Pouvoirs
PJD-Forces citoyennes, fiançailles sans mariage ?
Ils ont scellé une alliance
qui devrait durer
3 ans.
Objectif : constituer une «force de proposition».
Au PJD, on se dit prêt à d’autres alliances.

Le PJD et Forces citoyennes ont fêté leurs fiançailles. Iront-ils jusqu’au mariage ? Jeudi 17 novembre, à Casablanca, les secrétaires généraux des deux partis, Saâdedine El Othmani et Abderrahim Lahjouji, ont signé un accord de partenariat, confirmant une alliance amorcée depuis près de trois ans entre le parti islamiste et le parti libéral. Par cet accord, le PJD et Forces citoyennes s’engagent à respecter une série de principes et à travailler ensemble pour atteindre plusieurs objectifs, dont l’élaboration d’«initiatives politiques communes en vue de constituer une force de proposition à même d’enrichir la vie politique nationale», lit-on dans une copie de l’accord distribuée au public.
Ainsi, si l’on se fie aux déclarations de M. Othmani, pour qui «la politique ne doit pas se limiter à la protestation ou à l’opposition mais implique aussi d’être une force de suggestion», il faudra s’attendre à voir les deux partis renforcer leur coopération, d’autant plus qu’ils ont prévu de «se concerter autour des diverses questions nationales et internationales en vue d’élaborer des visions et programmes communs à l’échelle nationale et internationale». Il faudra donc s’attendre à voir les deux partis collaborer sur un certain nombre de problématiques, notamment via des commissions ad hoc, alliant ainsi «l’expérience économique et politique» des uns et les bases électorales des autres.
Rien de bien nouveau sous le soleil, donc, a priori du moins, à l’heure où l’épidémie des alliances préélectorales fait son apparition sur la scène politique. On remarquera tout de même au passage cette intervention surprise de Abdelkrim Khatib. Passées les interventions prévues, le doyen du parti n’a pu s’empêcher d’intervenir entre deux questions de journalistes pour féliciter publiquement M. El Othmani. Allant jusqu’à appeler le secrétaire général du parti son «fils spirituel», il a ajouté qu’un tel accord correspondait parfaitement à l’esprit du parti et n’a pas oublié de faire allusion à sa position envers le pouvoir religieux marocain. S’agissait-il d’un message indirect aux cadres du mouvement Tawhid wal Islah venus en masse ce soir-là ?
Alliance contre-nature ou lissage de la droite ?
Peut-être. Il faut reconnaître tout de même que ces derniers avaient une bonne raison d’être présents ce soir-là puisque, malgré le poids négligeable du parti de M. Lahjouji, notamment au niveau du Parlement, l’accord avec Forces citoyennes revêtait une importance symbolique.
En effet, si Forces citoyennes, nées peu avant les élections de 2002, ont très vite vu leurs deux uniques députés migrer vers le Parti de l’Istiqlal, le parti libéral reste quand même celui qui est allé le plus loin dans les alliances avec le PJD. En fait, certains journaux vont jusqu’à avancer le mot «fusion». Sommes-nous en train d’assister à un lissage de la droite, quelles que soient ses convictions morales?
M. Lahjouji lui-même disait, il y a peu, à nos confrères de l’Economiste : «Le temps des idéologies est révolu. Nous considérons dans Forces citoyennes qu’il n’y a plus de gauche ni de droite, il y a tout simplement des politiques cohérentes et adaptées à la fois aux exigences nationales et internationales, mais procédant surtout des réalités inhérentes à notre société». Cependant, tout le monde n’est pas de cet avis : collaborer, y compris en 2007, si la loi électorale s’y prête, n’est pas exclu, en revanche, il n’est pas question de fusionner.
«Il est prématuré de prévoir une telle éventualité», tempère Farouk Iraqi, membre du bureau politique de Forces citoyennes. Interrogé sur l’interprétation qui peut être faite du choix de son parti de s’allier au PJD, ce dernier réaffirme que le débat sur les motivations du parti de
M. El Othmani est dépassé depuis le vote de la loi sur les partis, qui interdit la référence à la religion, d’autant plus que les évènements du 16 mai ont complètement changé le discours du PJD. «Cette première démarche, poursuit M. Iraqi, est le fruit d’un travail de près de trois ans. La consultation de la base est un élément fondamental de la réussite de ce processus. Ce qui est sûr, c’est qu’en aucune manière cette initiative n’est basée sur la recherche d’une quelconque démarche électoraliste. Forces citoyennes rejettent tout compromis quant à l’honnêteté intellectuelle de ses militants».
En fait, côté Forces citoyennes, il s’agirait plus de travail en commun qu’autre chose. «Nous apportons notre expérience entrepreneuriale et politique et sommes pour le dialogue. Les gens du PJD sont aussi pour le dialogue et c’est l’essentiel. La fusion n’est pas une fin en soi. Une collaboration fructueuse et rentable pour le pays est l’essentiel de notre motivation», ajoute encore M. Iraqi.
Côté PJD, même si, par la voix de son secrétaire général, ce dernier se dit prêt à d’autres alliances, on prie tout bas pour qu’elles durent au-delà de 2007. «Généralement, les alliances entre partis se font pour des horizons très proches, quand il y a une opportunité d’élections, c’est l’intérêt immédiat qui prime», explique Lahcen Daoudi, membre du secrétariat général du PJD. Selon lui, Forces citoyennes et le PJD sont deux partis encore en construction qui peuvent se retrouver avec des bases très proches. «On espère que cela mènera à quelque chose de solide qui va résister à la conjoncture. Quand les gens travaillent en groupe, à terme, ils finissent par se connaître», explique-t-il. Le lendemain des législatives de 2007 sera décidément riche en enseignements…
Et s’il y a mariage, il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’un mariage de raison…
