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Pouvoirs

L’Etat oppose la loi aux activistes de Laà¢youne

Les arrestations n’ont pas concerné les simples manifestants mais ceux qui ont porté atteinte à l’ordre public.
Une minorité a tiré profit du malaise économique et social des habitants du Sud pour semer le désordre.
Une délégation d’élus et de tribus des provinces sahariennes adresse un mémorandum au premier ministre.

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L’affaire du Sahara connaît une période trouble, et cette fois-ci, l’agitation secoue l’intérieur même du pays. En témoignent les événements survenus durant toute la semaine du 23 au 29 mai à Laâyoune. Les échauffourées qui ont eu lieu dans la plus grande ville du Sahara ont révélé à la fois le grand malaise dans lequel vivent les populations des provinces sahariennes et les hésitations de l’Etat face à des revendications essentiellement économiques mais instrumentalisées politiquement.

La manipulation de l’extérieur est flagrante
Il faut dire que la tension était palpable depuis un certain temps déjà. A la fin du mois de Ramadan dernier, lors d’un briefing avec la presse, Taïb Fassi Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères, et Fouad Ali El Himma, son collègue de l’Intérieur, soulignaient l’agitation d’une poignée d’activistes pro-Polisario. Cette même poignée multipliait les provocations, bénéficiant du climat de liberté que connaît le royaume. Leurs déclarations à la presse nationale mettaient l’Etat devant un dilemme douloureux : fallait-il sévir et mettre fin aux acquis en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression, ou bien laisser faire en courant le risque de paraître faible ? La deuxième option semblait l’avoir emporté jusqu’à ce que les activistes pro-Polisario franchissent un nouveau palier en s’attaquant violemment aux symboles de l’Etat.
Selon un militant associatif à Laâyoune, les activistes pro-Polisario, jusque-là tolérés, ont opté pour l’escalade. Poursuivant leur politique de provocation, ils ont profité du transfert d’un détenu de droit commun, récidiviste de surcroît, mêlé à une affaire de drogue (Mahmoud Hadi dit Kainane), de la prison de Lakhal, à Lâayoune, vers celle d’Aït Melloul, à Agadir. Le mardi 24 mai, ils ont appelé à manifester devant la prison en soutien à la famille du détenu, puis ils se sont retranchés dans le quartier Mâatallah. Devant la retenue des forces de l’ordre qui continuaient à observer la scène sans intervenir, les manifestants ont brûlé le drapeau national et se sont mis à scander des slogans anti-marocains. C’est suite à cela que les autorités décidèrent de procéder à la dispersion de la manifestation. La réaction des manifestants fut violente. Ils arrosèrent copieusement les forces de l’ordre de jets de pierres.
Au cours de la nuit du mercredi 25 mai, le même scénario s’est répété dans le quartier Mâatallah et dans d’autres quartiers, de façon sporadique. Des pneus furent brûlés et des cocktails Molotov jetés sur les voitures de police. Selon des témoins interrogés par La Vie éco, une cinquantaine d’individus, dont des jeunes et des enfants parfois, se sont relayés pour harceler les forces de l’ordre.

Pas de relais politique entre les citoyens et l’Etat
Cette série d’incidents semble obéir à un schéma préétabli. On devine aisément que des meneurs, tapis dans l’ombre, ont soulevé et dirigé l’agitation. Pour jeter de l’huile sur le feu, la radio du Polisario, qui émet depuis l’Algérie, a couvert en direct les événements grâce à des sympathisants joints par le biais de leurs téléphones portables. Sur les ondes des séparatistes, on parle déjà de la nouvelle «Intifada du peuple sahraoui»… Alors que la situation globale des sahraouis marocains est meilleure que celles de leurs compatriotes.
Dans ce contexte, les forces de l’ordre ont été contraintes de réagir afin de rétablir le calme dans les rues de la ville afin de protéger les biens et les personnes. Cependant, si l’intervention policière a été parfois musclée, elle est loin de la répression aveugle qui s’est abattue sur les manifestants lors des événements de 1999. Les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations et encerclé certains quartiers sous les projecteurs des caméras de télévision internationales et de représentants de certaines organisations des droits de l’homme. Iguild Hamoud, président de la section de l’AMDH à Lâayoune, qui suivait les événements de près, a été arrêté la nuit du jeudi puis relâché le vendredi à six heures du matin, après avoir subi un interrogatoire sur le rapport préliminaire envoyé au siège de l’AMDH à Rabat. L’Etat a certes choisi de sévir contre les casseurs… mais dans le total respect de la loi.
Selon des témoins, sur place, les autorités ont tout d’abord essayé de négocier avec les manifestants. Ils ont fait appel à quelques élus et notables de la région afin de désamorcer la crise. Ces intermédiaires ont connu des fortunes diverses. Ainsi, les membres de la tribu des Laaroussiyine, qui habitent le quartier Mâatallah, se sont désolidarisés des agitateurs suite à l’intervention d’un de leurs notables. Les autres jeunes du quartier ont refusé d’établir le contact avec les élus, les accusant de ne pas être représentatifs. « Il y a une coupure entre les anciennes élites de la région et la population », avoue Abderhmane Tamek, oncle de Ali Salem Tamek et président de la chambre d’artisanat de Dakhla, avant d’ajouter que les problèmes socio-économiques de la région rendent facile la manipulation de jeunes désœuvrés.

L’Etat s’est-il rendu coupable de négligence ?
Position que semble vouloir contredire Ahmed Lakhrif, député et membre du conseil communal de Lâayoune, qui s’emporte contre « les agissements irresponsables d’une minorité insignifiante. Nous nous soulevons contre quiconque touche à la dignité et l’unité de la nation marocaine. Nous combattrons tous ceux qui utiliseront l’ouverture démocratique pour nuire à notre cause», fulmine-t-il. Un discours de circonstance galvaudé ad nauseam par les notables de la région, mais qui n’est pas suivi d’effets sur le terrain.
En effet, l’une des carences de l’Etat dans la gestion du dossier du sahara, c’est qu’il ne dispose pas de relais politiques parmi la population des provinces sahariennes. «Faux, précise Lakhrif, nous avons toujours été éloignés de la gestion du dossier du Sahara et ce depuis le temps de Driss Basri. Comme tous les autres Marocains, les Sahraouis ont été écartés de ce dossier. » Si sur ce point les élus du Sahara ont raison, qu’en est-il de leur gestion des affaires communales ? «Nous sommes comptables de notre gestion et ne nous en cachons pas. La priorité est aujourd’hui la défense de l’intégrité territoriale », conclut Lakhrif.
Il n’empêche qu’avant le déclenchement des désordres, une délégation représentant les anciennes et les nouvelles élites du Sahara était en visite à Rabat afin de rencontrer les membres du gouvernement et les staffs des partis politiques pour les sensibiliser aux problèmes de la région. La délégation qui a rencontré le premier ministre lui a soumis un mémorandum réclamant, entre autres, le rattachement de Sidi Ifni à la région, l’implication des compétences locales dans la gestion et la résolution des problèmes sociaux. Un lobbying que beaucoup assimilent à une course contre la montre pour sauvegarder certains intérêts.
Pour Bachir Dkhil, président de l’association Alter Forum, si la délégation sahraouie est venue dans la capitale du royaume, c’est pour lever l’équivoque sur certaines questions. «Les autres Marocains croient qu’on baigne dans l’opulence. Ce n’est pas vrai du tout. Dans le Sud, nous vivons une situation économique catastrophique. Il faut que l’Etat prenne en considération le contexte socio-économique de cette région», insiste Bachir Dkhil. S’agit-il de convaincre l’opinion, partis et gouvernement compris, de la justesse d’une cause à laquelle ils ont adhéré depuis le départ ? Le décalage entre les positions des notables sahraouis et la réalité du terrain peut paraître abyssal.
Aujourd’hui, l’Etat paie une politique maladroite, qui a longtemps combiné la carotte et le bâton, et qui n’a abouti à rien sauf peut-être qu’à créer une caste de privilégiés incapables d’encadrer efficacement une population livrée à l’activisme des séparatistes avec l’appui de l’Algérie. D’ailleurs, ce qui s’est passé la semaine dernière à Lâayoune ne peut être isolé des manœuvres algériennes qui ont fait capoter le sommet de l’UMA à Tripoli.
Les ennemis du Maroc veulent profiter des libertés dont jouissent les citoyens marocains afin d’affaiblir le royaume en le poussant à la faute. Si le processus de démocratisation est un choix stratégique et irréversible pour le Maroc, seul un Etat fort et juste peut veiller sur la conduite de ce processus. En tout cas, les autorités marocaines semblent résolument décidées à répondre fermement à toute tentative de déstabilisation du Maroc

L’intervention policière a permis de faire revenir le calme à Laâyoune, de façon parfois musclée, mais dans le respect de la loi et sous les projecteurs des caméras de télévision internationales.