’autres formations, dont le PAM, entre autres. «Ce ne sont pas des spéculations et ces élus, c’est nous aujourd’hui qui les retenons mais jusqu’à quand» ?, s’interroge un ministre RNI. C’est en effet là la grande inquiétude qui a fini par décider les membres du mouvement à passer à l’acte. «A la prochaine rentrée parlementaire, le parti risque de se retrouver sans groupe à la première Chambre», pronostique l’un d’entre eux. Plus qu’inconcevable, ce serait tout simplement la catastrophe pour le parti mais aussi pour la majorité gouvernementale qui se retrouverait ainsi amputée d’une grosse partie de ses troupes. D’où donc le branle-bas de combat au sein du parti.

Que faire en cas d’impasse ?
Si le malaise est là depuis les élections communales de juin dernier, depuis quelques semaines les réunions se sont multipliées devenant quasiment hebdomadaires. Et c’est au terme de ces réunions qu’il a été décidé donc de monter au créneau à la rentrée et de confier le pilotage à Salaheddine Mezouar.
Que demandent finalement les membres de ce mouvement  et que proposent-ils ? En résumé, que le débat soit engagé sérieusement au niveau des instances sur l’avenir du parti. Et pour commencer, proposent-ils, des réunions en urgence du comité exécutif et de la commission centrale. Qu’en pense le premier concerné, en l’occurrence Mustapha Mansouri ? Les membres du mouvement assurent que tous les messages et doléances lui ont été dûment transmis mais qu’à ce jour encore il n’a pas encore répondu. La Vie éco a pu joindre M. Mansouri, qui se trouvait, à l’heure où nous mettions sous presse, en mission officielle en Libye.
Le patron du RNI n’a pas souhaité faire de commentaires avant son retour. Pour autant, les membres du mouvement de contestation écartent le pire, à savoir que le président refuse d’ouvrir le dialogue. «M. Mansouri est quelqu’un de censé et nous ne pensons pas qu’il soit de nature à préférer aller vers l’impasse», confie le ministre RNI, M. Mezouar.
Cependant, certains de ses collègues n’écartent pas justement cette hypothèse de la porte fermée. Auquel cas il reviendra aux instances du parti de décider de la suite des événements. «Nous sommes des légalistes et notre seul et unique objectif, c’est de sauvegarder l’unité du parti et c’est aux militants et aux instances d’en décider», conclut M. Boussaid. A ce sujet, il faut rappeler que les deux tiers du conseil national peuvent décider de la tenue d’un congrès extraordinaire. Lequel conseil national peut, à son tour, être convoqué sur décision du bureau exécutif. Mais encore faut-il que le président daigne le réunir. Il n’y a pas de doute : les prochaines semaines vont être très mouvementées au RNI car il faudra, pour le parti, se donner de la visibilité avant d’entamer la prochaine session parlementaire prévue le 10 octobre.