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Pouvoirs

RNI : Mansouri jette l’éponge, Mezouar prend le relais

Mansouri forcé par les contestataires, mécontents de
la gestion du parti,
de se retirer.

Mezouar devient le président du comité exécutif et aura en charge l’organisation d’un congrès devant élire le nouveau chef
du RNI.
Retour sur une révolte qui aura publiquement duré un mois, mais dont les causes sont plus anciennes.

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On sentait le souffle de la révolte gronder, mais l’on ne s’imaginait pas qu’en à peine un mois, le sort de Mustapha Mansouri, président du RNI serait scellé. Coup de théâtre, mercredi 7 octobre, en fin de soirée, le leader contesté consentait à confier les rênes de la formation politique à Salaheddine Mezouar, jusque-là membre  du comité exécutif et, parallèlement, ministre des finances au sein du gouvernement dirigé par Abbas El Fassi. M. Mezouar, devenu nouveau président du comité exécutif (bureau politique), aura plus précisément en charge la gestion du RNI en attendant la tenue d’un congrès extraordinaire qui élirait un autre président ou reconduirait l’actuel, si celui-ci est candidat et arrive à récolter suffisamment de voix.
Deux ans et demi après le départ d’Ahmed Osman, fondateur du parti, c’est donc une nouvelle page qui se tourne pour le RNI… non sans difficultés.
 
Les multiples volte-faces du président
Mustapha Mansouri aura résisté jusqu’au bout. Gardant le silence depuis ce fameux 7 septembre, jour de la première sortie médiatique de Salaheddine Mezouar, ignorant l’appel au changement du groupe des contestataires, lancé le 20 septembre, il est finalement sorti de sa réserve, sentant sans doute le vent de plus en plus défavorable. Mardi 6 septembre, en fin de journée, alors que le camp réformateur programmait, pour le jour suivant, une rencontre avec les parlementaires du parti, en vue de les rallier à sa cause, Mustapha Mansouri, au sortir d’une réunion avec les quelques fidèles qui lui restaient encore acquis contactait Salaheddine Mezouar pour une entrevue. Ce dernier s’y rendra accompagné de Mohamed Boussaïd, ministre du Tourisme et Mohamed Bentaleb, tous deux, membres du comité exécutif. Qu’est ce qui a été dit lors de cette réunion ? Les concernés sont peu prolixes à ce sujet. L’on saura cependant qu’elle aura duré jusqu’à deux heures du matin et que Mustapha Mansouri qui avait proposé de confier la gestion du parti à une commission ad-hoc dans l’attente de l’organisation du congrès, a accepté que ce soit Salaheddine Mezouar qui prenne les rênes du RNI, toujours dans l’optique d’un congrès à venir.
Mercredi 7 octobre, aux environs de 9h, Mansouri recevait donc l’accord rédigé, en vertu duquel il acceptait de céder la présidence du comité exécutif, mais il ne le signait point, demandant à réécrire lui-même une nouvelle mouture. Rendez-vous fut donc pris, lors de la réunion avec les parlementaires prévue à 16 h, à l’hôtel Tour Hassan de Rabat, mais qui ne s’est finalement tenue qu’à 18h.
Surprise, à nouveau : le président en exercice fit un discours mais sans parler du document en question. Il aura fallu que Mezouar lui rappelle ses engagements pour que le sujet soit enfin évoqué. Loin de lâcher prise, Mansouri se rebella en déclarant qu’il n’était pas un «Ben Arafa» et qu’il ne pouvait signer un document qu’il n’avait même pas lu. Il aura fallu encore que Mezouar et Boussaïd interviennent pour clarifier les choses et évoquer le contenu de la discussion de la veille, pour que Mansouri recule enfin d’un pas en demandant à ce qu’on lui laisse un peu de temps pour réfléchir. De fait, le président voulait temporiser en vue de chercher des appuis. Il n’en eût pas le loisir : pressé par les contestataires et les parlementaires, il finit par céder. Quelque minutes plus tard, le comité exécutif se réunissait dans l’urgence, validait la signature du retrait du président et la nomination d’un nouveau chef du comité exécutif qui aurait en charge l’organisation du congrès à travers la convocation des instances habilitées à cet effet (comité central, puis conseil national) et s’occuperait de la gestion du parti dans l’intervalle.

Mansouri avait fini par perdre l’essentiel de ses alliés
Mustapha Mansouri avait-il le choix ? Il semble bien que non. Le président du RNI avait contre lui bon nombre de poids lourds du parti, dont  plusieurs ministres, qu’ils soient anciens ou encore en exercice, des membres du bureau exécutif et des parlementaires. A ceux-là s’ajoutent des membres influents parmi les sages du parti comme Badr Eddine Senoussi et Haddou Chiguer. M. Mansouri venait également de perdre, lundi 5 octobre, le soutien de Mohamed Abbou, seul membre RNI du gouvernement encore considéré comme proche de lui après que ce dernier ait décidé de geler son appartenance au parti. Enfin, pris à témoin par les deux camps, Ahmed Osman, fondateur du parti dont Mustapha Mansouri était proche, avait refusé prendre une position claire.

RNI, rayonnant en 2007, craignant la chute en 2012
Fait étonnant, ce récent bouleversement survient alors que le parti traversait une période plutôt faste, sur le plan électoral. Arrivé à la quatrième place au lendemain des élections du 7 septembre 2007 derrière l’Istiqlal, le PJD et le MP, le RNI avait obtenu une représentation plus qu’honorable au gouvernement El Fassi avec pas moins de 7 portefeuilles dont le très convoité ministère de l’économie et des finances. Il a aussi obtenu la présidence de la Chambre des représentants au profit de Mustapha Mansouri, en plus de celle des Conseillers, déjà dirigée par Mustapha Oukacha. Mieux, au lendemain du décès de ce dernier, le RNI avait pu garder le perchoir au profit d’un des siens en la personne de Maâti Benkaddour. Ces derniers mois, les élections menées entre juin et octobre 2009 ont montré que le parti avait toujours le vent en poupe, le RNI s’étant classé parmi les trois premiers aux élections communales, provinciales, préfectorales et régionales. Son seul revers en deux ans n’a été essuyé qu’à la Chambre des conseillers où il est passé de la troisième à la cinquième position…
Pourquoi, les cadres du RNI en voulaient-ils autant à leur président alors que la formation vivait une période favorable ? A première vue, la colère du bureau exécutif du parti est liée à la publication par Mustapha Mansouri d’un communiqué en relation avec l’arrestation de Mohamed Jouahri, un ancien parlementaire du RNI, lié à une affaire de trafic de drogue. Le comité reprochait en effet au président d’avoir publié le document, qui contenait des accusations graves à l’intention des autorités, sans l’avoir réuni pour en discuter au préalable (les membres du comité ont, en effet, seulement eu droit à une lecture du document au téléphone). A en croire les militants, cette affaire n’a toutefois été que l’étincelle qui avait mis le feu aux poudres.

Des élections mal gérées et des arbitrages non rendus…
Cela faisait un moment déjà que le mécontentement couvait au sein du parti de la colombe. Si on insiste que les reproches qui lui sont faits n’ont rien de personnel, sa gestion du parti est descendue en flammes : les instances du parti n’ont pas été réunies avec une fréquence satisfaisante, l’agenda de réformes n’a pas été respecté. Selon l’état des lieux dressé par l’appel du 20 septembre, le RNI souffre profondément de l’absence de débats en interne, de production d’idées. Enfin, à en croire les critiques émises à son égard, même les succès électoraux du parti sont difficilement imputables à son président, bien au contraire. L’on fait en effet état d’une gestion anarchique des élections, de l’absence d’encadrement et de soutien des candidats, qui, du coup, se sont parfois gênés les uns les autres sur le terrain. Ainsi, il y a quelques semaines, deux membres du RNI, Mohamed Bouhriz, un proche de Mustapha Mansouri, et Rachid Talbi Alami, aujourd’hui partisan de la réforme du RNI, se sont disputés la présidence de la région de Tanger -Tétouan, sans que la direction du parti ne lève le petit doigt pour les départager. Au-delà, l’absence d’une position claire en matière d’alliances a débouché sur des rapprochements parfois considérées comme contraires au projet du parti, comme à Salé où le président RNI de la commune a été élu avec le soutien du PJD. Ainsi, le souhait des réformateurs se résumait en une idée : depuis 2007 le parti avait bénéficié de conditions idéales et d’une représentation politique suffisamment forte pour prétendre devenir un leader plus tard, mais l’on reprochait au président d’avoir dilapidé ce capital de confiance ou du moins de ne pas avoir mis en œuvre les conditions de sa fructification. L’heure était d’autant plus grave que le parti commençait à perdre ses troupes. Avant de passer à l’acte, les critiques de la gestion Mansouri, se devaient toutefois d’attendre que se termine la période électorale, par définition peu propice à la réforme interne. «Peu importe si notre gestion de la période entre les élections législatives et les élections communales a été bonne ou mauvaise. L’essentiel, c’est que nous sommes convaincus que, pendant cette période, nous n’avons pas pu valoriser le parti, exploiter ses potentialités. Nous avons donc demandé à ouvrir le débat et évaluer objectivement la gestion de cette période. A partir de là, il s’agira de déclencher un processus qui déterminera la gestion du parti pour les années 2009 à 2012», explique Rachid Talbi Alami, membre du bureau politique et ex-ministre des affaires économiques et générales.
Désormais, les réformateurs entendent bien faire bouger le RNI. «Nous sommes convaincus que notre parti peut être fort. Il peut décrocher la première place en 2012. Au lieu que le RNI complète les majorités existantes, nous voulons conduire la prochaine locomotive», poursuit Rachid Talbi Alami.
Avant cela, cependant, bien des choses restent à faire. «Si le parti reste dans sa posture actuelle, nous ne pourrons pas être prêts pour 2012, or notre ambition c’est justement que le RNI devienne la première force politique d’ici là. Pour cela, il faudrait réunir toutes les conditions nécessaires, à commencer par l’ouverture de discussions sur les compétences externes, la création d’organisations parallèles pour la jeunesse, pour la femme, la refonte de l’idéologie du parti. 2012 se prépare dès maintenant», indique Mohamed Boussaïd.