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Manhasset 4,5,6… Jusqu’où faut-il aller ?

Cinq réunions informelles depuis août 2009, les questions de fond restent en suspens, le Maroc propose d’autre voies pour faire avancer le dialogue.

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Manhasset Maroc Polisario 2011 02 04

Dans quelques semaines, la délégation marocaine se rendra de nouveau à Manhasset, dans la banlieue new-yorkaise, où se tiendra  un cinquième round de négociations informelles sous la supervision de Christopher Ross, l’Envoyé personnel du SG de l’ONU pour le dossier du Sahara. Au sortir des derniers pourparlers, tenus du 21 au 23 janvier, Christopher Ross a déclaré que «chaque partie a continué à rejeter la proposition de l’autre comme base unique des négociations à venir». L’envoyé personnel de Ban Ki-Moon ne perd pas pour autant confiance. Il affirme avoir constaté «des approches innovantes pour construire une nouvelle dynamique … sur la base de rencontres régulières». Cela laisse-t-il entendre qu’on devrait s’attendre à un, 6e, 7e, 8e… round de négociations ? Ce n’est pas aussi certain, même si les deux parties continuent à camper sur leurs positions de base, commente Mustapha Naïmi, professeur universitaire et spécialiste de la question du Sahara. Pour ce membre du Corcas, «le Maroc et le Polisario sont soumis à une pression externe dictée par la situation globale qui prévaut  actuellement dans la rive sud de la Méditerranée. Il faut s’attendre à plus de souplesse de  part et d’autre, voire à un cheminement vers une solution dans les semaines à venir». Saâdeddine Elotmani, député PJD et membre de la Commission parlementaire des Affaires étrangères, abonde dans le même sens. «Est-ce que les événements que vivent actuellement la Tunisie et l’Egypte peuvent impliquer un changement dans les positions des parties ? C’est probable. Les pressions internationales et la situation interne de la partie adverse pourraient également l’inciter à revoir ses positions», affirme le président du conseil national du PJD. Pour Saâdeddine Elotmani, la position du Maroc, elle, est claire.

Le nouveau plan de régionalisation pourrait influer sur la vision des grandes puissances

Mais il faut compter également avec la conjoncture onusienne. La tâche sera d’autant plus difficile pour la diplomatie marocaine que l’Afrique de Sud, allié déclaré du Polisario, a rejoint depuis janvier le Conseil de sécurité, en tant que membre non permanent, et ce, pour une durée de deux ans. Le Maroc devrait-il pour autant s’attendre à une mauvaise surprise lors de l’examen périodique de la question du Sahara par le Conseil de sécurité, fin avril prochain ? «Il ne faut pas s’alarmer», tempère ce membre de la commission des Affaires étrangères. «C’est l’autre partie qui est sujet à confusion, chaque jour nous arrivent des échos de luttes et de frictions dans les cercles du pouvoir», explique-t-il. De même, Afrique de Sud ou pas, «la décision concernant ce dossier est liée aux positions des grandes puissances internationales». Dans les faits, explique-t-il, ce sont les cinq membres permanents qui décident en fin de compte, après examen du rapport qui sera présenté par le Secrétaire général de l’ONU sur la base des observations et recommandations de son envoyé personnel. «L’influence de l’Afrique du Sud sera donc très limitée», conclut-il. Une chose est sûre, explique le député qui vient de conduire une délégation diplomatique à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, du 24 au 28 janvier, «il n’est de l’intérêt d’aucune des parties que le dossier s’enlise davantage, cela d’autant que le Secrétaire général de l’ONU et le Conseil de sécurité poussent vers une solution rapide». Ce qui fait dire au spécialiste du Sahara, Mustapha Naïmi, que «les choses auront nettement changé avant que le Conseil de sécurité ne soit amené à statuer sur la question, fin avril prochain». Autre signe qui milite pour un changement dans le dossier : «Le Maroc est sur le point de procéder à un nouveau découpage territorial prélude à la mise en place du projet de la régionalisation et du plan d’autonomie».
Cependant, estime-t-il, il ne faut pas s’attendre à une solution définitive dans l’immédiat, poursuit M. Naïmi. «Le processus de négociations ne devrait pas pour autant prendre fin aussi vite. Les choses vont donc prendre leur cours normal dans les instances onusiennes». Christopher Ross va-t-il ainsi réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ? L’espoir est permis.

Des avancées minimes, quoiqu’il en soit

Depuis que les négociations informelles, communément désignées par le 5e round, ont commencé, en août 2009 en Autriche, sur demande expresse du Conseil de sécurité, un semblant d’avancement transparaît. Ross avait, en effet, appelé les parties à «entrer dans une phase de négociations intenses et substantielles». Y sont-elles arrivées ? Saâdeddine El Othmani estime que «la proposition de l’autonomie marocaine n’est pas une proposition statique. Le plan d’autonomie reste une question fondamentale, les autres détails peuvent être discutés». C’est d’ailleurs le sens même des déclarations du ministre des affaires étrangères à l’issue de la dernière rencontre. Ce dernier estime que les «les conditions de la négociation, l’approche et les responsabilités de l’envoyé personnel du SG des Nations Unies ne devraient plus se limiter uniquement aux rounds de pourparlers, mais recourir à d’autres voies diplomatiques, rencontres, visites, élargir la composition des délégations à toute partie intéressée, notamment aux experts pour réaliser des progrès», a-t-il affirmé. Une nouvelle porte est ouverte. «En annonçant des mesures concrètes à même de faire évoluer les négociations, le Maroc fait preuve de pragmatisme et accule le Polisario à plus de concessions», commente M. Naïmi.

Agir à l’extérieur mais également à l’intérieur

Sommes-nous pour autant bien avancés ? Difficile à dire puisque les questions de fond n’ont pas encore été abordées. Du moins nous ne sommes pas (encore ?) arrivés à la situation de blocage qui a conduit l’ancien envoyé personnel du SG de l’ONU, le diplomate néerlandais Peter Van Walsum, à jeter l’éponge le 23 août 2008. «Pour l’instant, rien ne changera : le Polisario continuera à exiger un référendum avec l’indépendance comme option, le Maroc continuera à exclure cette option, et le Conseil de sécurité continuera à insister sur une solution consensuelle. En attendant, la communauté internationale continuera d’évoluer autour du statu quo», disait l’ancien envoyé personnel du SG de l’ONU dans sa fameuse lettre d’adieu, publiée par le quotidien espagnol El Pais dans son édition du 28 août 2008.  Avant lui, l’ancien secrétaire d’Etat américain James Baker était arrivé à la même situation de blocage. Son plan de règlement a été rejeté en bloc par le Maroc qui considérait, et considère toujours, que l’option du référendum est une solution inadmissible. L’Algérie, elle, s’est déclarée favorable à ce plan. Quant au Polisario, après l’avoir rejeté pendant des mois, il a déclaré en juillet 2003 accepter le plan en question par pur opportunisme. Cet échec dans la quête d’une solution qui contente les deux parties a conduit James Baker à la démission. La décision a été annoncée dans une lettre adressée, le 11 juin 2004, par le SG de l’ONU au Conseil de sécurité.
Aujourd’hui, le Maroc a tiré la leçon de ces deux expériences. Non seulement il met sur la table des négociations un plan et une base de négociations, mais, participe de bonne foi aux pourparlers informels et avance des propositions concrètes et pratiques pour les faire avancer. Cela d’une part. D’autre part, il remet ouvertement en cause le titre de représentant unique de la population sahraouie sous lequel se présente le Polisario et appelle à l’association de représentants de toute la population aux négociations. Est-ce suffisant comme stratégie ? Le membre de la Commission des Affaires étrangères, Saâdeddine El Othmani, estime que «sur le plan diplomatique le Maroc manque d’initiative. Nous avons besoin d’une nouvelle diplomatie plus active. Il est urgent de reconquérir nos positions aussi bien en Afrique qu’en Amérique Latine».  Sur le plan interne, Mustapha Naïmi, lui, estime  que «le Maroc doit accélérer la mise en place de la régionalisation et la mise en œuvre du Plan d’autonomie. C’est là, la priorité».

 

 

 

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