Pouvoirs
L’histoire du Maroc politique a été jalonnée de courants réprimés

«Le phénomène des courants a marqué au tout début du XXe siècle les partis de la social-démocratie en Europe, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne et même dans l’ex-Union soviétique. Lors des congrès de ces partis, il y a toujours eu une représentation des courants politiques, c’était un phénomène plus que légal, naturel.
Le phénomène de la tendance unique est venu avec l’ère stalinienne, et l’on sait comment ce régime a pourchassé ses adversaires politiques au sein du parti, dont Trotsky, au nom de la pureté révolutionnaire. Les partis communistes européens qui se sont démarqués de l’expérience soviétique l’ont fait au nom de la théorie et de la pensée libre. Ce communisme dit «européen», acceptait le pluralisme et le droit d’expression aux tendances minoritaires face à la tendance hégémonique au sein du parti. Les divergences étaient chose naturelle, elles pouvaient être d’ordre théorique ou d’ordre politique, du fait des origines idéologiques et culturelles et du fait du cumul du savoir de chaque militant.
Au Maroc, les courants au sein des partis politiques de gauche étaient mal compris, n’avaient pas voix au chapitre. Ils étaient même réprimés. L’exemple de l’Union nationale des forces populaires (UNFP, ex-USFP) et du Parti de libération et du socialisme (PLS, ex-PPS et ex-PCM) pendant les années 1970, avec les courants 23 Mars et Ilal Amam, est édifiant à cet égard.
De même, quelques années plus tard, celui de l’USFP qui a exclu de ses rangs le groupe de Abderrahmane Benamer et Ahmed Benjelloun (qui fonderont le PADS), et, celui du PPS, avec le groupe de Thami Khyari qui alla fonder le FFD. Des courants institutionnalisés au sein des partis n’ont jamais existé au Maroc. On ne réussira l’expérience des courants qu’en instaurant une démocratie interne et en permettant aux minorités de s’exprimer librement et de défendre leurs points de vue, le congrès tranchant par vote. La dernière expérience du Parti socialiste français avec les courants a été vécue lors du débat sur la Constitution européenne, qui aboutira pratiquement à un vote au sein du parti.
Avec sa diversité, son enracinement et son sens de l’ouverture, la GSU, en institutionnalisant les courants en son sein, est le premier parti politique à réussir cette expérience des courants, à la seule condition que tout le monde respecte les lois internes et les décisions du congrès. A la condition, aussi, que la pratique de la démocratie dans le débat et les prises de décision devienne une culture.» .
Ahmed Jazouli Président du Centre de démocratie
