SUIVEZ-NOUS

Pouvoirs

Moudawana : une soixantaine d’amendements adoptés

Le vote de la commission a nécessité sept heures.
Près d’une soixantaine d’amendements, dont une douzaine du PJD, ont été adoptés.
Tutelle légale, partage des biens… Ce qui a été retenu.
Les changements vont dans le sens d’une amélioration du statut de la femme.

Publié le


Mis à jour le

rub 5307

Il aura fallu sept heures de vote (de 19 heures 30 à 2 heures 30), mercredi 14 janvier 2004, à la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme de la Chambre des représentants pour arriver à un consensus sur les amendements apportés au projet de loi formant Code de la famille. Deux présidents se sont succédé à sa tête pour mener à bien et vite cette mission : Lahbib Choubani (PJD) et Mohamed Karam (USFP).
Que retenir globalement des amendements adoptés ? Pour le moment, nous n’avons pu avoir accès à l’ensemble, mais les informations en notre possession augurent d’une amélioration visant à la fois à protéger la femme et l’enfant, et, dans le même temps, à réduire considérablement les problèmes sociaux que posent des procédures longues.
Sur la centaine de propositions d’amendements, une soixantaine a finalement été acceptée par le gouvernement et adoptée. Parmi ces amendements, une douzaine a été soumise par l’opposition, plus particulièrement par le PJD.
La commission parlementaire, qui s’est penchée sur le projet du nouveau Code de la famille depuis le 17 décembre 2003, n’a pu atteindre sa vitesse de croisière qu’avec la nouvelle année 2004. Un rythme de travail intense et des réunions quotidiennes, matin et soir, depuis début de janvier, pour débattre et amender les 400 articles que compte ce texte. Mardi 13 janvier, à 18 heures, la commission s’est réunie pour que les différents groupes parlementaires présentent leurs propositions d’amendements du texte. Vingt-quatre heures après, elle a tenu sa dernière réunion, consacrée au vote de ces amendements.
Le vote en séance plénière de la Chambre des représentants, en principe simple formalité, n’aura lieu qu’à partir du 19 janvier, en raison du déplacement, dans le cadre de la visite royale en Egypte, du ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ.

Egalité entre l’homme et la femme en matière de tutelle légale
Solidarité oblige, les groupes des partis de la majorité (USFP, Istiqlal, RNI, MP/MNP et Alliance socialiste, en plus du FFD) ont présenté des amendements communs. Par ces amendements, affirme Mohamed Karam, député de l’USFP et rapporteur de la Commission de la législation, «le groupe socialiste a surtout veillé à établir une adéquation parfaite entre le texte proposé sous forme de projet de loi et le discours royal du 10 octobre qui consacre le principe de l’égalité entre l’homme et la femme. D’où un préambule, proposé au nom de tous les groupes parlementaires, dont le discours royal du 10 octobre constitue l’épine dorsale et le fil conducteur. Nous avons cherché aussi la simplification des procédures devant les tribunaux de famille».
Les exemples d’amendements qui veulent consacrer cette égalité entre l’homme et la femme sont légion. Citons-en quelques-uns. Le premier concerne la tutelle légale. Le projet de code, dans son article 237, donne au père le droit de désigner de son vivant un tuteur testamentaire (wassi) pour les enfants mineurs ou incapables. Deux amendements étaient proposés à ce sujet : soit on supprimait ce droit accordé au père, soit on l’accordait à la mère également. C’est la deuxième option qui a été retenue.

L’expertise médicale (test ADN) reconnue comme moyen de preuve
Le deuxième exemple est relatif au droit de la femme mariée de travailler. L’article 47 du code donne à l’homme le droit d’empêcher sa femme de travailler si ce travail porte, selon lui, atteinte aux mœurs. «Ce passage de l’article constitue une atteinte à la liberté de travail de la femme puisqu’il laisse entendre que cette liberté est subordonnée à l’autorisation du mari. C’est pourquoi nous avons demandé la suppression de ce passage dans l’article 47», précise Nouzha Skalli, présidente du groupe de l’Alliance socialiste. Cet amendement a été accepté, malgré l’opposition des députés du PJD.
Le troisième exemple concerne le partage des biens acquis durant le mariage (article 49). L’amendement proposé par la majorité consiste à considérer le travail de la femme au foyer comme une contribution à la prospérité de la famille et dont la valeur doit faire l’objet d’une estimation de la part du juge de famille lors du partage des biens après le divorce. Une proposition qui a eu l’aval du gouvernement et qui a été adoptée.
Le quatrième exemple concerne la répudiation moyennant compensation, appelée aussi divorce khol. L’amendement proposé donne à la femme le droit de recourir à cette forme de dissolution du mariage moyennant la restitution du sadaq (dot). Un amendement rejeté puisqu’il existe d’autres procédures simplifiées et rapides de divorce judiciaire.
Le cinquième exemple concerne la reconnaissance des enfants nés hors du mariage, sur la base d’une simple promesse de mariage, qui n’aurait pas bénéficié des conditions de publicité entre les deux familles. Une proposition rejetée par le gouvernement et la Commission de la législation.
Le sixième exemple de cette série d’amendements proposés par la majorité est relatif à la reconnaissance de la paternité des enfants nés pendant la période des fiançailles. En cas de grossesse pendant cette période des fiançailles et si le fiancé nie sa paternité, «il est possible de recourir à tous les moyens de preuve légale pour prouver la filiation», y compris le recours à l’expertise médicale (test ADN), ajoute le texte de cet amendement, adopté.
Signalons enfin une bonne nouvelle pour les enfants issus d’un mariage mixte. En vertu d’un amendement de l’article 54 du projet de code de la famille, adopté par la commission, ils auront dorénavant la possibilité de porter la nationalité de leur mère.
Côté opposition, parmi la dizaine d’amendements proposés par le PJD, et rejetés par le gouvernement et la commission, celui relatif à la tutelle matrimoniale. Bassima El Hakkaoui, députée du PJD, fait une autre lecture du discours royal du 10 octobre. Le Code de la famille donne à la femme majeure, à l’en croire, le droit d’exercer elle-même cette tutelle et de mandater de son plein gré pour ce faire un tuteur. «Or, l’article 25 du code est contraire à l’esprit du discours royal. Il dispose que la femme majeure a le droit de conclure elle-même le mariage ou de le déléguer à son père ou à l’un de ses proches. Nous avons proposé de supprimer cet article». L’amendement fut rejeté. Mais il faut reconnaître que le PJD lui-même ne se faisait pas d’illusion sur l’adoption d’un tel amendement. Sans doute un baroud d’honneur