Pouvoirs
Plus d’un an après les élections, que font nos partis politiques aujourd’hui ?
En s’attaquant ouvertement au RNI et à l’USFP, l’ancien secrétaire général du PJD met en danger la cohésion de la majorité. Le parti de la Colombe continue de dévoiler ses propositions pour combattre le chômage et réformer la santé et l’enseignement. Le PAM gagné par l’incertitude. L’agenda et la date de son futur et crucial conseil national sont toujours inconnus.

Le microcosme politique a connu une fin de semaine mouvementée. Si le dernier congrès de la jeunesse du PJD a été le plus médiatisé, en raison notamment de la sortie aussi inattendue qu’incongrue de l’ancien chef du gouvernement et également ancien chef du parti, les autres partis n’ont pas moins connu un week-end studieux. L’USFP a, ainsi, réuni, pour la deuxième fois depuis le dernier congrès, son conseil national. La direction du RNI s’est déplacée à l’étranger, et précisément en France, pour aller à la rencontre des MRE. Le PSU vient de parachever la mise en place de ses nouvelles instances dirigeantes après avoir reconduit la secrétaire générale sortante et en installant un nouveau bureau politique. L’Istiqlal a également entamé un long processus de régionalisation interne depuis son dernier congrès. Le processus en est actuellement à la restructuration des organisations parallèles et au renouvellement du corps des inspecteurs du parti après avoir mis en place les coordinations régionales. Le MP a, lui aussi, tenu une réunion du bureau politique à forte portée organisationnelle. La direction du parti a ainsi validé l’ordre du jour du conseil national prévu le 17 février et une série de mesures à même d’améliorer son ancrage dans la société. Quant au PAM, la date et l’ordre du jour de son conseil national, qui devait initialement se tenir en janvier, restent inconnus. Rappelons que c’est lors de cette réunion que sera fixé définitivement le sort de l’actuel secrétaire général qui avait annoncé, il y a quelques mois, sa démission irrévocable mais qui a été néanmoins maintenu en poste pour «gérer les affaires courantes» en attendant justement la tenue de cette réunion cruciale. Le PPS, maintenant qu’il s’est assuré que sa position privilégiée au sein du gouvernement n’a pas changé même sans groupe parlementaire, se concentre sur les préparatifs de son prochain congrès qui devrait avoir lieu en mai.
Chacun des partis semble donc pris par son propre agenda. A y regarder de plus près, c’est un autre constat. Certaines formations font parler d’elles beaucoup plus que d’autres. L’activisme des partis les plus dynamiques semble, en effet, susciter des rivalités. C’est ce qui explique sans doute la sortie de Benkirane désapprouvée presque à l’unanimité, y compris par certains dirigeants de sa propre formation, dans laquelle il s’attaque particulièrement au RNI et à l’USFP. Le premier, estiment certains analystes politiques, dérange les islamistes, ou du moins un clan du PJD, par son dynamisme avéré.
Rendez-vous le 23 février
Le RNI en pleine phase de construction, mais également d’ouverture sur la société, enchaîne ses congrès régionaux, et se fixe comme rendez-vous le 23 de ce mois pour lever le voile sur son offre politique, son projet social et ses propositions pour améliorer le vécu des citoyens en portant un regard inédit sur les domaines de l’emploi, de la santé et de l’enseignement. Après une série de congrès régionaux qui a démarré, début décembre à Tanger, la direction du RNI s’est rendue, comme précisé plus haut, dans l’hexagone. Le parti avait décidé, rappelons-le, lors de son dernier congrès tenu en mai de l’année dernière, de créer une région symbolique consacrée aux MRE : «la 13e région». Aujourd’hui, cette initiative s’est soldée par la création du Conseil des RNIstes marocains du monde, l’annonce en a été faite à Paris à l’occasion de la tenue du congrès de cette «13e région». Une manifestation qui a attiré pas moins de 500 militants MRE venus des quatre coins du monde. C’est d’ailleurs le dixième congrès régional du RNI. Le dernier devant se tenir à Agadir le 23 février. Outre leur aspect organisationnel, ces congrès sont également une occasion d’ouverture du parti sur la société. Les instances régionales nouvellement élues sont, de même, tenues de jeter les ponts avec leur environnement social, à l’instar de ce que font les organisations parallèles du parti, les jeunes, les femmes et les organisations professionnelles. En plus de cette dynamique interne, ce sont les dernières performances aux dernières élections partielles qui inquiètent ses adversaires politiques. Le parti a, en effet, gagné toutes les élections auxquelles il s’est présenté. Et même à Inezgane, où son jeune candidat a perdu face au candidat islamiste, il a pu, néanmoins, multiplier par cinq le nombre de voix recueillies par le RNI par rapport aux dernières législatives d’octobre 2016. Bien plus, le RNI a prêté main forte à l’USFP dans la région de l’Oriental pour rafler les sièges de Guercif et de Nador. C’est justement ce qui a permis à cette dernière formation de «sécuriser» son groupe parlementaire après avoir perdu le siège de Sidi Ifni, invalidé par la Cour constitutionnelle. Ce faisant, rien n’empêche l’USFP de prétendre à garder la présidence de la Chambre au prochain renouvellement, à la mi-mandat, des instances de cette institution.
Après avoir sécurisé son groupe parlementaire et, par la même occasion, renforcé ses chances de garder la présidence de la première Chambre, l’USFP se focalise, elle aussi, sur son organisation interne.
De même, le parti socialiste devrait plancher également, selon sa direction, sur un programme national avec une nouvelle vision. En ce sens, les questions de l’enseignement, la culture, l’information, le système électoral, l’égalité entre les sexes, la jeunesse, les droits de l’Homme, l’urbanisme, la gestion territoriale, l’environnement et la fiscalité sont autant de sujets qui interpellent, actuellement, les socialistes.
Majorité en danger ?
Ce n’est donc pas pour rien que ces deux formations sont aujourd’hui dans le collimateur du PJD. Les dernières sorties de Benkirane désormais sans responsabilité particulière au sein de son parti, rappellent d’ailleurs le rôle de va-t-en-guerre naguère dévolu à un certain Abdelaziz Aftati qu’il a lui-même décrié, au point de l’interdire de parole, à maintes reprises. C’est sans doute pour cela que l’USFP a pris l’initiative d’appeler à la réunion du conseil de la majorité pour clarifier la situation. Autrement, ce genre de sortie qui risque de se multiplier à l’avenir finira par instaurer un climat de malaise au sein de la coalition gouvernementale et déteindre sur l’action des membres du gouvernement. Cela d’autant qu’El Othmani, secrétaire général du parti qu’il est, semble néanmoins mis en minorité dans sa propre formation. Le conseil national du PJD, le groupe parlementaire et la jeunesse, en plus de l’organisation des cadres et l’association des avocats, entre autres instances, sont contrôlés par les partisans de Benkirane. De même que le parti est représenté dans les instances des deux Chambres parlementaires, en majorité, par des partisans de l’ancien secrétaire général.
En somme, hormis de rares exceptions, nos partis n’en ont toujours pas fini avec cet état d’esprit décrit dans le discours royal du 29 Juillet dernier. «Certains partis politiques pensent que leur mission consiste à tenir leurs congrès, à réunir leurs bureaux et leurs comités exécutifs, et qu’elle s’interrompt à la fin des campagnes électorales ! Et lorsqu’il s’agit de communiquer avec les citoyens et de régler leurs problèmes, ces partis sont aux abonnés absents et ne remplissent nullement leur mission. C’est là une attitude inadmissible, de la part d’instances dont la fonction est de représenter, d’encadrer les citoyens et de servir leurs intérêts», avait notamment affirmé le Souverain dans ce discours du Trône. En dehors de certaines formations qui ont clairement défini, identifié et entrepris de combattre leur ennemi que sont le chômage, la pauvreté et la précarité, nous en sommes toujours, à peu de choses près, dans cette situation.
