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Rencontre avec Gush Shalom

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Gush Shalom 2011 02 28

Gush Shalom est la plus active des associations israéliennes militant pour la paix avec les Palestiniens. Nous avons rencontré à Tel Aviv son porte-parole, Adam Keller.
Binocles à gros foyer, cheveux hirsutes, allure dégingandée, Adam Keller ressemble à un scientifique exalté fourré dans ses éprouvettes. Mais son alchimie à lui c’est la paix : Adam Keller est co-fondateur et porte-parole de Gush Shalom, organisation pacifiste israélienne créée en 1992, qui œuvre pour la paix sur la base de deux Etats, dont l’un, palestinien, ayant Jérusalem-Est pour capitale et établi dans les frontières de 1967… mais avec quelques remaniements si nécessaire.
Selon Keller, Gush Shalom, qui signifie Bloc de la paix, compterait aujourd’hui quelques centaines de militants et quelques dizaines de milliers de sympathisants. L’organisation défend les refuzniks israéliens qui refusent d’aller combattre contre les Palestiniens. Elle appelle au boycott des produits israéliens issus des colonies, boycott que les autorités françaises tentent de criminaliser en l’associant à une campagne antisémite. Elle soutient également le combat de Bil’in et des nombreux villages qui se sont inscrits dans son sillage avec des manifestations hebdomadaires contre le mur et contre le démantèlement de leurs terres.
Voilà dix ans Gush Shalom avait amorcé un rapprochement avec les autres organisations pacifistes israéliennes en vue de constituer une coalition des forces de paix, mais les divergences –notamment celles sur la nature terroriste ou non du Hamas– avaient pris le dessus. «Aussi les coalitions se font désormais au coup par coup, sur des actions très concrètes rassemblant l’assentiment de tous. Comme c’est le cas, par exemple, pour ce qui concerne les modalités de résistance aux tentatives de judaïsation de Cheikh Jarrah, près de Jérusalem, où les colons viennent occuper les maisons des Palestiniens de 1948. Ou dans d’autres villages où les colons s’amusent à tirer sur les cultivateurs d’olives palestiniens afin de pousser l’armée à intervenir et les Palestiniens à quitter leurs terres. Or toute terre abandonnée tombe sous le coup d’une loi qui en fait la propriété de l’Etat… ce qui ouvre la voie à de nouvelles colonies». C’est pourquoi les militants de Gush Shalom s’efforcent d’accompagner les Palestiniens lors de la cueillette pour empêcher l’armée de prendre fait et cause pour les colons.
Adam Keller reste toutefois optimiste en ce qui concerne les chances de parvenir à une paix entre Israéliens et Palestiniens, bien que «la paix a été ratée tellement de fois qu’on en oublie qu’elle fait partie de l’avenir. Ceci est un résidu négatif d’Oslo». Alors pourquoi Oslo a-t-il été un échec ? «Parce que le principe en était de régler les petits problèmes afin de créer la confiance, et on a laissé de côté les vrais problèmes, tels ceux des réfugiés palestiniens et de Jérusalem, tant et si bien que lorsqu’Oslo a été annoncé, ces points ont été repris par un gouvernement où les colons et l’armée ont trop de pouvoir. A ce jour les différents gouvernements israéliens n’ont toujours pas procédé à la libération des détenus palestiniens, sous prétexte qu’ils avaient du sang juif sur les mains, alors que leur élargissement était explicitement inscrit dans l’accord».
Sur le terrorisme, Keller est formel : «Celui-ci a commencé après que Baruk Goldstein a tiré sur la foule en prière à la mosquée de Hébron». Il y avait eu alors 29 morts et 150 blessés. Selon Keller le but du fanatique juif était clairement de faire capoter Oslo. Puis il y eut l’assassinat de Rabin, puis l’échec des négociations Barak-Arafat à Camp David : «Quand Barak en est revenu, la foule qui l’attendait à l’aéroport, après avoir attendu un accord historique, a réclamé la guerre. Lorsqu’on a essayé par la suite de manifester pour la paix on ne fut plus que 300 personnes alors que nous étions habituellement 10  000 ! Deux mois plus tard débutait la deuxième Intifada».
 Aujourd’hui, s’il fallait choisir entre garder les Territoires occupés mais en perdant le soutien des Etats-Unis, ou rendre la terre contre la paix pour conserver le soutien américain : «90% des israéliens choisiraient de rendre la terre, car le soutien américain est central et décisif». Mais le danger vient sans conteste des colons. «Ils constituent 10% de la population mais ils sont armés et bien organisés. Le débat fait rage en leur sein sur le fait de devoir ou non prendre les armes au cas où ils viendraient à être délogés». Keller les compare à l’OAS de la fin de la guerre d’Algérie. Mais s’ils venaient à tuer un militaire alors, selon Keller, « 90% de la population seraient contre eux». Plus grave peut-être, les colons «qui pour beaucoup sont des religieux orthodoxes non contraints par l’armée, essaient aujourd’hui d’infiltrer celle-ci».

http://www.gush-shalom.org/