Pouvoirs
Loi sur les partis, l’Intérieur là¢che du lest
Finalisé, le projet sera présenté au conseil de gouvernement le 10 mars.
Seule la justice aura le pouvoir de dissoudre ou de suspendre un parti.
Les conditions de constitution ont été assouplies : 300 fondateurs seulement et 500 congressistes.

La loi sur les partis devrait voir le jour avant l’été 2005. En gestation au ministère de l’Intérieur depuis quelques mois, le projet sera, selon des sources à la primature, soumis au conseil de gouvernement du 10 mars. Un projet dont une première mouture avait été soumise aux partis, et même à la presse nationale (une première), pour recueillir leurs observations.
On devra être 300 et non plus 1 000 pour fonder un parti
Depuis début janvier, l’Intérieur planche sur la mouture définitive qui, d’après Mohamed Saâd Alami, ministre des Relations avec le Parlement, est pratiquement finalisée. S’il s’est refusé à entrer dans les détails des nouveautés du projet de loi, il a cependant concédé que le ministère de l’Intérieur a pris en considération la majorité des propositions des partis. Du côté de ces derniers, Lahcen Daoudi, membre dirigeant du PJD, indique : «Nous n’avons rien reçu ni d’officiel ni d’écrit. Nous avons, par contre, été briefés sommairement et de manière informelle sur les contours du nouveau projet».
Selon des sources concordantes qui ont eu accès à la nouvelle mouture du projet, plusieurs dispositions ont été remodelées ou supprimées. La principale innovation sera l’interdiction de la transhumance des députés entre les groupes parlementaires. Le remodelage concernera aussi les conditions de constitution, de financement et de suspension d’un parti. Ces conditions avaient, rappelons-le, soulevé les critiques des partis politiques et des organisations des droits de l’homme dans le premier avant-projet que Mustapha Sahel leur avait soumis à la fin octobre 2004. En effet, majorité et opposition avaient été unanimes à rejeter les articles 42 et 45 relatifs à la suspension et à la dissolution des partis politiques, qui attribuaient ce pouvoir à l’administration. De même, les articles 8 et 13 exigeant 1 000 membres fondateurs et un minimum de 1500 congressistes pour qu’un parti puisse être constitué ont été également décriés par les responsables politiques. Selon Abdelaziz Nouidi, membre de l’OMDH, il ne peut y avoir de limitation au niveau du nombre de personnes pouvant fonder un parti parce que c’est là une liberté personnelle inaliénable. Ces dispositions et bien d’autres faisaient craindre aux partis une loi liberticide qui ferait de toute tentative de création de parti une entreprise titanesque. A force de vouloir réguler le champ politique, l’Etat allait surtout renforcer son emprise sur les partis, ce qui reviendrait à les affaiblir, donc à les décrédibiliser davantage. Exit donc la première version jugée inadaptée aux nouvelles réalités d’un Maroc démocratique et ouvert.
Les petits partis pourront se regrouper pour accéder au financement public
Quelles sont alors les retouches apportées au projet de loi sur les partis ? LA grande nouvelle, qui devrait soulager les partis, est sans conteste que le pouvoir de dissolution ou de suspension d’un parti est donné à la Justice, au lieu du ministère de l’Intérieur. Si le principe de la liberté de constitution des partis n’est pas totalement adopté, le nouveau projet en assouplit les conditions, fixant le nombre de fondateurs à 300 au lieu de 1 000 comme le prévoyait la première mouture. Il en va de même pour le nombre de congressistes, ramené à 500, chiffre autrement plus raisonnable que les 1 500 requis dans l’avant-projet initial, ce qui aurait posé des problèmes logistiques et matériels pour les petits partis.
Concernant le financement de l’action politique, l’éligibilité à l’aide publique se fera en fonction de la représentativité des partis à l’échelle nationale et locale. Pour les petits partis qui n’atteindraient pas le pourcentage de voix requis pour être éligibles, ils auraient la possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix atteigne le seuil d’éligibilité. Ils pourraient ensuite se partager la subvention étatique. Cette disposition a été remodelée afin de ne pas léser les partis politiques à la représentativité électorale limitée mais au rayonnement intellectuel important.
Toujours à propos du financement, l’article 38 de l’avant-projet, stipulant qu’une commission présidée par un juge de la Cour des comptes et composée d’un juge de la Cour suprême, d’un représentant de l’Intérieur et d’un inspecteur des finances examinerait les dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de l’Etat dans le financement des campagnes électorales, a été modifié et simplifié. Seule la Cour des comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors des élections.
De ces quelques exemples ressort la volonté de l’Etat de normaliser le champ politique tout en gardant un minimum de conditions. L’acte de constituer un parti n’est pas entièrement libre de toute entrave ; il n’en demeure pas moins que le ministère de l’Intérieur n’a plus le pouvoir discrétionnaire de juger des intentions d’un groupe de personnes désireux de se constituer en parti politique. Si la nouvelle mouture est adoptée, toutes les personnes qui satisfont aux conditions de la loi pourraient avoir un parti, même si leur acceptation des fondamentaux n’est que formelle. Auquel cas, il appartiendrait à la justice d’en juger.
Le premier avant-projet de loi, présenté aux partis en octobre 2004 par Mustapha Sahel, avait fait l’unanimité de ces derniers contre lui, incitant l’Intérieur à revoir sa copie.
