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Retraites – Khalid Alami Houir : «La réforme ne peut se réduire à une simple opération de calcul»

Le Secrétaire général-adjoint de la Confédération démocratique du travail (CDT) livre sa vision quant à la réforme du régime des retraites. Il évalue aussi le processus enclenché ainsi que l’évolution du dialogue social.

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Sur fond de l’activation de la mise en œuvre des résultats du dialogue social, quelle évaluation faites-vous du processus ?
Autant nous avons apprécié à leur juste valeur les résultats du dialogue, bien que cela reste en deçà des attentes, néanmoins nous estimons qu’il y a encore des efforts à entreprendre de la part de l’Exécutif pour améliorer la situation des citoyens. Ceci d’autant plus que, en tant qu’acteur soucieux du bien-être de toutes les catégories sociales, nous suivons avec beaucoup d’inquiétude les récentes augmentations des prix de certains produits de base.
Et nous appelons le gouvernement à faire preuve de davantage d’innovation pour répondre aux exigences de cette situation. De même que nous appelons à l’accélération de la mise en œuvre, dans les plus brefs délais, des résultats du dialogue social pour qu’on puisse aller de l’avant lors des prochains rounds.

Parmi les dossiers chauds, il y a surtout celui des retraites… Votre vision quant au processus enclenché pour cette réforme ?
A la CDT, notre position est claire, comme elle l’a été avec les propositions des deux précédents gouvernements. Pour nous, les trois points qu’on évoque sont inacceptables, à savoir ceux relatifs au relèvement de l’âge de départ à la retraite, la révision à la hausse des cotisations, ainsi que la réduction des pensions. Nous estimons, en fait, que recourir à un discours de catastrophisme, consistant à dire que les Caisses sont en banqueroute et que le seul scénario de sauvetage est le recours aux portefeuilles des fonctionnaires, est irrecevable. En fait, à défaut d’avoir des chiffres exacts sur la situation de ces Caisses, nous ne pouvons trancher quant à la position définitive à prendre. L’opacité qui entoure cette situation exige clarification et transparence.
Ceci d’une part, d’autre part, nous estimons que la réforme ne pourrait se réduire à une simple opération de calcul. Pour nous, il est nécessaire que la réforme tienne compte de tous les paramètres relatifs à la situation des fonctionnaires après le départ à la retraite, à savoir leur santé, le coût de la vie, le pouvoir d’achat des citoyens, l’éducation de leurs enfants, etc.
Certes, on peut avancer la question de l’espérance de vie, du reste sujette à caution, mais l’on ne peut pas opter pour des comparaisons avec d’autres pays, qui n’ont rien à voir avec le nôtre, pour imposer la réforme dans le format qui a été proposé.

Quelles sont les raisons de votre rejet ?
Outre ces aspects, nous estimons que le fait que l’Exécutif n’ait pas pris la peine de tenir les syndicats informés du processus est tout aussi problématique, parce qu’il y aurait dû y avoir des concertations préalables qui seraient à même de déboucher sur une vision partagée. Surtout que, à nos yeux, la réforme proposée n’est ni systémique ni paramétrique. Sans oublier que nous n’avons aucune idée sur le cahier des charges qui a été établi avec le cabinet qui a planché sur la réforme.
Maintenant, ce sont là des principes de base et nous attendons d’y voir plus clair pour tirer les conclusions qui s’imposent. Une réunion est d’ailleurs prévue dans ce sens avec la ministre de l’économie et des Finances, ce qui va nous permettre de disposer de plus de visibilité quant au fond des propositions du gouvernement.
Et c’est après nos échanges que nous allons décliner notre vision et nos propositions pour sortir de ce tunnel, ainsi que notre position.
En fait, pour nous, il ne s’agit pas d’une équation technique qu’on pourrait régler techniquement, mais d’un problème de société qui dépasse les calculs.
Or, il ne faudrait surtout pas que l’Exécutif ne fasse recours à la supériorité arithmétique de la majorité gouvernementale au Parlement pour forcer l’adoption d’une réforme qui risque d’hypothéquer la paix sociale dans le pays. Et nous tenons, à ce propos, tirer la sonnette d’alarme quant au risque d’exacerber les tensions auxquelles nous assistons actuellement.

Qu’en est-il des pistes à explorer pour résoudre cette problématique ?
Je pense que le vrai problème des Caisses de retraite réside dans l’approche à adopter pour leur renflouement.
A nos yeux, la réponse à ce défi ne pourrait passer que par le recrutement qui est de nature à élargir l’assiette des cotisations. Côté secteur public, le constat est là. Les recrutements se font au compte-goutte, alors même qu’on ne cesse d’affirmer, dans pratiquement tous les départements ministériels, que les besoins se font de plus en plus ressentir, exigeant davantage de ressources humaines, que ce soit pour la Santé, l’éducation et autres, pour assurer les conditions optimales en vue de réussir les chantiers ouverts.
Une situation d’autant plus préoccupante que nous allons assister, sur les cinq années à venir, à des départs massifs à la retraite. Une assez complexe équation à laquelle il faut trouver des solutions raisonnables, qui plus est doivent découler d’un dialogue responsable entre les différents partenaires sociaux.

Quid du secteur privé ?
S’agissant du secteur privé, il y a urgence de solutionner la grande problématique des déclarations à la Caisse nationale de sécurité sociale, sachant que dans le tissu productif, nombreuses sont les entreprises qui ne déclarent même pas leurs employés, d’où les insuffisances de cotisations. Il s’agit, en définitive, d’une problématique à plusieurs dimensions à laquelle il faut une réponse multidimensionnelle.

Et vos propositions pour gérer au mieux les finances de ces Caisses ?
D’une manière générale, parmi nos propositions, nous avons déjà émis, entre autres, l’idée de rediriger certaines taxes pour renflouer les Caisses de retraite, de même que nous avons appelé à recourir à des placements plus rentables des cotisations, mais nous n’avons pas été entendus. Faire un recours systématique au fonctionnaire ou à l’employé pour combler les déficits relève du raccourci. On ne peut ponctionner des salaires d’un fonctionnaire ou d’un salarié toute une vie, pour venir lui imposer de recevoir moins, au moment où ses besoins augmentent.