Pouvoirs
Rentrée parlementaire : lois, enjeux électoraux et combines
– Loi de finances et loi électorale mobiliseront les énergies.
– Seuil d’entrée au Parlement : le PPS et l’Istiqlal mettent
l’USFP
au pied du mur.
– Présidence de la 2e Chambre : rien n’est encore joué.
– PJD : Ramid joue le sage.

Ramadan ou pas, les parlementaires du Royaume ont décidément du pain sur la planche : à partir du vendredi 13 octobre, date d’ouverture de la session d’automne, et pendant les mois à venir, les quelque 500 députés et conseillers devront se pencher sur une série de projets de loi, dont des reliquats de la session précédente. Seront au menu des débats des thèmes très divers allant de l’échange électronique de données juridiques à la protection des palmiers en passant par l’urbanisme. D’autres projets de loi, présentés par le gouvernement il y a un an, viendront s’ajouter à la liste. Ils traitent de thèmes comme le blanchiment d’argent, l’organisation des lieux de prière ou encore l’accord de pêche maritime co-signé par le Maroc et l’Union européenne à Bruxelles en 2005 (voir encadré).
Malgré l’importance de certains de ces dossiers, dont celui de l’habitat, qui traîne dans les couloirs du Parlement depuis près de deux ans, les élus devront se pencher en priorité sur deux projets de loi particulièrement volumineux : la Loi de finances et la loi électorale, qui promettent de dominer les discussions, d’autant plus que tous deux se chargent de connotations électorales au fur et à mesure que 2007 approche. En effet, hausse des prix ou veille des élections oblige, plusieurs partis de la majorité annoncent aujourd’hui leur volonté de pousser le gouvernement à faire davantage de concessions aux petits budgets, tandis que Fathallah Oualalou, ministre des finances et de la privatisation, commence à défendre son bilan, notamment à l’occasion d’une conférence tenue le 29 septembre dernier au siège de l’USFP à Rabat sur les« Enjeux et défis du Maroc d’aujourd’hui ».
Parallèlement, actualité oblige, deux projets de loi directement liés au prochain renouvellement de la Chambre des représentants viennent aussi intégrer la liste des lois à discuter, l’un concernant la révision exceptionnelle des listes électorales tandis que le second concerne le Code électoral lui même. Leur arrivée coïncide avec ce qui ressemble de plus en plus à un come-back de la loi électorale aux dépens de l’USFP.
Redescendre à 5% pour relancer la loi électorale ?
En effet, la loi a été mise en veilleuse pendant tout l’été à la suite de la polémique qui avait éclaté entre bon nombre de partis et la majorité concernant l’établissement d’un seuil d’entrée au Parlement de 7% particulièrement soutenu par le parti de Mohamed Elyazghi. Mais le texte objet de la discorde revient sur la scène. En atteste une rencontre informelle entre l’Istiqlal et le PPS, tenue le 8 octobre dernier à ce sujet et, fait étrange, en l’absence de leur allié l’USFP. «Nous avons adressé des lettres aussi bien à la direction de l’Istiqlal qu’à celle de l’USFP pour demander la relance de la Koutla, justement pour débattre de plusieurs problèmes en rapport avec la rentrée politique, et nos amis de l’Istiqlal ont été rapides à la réponse, donc nous avons tenu cette réunion bilatérale en attendant que la tripartite ait lieu avec l’USFP», justifie le secrétaire général du PPS, Ismaïl Alaoui. Et d’ajouter : «Nous avons constaté une convergence de vues concernant le Code électoral dans la mesure où nos amis de l’Istiqlal sont tout à fait d’accord pour que le seuil passe de 7% à 5%. Ils sont aussi acquis à l’idée que l’on ne peut pas faire preuve d’ostracisme concernant les partis qui n’ont pas obtenu 3% aux dernières élections ni contre ceux qui n’ont pas eu d’existence à cette époque, en 2002, et que la démocratie voudrait que tous se présentent au suffrage universel». Si le parti socialiste a effectivement décidé de faire la sourde oreille, mal lui en aura pris : la convergence en question ne manquera pas de remporter le soutien des autres partis de la majorité, laissant les socialistes porter seuls le poids de la demande, toujours aussi impopulaire, de son relèvement à 7%. Le parti socialiste était-il déjà mûr pour changer d’avis sur le seuil à 7% comme certains le laissent entendre ? L’entente entre les deux partis de la Koutla avait-elle valeur d’accord ? Le PPS et le PI ont-il procédé à un échange, le premier s’engageant à soutenir le parti de Abbas El Fassi en échange d’un Code électoral qui lui serait plus favorable ? Une chose est sûre, qu’elle soit volontaire ou non, la fuite de l’information dans les médias devrait augmenter la pression sur l’USFP en ce sens, ce qui accélérera certainement le vote de la loi électorale, permettant ainsi aux autorités de tenir leur promesse de clore le dossier de la loi électorale un an avant l’échéance 2007. Toutefois, l’incident pourrait bien amener le parti socialiste à riposter à un autre niveau. L’élection du président de la deuxième Chambre du Parlement lui en donnera-t-elle l’occasion ?
Chambre des conseillers : Oukacha forever ?
La rentrée parlementaire coïncidera aussi avec la course à la présidence de la deuxième Chambre. Or, à une semaine de l’élection du président, c’est le silence au sein de la majorité. Le calme avant la tempête ? Malgré l’absence de candidatures officielles, le Parti de l’Istiqlal apparaît comme l’un des principaux prétendants au perchoir de la deuxième Chambre, face à deux concurrents de taille : le RNI et le Mouvement populaire. Opposé à un parti haraki qui détient le plus grand nombre de sièges, mais qui reste indécis quant à l’identité de son candidat, à un RNI dont le champion, Mustapha Oukacha, pourrait être le candidat du consensus, l’Istiqlal prétend lui aussi au perchoir, mais aura du mal à le garantir à son candidat, Abdelhaq Tazi.
En effet, le parti a pour seul argument, aujourd’hui, le soutien de ses alliés de la Koutla, du moins pour le premier tour. «Si jamais l’Istiqlal présente un candidat, la logique voudrait que les membres du PPS le soutiennent», explique M. Alaoui. Ce soutien se prolongera-t-il cependant jusqu’au deuxième tour, le plus stratégique ? «On n’en sait rien. Si le candidat de l’Istiqlal se retire, automatiquement, au nom de la même logique, nous soutiendrons celui de la majorité», poursuit le patron du PPS. Driss Lachgar, porte-parole de l’USFP, tient presque le même raisonnement mais avec une nuance : son parti préfère voir la majorité présenter un seul candidat. Toutefois, en cas de divergence, «le principe est que nous sommes premièrement avec la Koutla et, deuxièmement, avec la majorité». ..
Toujours est-il que, même si ces élections ne sont pas aussi stratégiques qu’en 2002, le résultat de ce face à face à trois reste incertain. Pour Ahmed Laâmarti, président RNI de la commission des finances de la deuxième Chambre, «ce seront finalement les chiffres qui vont trancher», faisant allusion au poids numérique des uns et des autres et aux alliances qui vont se nouer le temps d’une élection.
Le PJD lave son linge sale en famille
Pendant ce temps, à la première Chambre, ce n’est pas le calme non plus. Avant même la redistribution des rôles au niveau des groupes parlementaires et des commissions, les partis resserrent leurs rangs. Le cas le plus marquant reste peut-être celui de Mustapha Ramid. En effet, le député du PJD se fait sage, cette fois, et n’a, apparemment, pas souhaité reconduire son rôle de trouble-fête comme les autres années. Sinon, comment expliquer le fait qu’il se soit éclipsé en douceur du groupe des candidats à la présidence du groupe parlementaire PJD à la première Chambre, poste qu’il s’était vu refuser auparavant. Une part de solidarité partisane n’est pas à exclure pour expliquer son comportement : il avoue en effet que, selon ses «convictions personnelles», il souffre de «problèmes (ichkalat) politiques qui [l]’empêchent d’être chef du groupe à cette étape».
L’honneur restera sauf toutefois puisque le groupe en question l’y aura invité : «L’équipe a proposé trois personnes, M. Baha, M. Choubani et moi même, et je me suis excusé envers les frères et je leur ai dit que je n’étais pas prêt à assurer la présidence de l’équipe. L’équipe sera donc dirigée par M. Choubani». En revanche, si son parti parvient à conserver la commission de la justice et des droits de l’homme, il y gardera son poste de président, à moins que l’USFP ne décide de reprendre la commission, soutenant ainsi son ministre de la justice, Mohamed Bouzoubaâ, il y a encore quelques mois critiqué au sein de son parti. L’heure est décidément à l’union, en attendant la bataille.
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Comme tous les ans, les partis arrivent avec leur lot de propositions de loi, mais très souvent ces dernières doivent céder la priorité aux projets de loi issus du gouvernement. On en relèvera une émanant de l’Istiqlal au sujet des sondages électoraux. «Il s’agirait de mettre en place une commission de politologues et d’experts pour examiner la validité des méthodologies utilisées et la manière dont ont été organisés les sondages, avant la publication de ces derniers», explique Abdelhamid Aouad, président du groupe parlementaire istiqlalien à la Chambre des représentants. L’homme est bien placé pour avoir été, pendant le gouvernement Youssoufi I, patron de la direction de la statistique. M. Aouad verrait bien la mise en place de sanctions à l’égard des sondages qui n’ont pas respecté les normes techniques pendant leur élaboration. Visiblement, l’effet du sondage de l’IRI, qui avait présenté le PJD comme le grand vainqueur potentiel des élections de 2007, ne s’est pas complètement estompé. Reste à savoir quel accueil sera fait à la proposition en question par les autres partis, d’autant plus que plusieurs d’entre eux, échaudés, se préparent à organiser leurs propres études… |
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