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Pourquoi le Maroc a récusé Christopher Ross 

Il est allé jusqu’à  mettre en doute la capacité de la Minurso à  continuer sa mission. Il évoque la situation des droits de l’homme au Sahara mais pas à  Tindouf.

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christopher ross

Trois ans à peine après avoir débuté son mandat, Christopher Ross sera amené dans les jours à venir à rendre son tablier. Au delà du langage diplomatique par lequel le Maroc justifie la récusation de l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, se cache un ras-le-bol de la manière dont il menait sa mission. «Depuis le 7e round des négociations, Ross donnait déjà l’impression de jouer le jeu du Polisario», observe Abdelmajid Belghazal, spécialiste du dossier du Sahara. C’est à ce moment, en effet, que la question des droits de l’homme et celle des ressources naturelles dans les provinces sahariennes ont commencé à prendre le dessus. Jusque-là, le Maroc accusait le coup et n’a cessé de faire montre de sa bonne foi. En avril dernier, au moment de présenter son rapport au secrétaire général, l’envoyé spécial enfonce le clou. «Il a tout fait pour dénigrer le travail de la Minurso.

Il est allé même jusqu’à mettre en doute sa capacité de poursuivre sa mission. Il est allé bien plus loin en tentant carrément de saper cette mission», explique M.Belghazal. Cela alors que ses prédécesseurs ne se sont jamais attardés sur les détails de la mission de la Minurso dans leur rapport. C’est au premier article de l’accord instituant cette mission qu’il s’est attaqué, celui qui porte sur le cessez-le-feu. «C’est le seul point positif de cette mission, s’y attaquer reviendra à pousser la région vers l’inconnu. Ouvrir le débat sur l’accord militaire ne présage, en effet, rien de bon», affirme M. Belghazal.
La remise sur la table des négociations de cette partie liée au cessez-le-feu des accords de Houston et son insistance pour l’intégration du contrôle du respect des droits de l’homme dans la mission de la Minurso était une chose inconcevable pour le Maroc. Bien sûr, le Maroc a pu déjoner, grâce à l’appui de ses alliés, les pièges parsemés entre les lignes de ce rapport au moment du vote de la résolution 2044 du Conseil de sécurité. Mais il s’est avéré qu’il était dangereux que l’envoyé spécial continue dans sa mission.      

Cela, d’une part. D’autre part, dans sa tournée dans les pays amis du dossier, l’envoyé spécial a fait état de son intention d’entamer une longue visite dans la région. «Il a parlé d’une visite de 4 à 5 jours dans le Sahara marocain, à Laâyoune, Boujdour, Smara et Dakhla, et d’un jour dans les camps de Tindouf», affirme le membre du Corcas, Ahmed Salem Latafi. Or, observe M. Belghazal, «avec qui avait-il projeté de s’entretenir lors de cette longue visite au Sahara alors qu’il venait de dénigrer la Minurso, et par conséquent ses réseaux et donc les institutions élues et l’Etat marocain ?». Pourquoi cinq jours au Maroc et un seul à Tindouf ? La population des camps est-elle à ce point unanime sur une seule vision de la chose ? Des questions qui ont précipité la décision du Maroc.

Pire, alors qu’il s’est attardé sur la situation des droits de l’homme dans les provinces du Sud, il n’a même pas évoqué celle des camps de Tindouf. De même qu’il n’a pas insisté sur le recensement de la population de ces camps, un préalable à la sauvegarde de leur droit. Son rapport n’a pas non plus mentionné certains éléments certes sans rapport avec le fond du dossier, mais fort inquiétants. Il s’agit de la prolifération de la contrebande et différents autres trafics illicites et le danger que présente dans cette zone le terrorisme rampant.