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Pouvoirs

Réforme de la Constitution, le débat refait surface

Après avoir longtemps été l’apanage des politiques, le débat est relayé par la société civile.
Soucieux de ne pas se laisser distancer sur le terrain, les partis surenchérissent.
Que réformer ? les points de vue divergent.

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«L’ institution monarchique doit se préserver de la gestion quotidienne des affaires économiques et sociales. Le Roi doit jouer le rôle d’arbitre entre les forces politiques en étant garant du choix démocratique du pays. Il doit cependant garder la haute main sur la sécurité nationale. S’il s’expose, ce ne sera pas dans l’intérêt du pays». Celui qui s’exprime ainsi est Abdelali Benamour, fondateur de l’association Alternatives. M. Benamor parle, en filigrane, de réforme constitutionnelle. Et sur cette question, la société civile semble prendre les devants : ce ne sont plus les seules organisations des droits de l’homme qui demandent la révision de la Constitution, d’autres associations leur ont emboîté le pas, avec des positions parfois plus audacieuses que celles des partis politiques.
Cependant, la réponse des partis politiques ne s’est pas fait attendre. Regagnant du terrain sur le front de la revendication, Abbès El Fassi, lors d’une rencontre à Rabat samedi 26 mars, est monté à son tour au créneau. Il a appelé au rééquilibrage des pouvoirs de l’exécutif en faveur de l’institution du premier ministre qui devrait être dotée de plus de pouvoirs notamment celui de nommer les secrétaires généraux des ministères et certains hauts fonctionnaires.

La Koutla revient à des positions plus raisonnables
Le PPS, autre parti de la Koutla, n’est pas en reste. «Nous sommes favorables à une révision constitutionnelle qui va dans le double sens de la modernité et de la stabilité. Nous avons en particulier réclamé la constitutionnalisation de la langue amazigh en tant que langue nationale. Nous demandons la confirmation de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice. De façon plus précise, nous sommes pour une affirmation plus forte de l’option de la régionalisation, ce qui a pour conséquence un indispensable reprofilage de la deuxième Chambre», affirme Khalid Naciri, membre du bureau politique du parti.
Les positions des partis de la Koutla paraissent en deçà de leurs anciennes positions qui axaient toute revendication de réforme sur le fameux article 19 stipulant que «le Roi, Amir Al Mouminine, représentant suprême de la nation, symbole de son unité, garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat, veille au respect de l’Islam et de la Constitution. Il est protecteur des droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités. Il garantit l’indépendance de la nation et l’intégrité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques». Un article qui consacre, selon certains constitutionnalistes, la prééminence de l’institution monarchique sur toutes les autres.
L’amendement de cette disposition a disparu des cahiers revendicatifs de ces partis. Sur ce point, Khalid Naciri est clair : «Ceux qui réclament aujourd’hui la révision de l’article 19 de la Constitution ont dans le collimateur le statut du Roi en tant qu’Amir Al Mouminine. Nous pensons, en ce qui nous concerne, que cette disposition ne pose pas de problème dans les conditions historiques actuelles.»
Le même son de cloche se fait entendre du côté de l’USFP. Driss Lachgar, membre du bureau politique du parti est formel à ce sujet: « L’article 19 n’a jamais été un obstacle pour la réalisation des multiples réformes. La légitimité historique et religieuse de la monarchie a aidé à faire avancer les différents dossiers de réforme».

La gauche non gouvernementale prend le relais de la contestation
L’USFP, qui voyait dans cet article le verrou à faire sauter pour une réelle démocratisation du régime, fait marche arrière. Ce changement dans la position des socialistes est intervenu après leur arrivée aux affaires. Ont-ils découvert les bienfaits d’un tel article à l’occasion de l’épisode sur le plan d’intégration de la femme que le gouvernement Youssoufi n’a pu faire passer ou bien, comme l’affirme Mohamed Sassi, coordinateur de Fidélité à la démocratie, «otages du processus politique enclenché depuis 1996, ils ne revendiquent que ce que la monarchie est prête à accepter» ?
L’article 19 figure aujourd’hui, en tête des revendications des partis de la gauche non gouvernementale. Ainsi, Mohamed Meftah, dirigeant de la GSU, sans expressément le citer, y fait allusion quand il réclame pour la bonne marche du pays «qu’il y ait une réforme constitutionnelle allant dans le sens où tous les responsables de la gestion publique doivent rendre des comptes et être comptables devant la nation. Le meilleur système qui pourrait être appliqué au Maroc est celui de la monarchie parlementaire». Mohamed Sassi pousse la logique jusqu’au bout quand il dit que la seule issue possible pour le Maroc est la monarchie parlementaire. Sur les dispositions à changer, Mohamed Sassi est encore plus précis. «Pour arriver à une monarchie constitutionnelle, affirme-t-il, cinq orientations devraient être prises en considération : déterminer le rôle de la monarchie dans le système politique marocain ; renforcer l’institution du premier ministre ; reconnaître au Parlement une compétence législative générale et unique ; enrichir la Constitution marocaine en introduisant plusieurs nouvelles dispositions inspirées des nouvelles tendances des Constitutions modernes et enfin abroger constitutionnellement les pratiques et usages non constitutionnels ou supra constitutionnels.»
Si la révision constitutionnelle revient encore une fois au-devant de la scène politique, la dynamique est cette fois-ci impulsée par la société civile et les partis s’y joingnent en traînant les pieds, n’en faisant plus un préalable à leur participation aux affaires. Une chose est sûre, l’initiative de toute réforme, comme cela a été toujours le cas, ne peut venir que de l’institution monarchique.

Quelles que soient les différences dans les positions des uns et des autres, ce qui est sûr, c’est que l’initiative de toute réforme ne peut venir que de l’institution monarchique.