Pouvoirs
PPS : la guerre de succession n’aura pas lieu
Alors qu’il avait décidé de prendre sa retraite en 2005, Ismaïl Alaoui rempilera probablement pour un troisième mandat.
Le prochain congrès national du parti devrait limiter le nombre des mandats.
La fusion avec le PSD et Al Ahd sera la priorité des mois à venir.

Ismaïl Alaoui, élu secrétaire général du PPS (Parti du Progrès et du Socialisme) en septembre 1997, aura 65 ans l’année prochaine. Un âge à marquer d’une pierre blanche puisque le successeur d’Ali Yata avait annoncé, il y a quelques mois, qu’il ne rempilerait pas au VIIe congrès national du parti, qui se tiendra en juillet 2005. Il souhaitait prendre sa retraite et quitter la scène politique.
Il n’en fallait pas plus pour que les spéculations battent leur plein. Trois prétendants à la succession étaient ainsi désignés «à l’insu de leur plein gré» : Abdelouahed Souheil, Nabil Benabdellah et Ahmed Zaki, tous trois membres du bureau politique. Et le Rubicon fut allègrement franchi. On déclara alors qu’une guerre de succession était imminente. Qu’en est-il réellement? Qu’en pensent les différents protagonistes et, d’abord, le premier concerné, Ismaïl Alaoui ?
«J’ai toujours pensé que dans une société où la majorité de la population a moins de trente ans, il n’était pas normal que quelqu’un qui a dépassé par deux fois cet âge continue à détenir des responsabilités politiques de premier plan. Certes, il y a une part d’égoïsme dans ce que je dis, dans la mesure où je voudrais m’occuper un peu de moi-même et consacrer les années qui me restent à vivre à des sujets qui me passionnent depuis bien longtemps», avoue le secrétaire général du PPS.
«Cela dit, poursuit-il, je sais que beaucoup de camarades estiment que mon sort politique n’est pas entre mes mains. Il va de soi que je suis un militant discipliné et que je dois me conformer aux décisions de mes camarades. Mais si jamais je rempilais, ce sera sur la base d’une mission claire et limitée dans le temps». La messe est dite. Et ce n’est pas là, semble-t-il, l’un de ces arguments éculés du genre : «Retenez-moi, sinon je pars !». Le fait est que Moulay Ismaïl, comme l’appellent ses intimes, a réussi à réaliser un très large consensus autour de son leadership. Et d’abord parmi les trois présumés prétendants à la succession.
Ismaïl Alaoui, primus inter pares
Le premier d’entre eux, Abdelouahed Souheil, est aujourd’hui l’un des anciens du parti puisqu’il est entré au bureau politique en même temps qu’Ismaïl Alaoui, lors du Ier congrès national du PPS, en 1975. C’est-à-dire il y a près de trente ans !
Cet ancien PDG du CIH (Crédit immobilier et hôtelier) trouve qu’il y a une tendance, dans la vie politique nationale, à «sur-dimensionner» le rôle des congrès nationaux des partis. «On a l’impression qu’ils marquent la fin d’un monde et le début d’un autre. Or ces grands-messes ne sont qu’une étape, certes importante, dans la vie d’un parti. Une étape où l’on dresse le bilan des activités menées, où l’on fixe l’ordre de priorité pour les actions futures et où l’on élit des équipes pour diriger le travail du parti».
Par ailleurs, rappelle-t-il, au PPS, «malgré une fausse idée répandue, il y a une tradition de direction collégiale et le chef n’est en réalité que le premier d’entre ses pairs. Le choix d’Ismaïl Alaoui comme successeur d’Ali Yata a été fait parce qu’il était l’un de nos camarades capable de faire la synthèse à chaque fois et de s’exprimer au nom de l’équipe».
M. Souheil est donc catégorique : la succession n’est nullement à l’ordre du jour du prochain congrès national. «Moulay Ismaïl Alaoui est d’abord un militant du parti et un homme foncièrement honnête, qui place l’intérêt supérieur du parti bien au-dessus de son intérêt personnel».
Nabil Benabdellah, membre du bureau politique et ministre de la Communication, qui fait partie de la deuxième génération de dirigeants du PPS puisqu’il n’a que 45 ans, est sur la même longueur d’onde. Il estime que «lorsqu’on entend parler de congrès, on parle automatiquement de succession. Une mode inaugurée dans les années 1990, où l’on a commencé à évoquer la nécessité du changement à la tête des partis politiques».
Quant au PPS, il ne sera pas question de succession à son prochain congrès «parce que notre parti a la chance d’avoir un secrétaire général qui a réalisé un large consensus autour de sa personne. Nous considérons qu’il constitue l’élément autour duquel s’affirme l’unité du parti».
Enfin, le troisième prétendant «désigné», Ahmed Zaki, membre du bureau politique et directeur de publication des quotidiens du parti, Al Bayane et Bayane Al Yaoum, est un peu plus prudent que ses jeunes camarades. Il considère que «la question de la succession ne se pose pas aujourd’hui». Se posera-t-elle dans sept mois (juillet 2005) ? «Tout évolue», répond-il. Donc, finalement, il n’y aura pas de guerre de succession parce que, tout simplement, la succession n’est pas encore à l’ordre du jour.
Si la question de la succession a peu de chances de se poser lors du prochain congrès du parti, la limitation des mandats du secrétaire général à deux ou trois mandats seulement s’imposera inévitablement aux congressistes. Ismaïl Alaoui y est favorable parce qu’elle assure «un renouvellement régulier des élites partisanes». Nabil Benabdellah avance un autre argument: «Une telle limitation constitue une garantie statutaire qui permet d’éviter l’installation de dirigeants et de directions quasiment inamovibles».
Mariage PPS-PSD-Al Ahd : dépasser l’indécision
Au-delà de la question de la succession, le chantier politico-organisationnel majeur du PPS pour l’année 2005 sera, à n’en pas douter, celui de la fusion annoncée entre ce parti, le PSD (Parti socialiste démocratique) et le Parti Al Ahd. Cette fusion a été récemment annoncée, lors d’une conférence de presse conjointe donnée par Ismaïl Alaoui, Aïssa El Ouardighi (PSD) et Najib El Ouazzani (Parti Al Ahd).
Mais là une interrogation s’impose : comment expliquer la lenteur exagérée qui a marqué le processus de rapprochement entre ces deux partis ? Comment expliquer que la GSU, issue d’une fusion de quatre organisations de la gauche radicale, partie plus tard que le duo PPS-PSD, soit arrivée à bon port avant ce duo et s’apprête même à procéder à une nouvelle fusion avec Fidélité à la démocratie, présidée par Mohamed Sassi ?
La réponse à la seconde question est unanime : la GSU n’est pas le PPS. On ne peut comparer une petite formation de gauche radicale (la GSU) à un parti qui a fêté ses soixante ans l’année dernière (l’ancêtre du PPS n’est autre que le parti communiste marocain, créé en 1943). Quant aux réponses à la première question, il est intéressant de constater les différences entre les dirigeants d’un même parti.
Pour Ismaïl Alaoui, l’adhésion du Parti Al Ahd à l’Alliance socialiste a perturbé le processus d’unification. «Mais l’année 2005 va être celle de la concrétisation de la décision prise. D’ici là, les congrès nationaux des trois partis auraient validé cette décision». Nabil Benabdellah n’hésite pas à expliquer cette lenteur par «l’indécision politique des directions des deux partis. Maintenant, il n’y a plus de temps à perdre. L’unification devrait se faire de telle sorte que le parti qui naîtra de la fusion apparaîtra, en 2007, comme le parti du changement et de l’espoir en un avenir meilleur pour nos concitoyens».
Abdelouahed Souheil, pour sa part, estime que les causes sont à rechercher du côté de raisons organisationnelles pratiques que l’on a trop longtemps refusé de poser de manière résolue et transparente. Des causes qui portent sur l’architecture et le volume organisationnels du futur parti unifié (bureau politique, comité central). Mais ce qui étonne, c’est que M. Souheil n’a pas encore tranché sur la question de la fusion. Il suggère toujours des formules confédérales ou fédérales avant d’aboutir à la fusion proprement dite !
M. Souheil attire l’attention sur un autre chantier tout aussi important : la préservation de l’identité du PPS face au défi de sa participation au gouvernement depuis 1998. «Notre rapport à la politique a changé depuis notre entrée au gouvernement, affirme-t-il. Mais pour autant, tout en étant loyal, il ne faut pas que notre parti fusionne avec l’action gouvernementale. Nous devons impérativement garder notre autonomie de pensée.»
Ismaïl Alaoui : «Beaucoup de camarades estiment que mon sort politique n’est pas entre mes mains. Mais si jamais je rempile, ce sera sur
la base d’une mission claire et limitée dans le temps.»
Ismaïl Alaoui (à droite) a été choisi comme successeur de Ali Yata (à gauche) parce qu’il réalisait un large consensus autour de sa personne. Sa succession n’est pas à l’ordre du jour.
