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Pouvoirs

Les sanctions tombent, la reddition des comptes n’est pas un slogan creux

Neuf membres de l’ancien gouvernement ont été sanctionnés pour dysfonctionnements et manquements à leurs responsabilités. Le Souverain s’est félicité des efforts déployés par le gouvernement actuel en vue d’accélérer la mise en œuvre des projets programmés.

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S.M. le Roi Les sanctions tombent

SM Mohammed VI, après avoir pris connaissance du rapport de la Cour des comptes et ceux de l’IGF et de l’IGAT sur le programme «Al Hoceima: Manarat Al Moutawassit» et sur la base de ses conclusions, a limogé, après consultation du chef du gouvernement, trois ministres et un secrétaire d’Etat. Le Souverain a également mis fin aux fonctions du directeur général de l’ONEE et notifié sa non-satisfaction à cinq anciens membres du gouvernement précédent qui ne se verront plus confier aucune fonction officielle. Pour ce qui est du reste des responsables administratifs, également incriminés par ces rapports, et qui sont au nombre de 14 (sans doute des secrétaires généraux, des directeurs centraux et des directeurs provinciaux et régionaux), S.M. le Roi a chargé le chef du gouvernement de prendre les mesures nécessaires à leur encontre, et de lui soumettre un rapport dans ce sens. Il est à souligner, précise un communiqué du Cabinet royal, que ces décisions s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle politique qui ne se limite pas uniquement à la région d’Al Hoceima, mais englobe toutes les régions du Maroc, et qui concerne tout responsable, tous niveaux confondus. Dans ce contexte, le Souverain a également chargé le ministre de l’intérieur de mener les investigations nécessaires au niveau national au sujet des responsables relevant de l’Administration territoriale et la Cour des comptes d’examiner et évaluer l’action des Conseils régionaux d’investissement. C’est donc un processus, que d’aucuns n’hésitent à qualifier de campagne d’assainissement, qui vient à peine de commencer. Un processus évoqué dans les derniers discours royaux qui ne manquera pas d’avoir des conséquences notamment sur la scène politique. Si, aujourd’hui, le PPS est le grand perdant parce qu’il a été ouvertement désavoué, les autres partis qui n’auront pas su saisir le message du changement risquent de ne pas être épargnés. Pour le PPS, la révocation de son secrétaire général va au-delà du simple renvoi d’un ministre ou haut responsable de l’Etat. Elle questionne la présence au sein du gouvernement d’un parti qui ne dispose même pas d’un groupe parlementaire et dont les 12 députés ne pèsent presque rien dans une majorité parlementaire de plus de 60% des membres de la Chambre. Au final, et avec un secrétaire d’Etat, ce parti qui ne doit sa présence au gouvernement qu’aux aptitudes de négociations du secrétaire général du PJD reprend sa dimension normale au sein du gouvernement. S’il continue à en faire partie, bien sûr. C’est un parti devenu une coquille vide, sans véritable enracinement populaire.

Respect de la Constitution

De toutes les manières avec ou sans PPS, l’équipe El Otmani peut toujours compter sur une majorité confortable de plus de 230 députés (en attendant le résultat définitif des différentes élections partielles). Au contraire, note-t-on, et pour des raisons qui n’échappent à personne, le gouvernement El Otmani, dont l’action a été saluée au passage par le Souverain, n’en sera que plus renforcé et plus soudé et cohérent. Par ailleurs, et avec l’annonce par le Souverain de la création d’un ministère chargé des affaires africaines, ce sont cinq portefeuilles qui sont aujourd’hui en jeu. Une lecture superficielle de la scène politique suppose que ce remaniement relativement important du gouvernement pourrait être une occasion inespérée pour l’Istiqlal de faire, enfin, son come-back aux affaires. C’est une éventualité qui ne cadre, pourtant pas, avec un Istiqlal en pleine construction, pour être au rendez-vous en 2021, promis par la nouvelle direction. De même que cette option induirait un déséquilibre aigu au sein de l’institution législative entre majorité et opposition.    

Quoi qu’il en soit, le rapport de la Cour des comptes confirme qu’il n’y a pas eu de malversation ni de détournement de fonds. Ce qui veut dire que l’application du principe de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes (article 1 de la Constitution) a été poussée au maximum. C’est une rupture avec les pratiques du passé où un responsable n’est inquiété que s’il est mouillé dans une affaire éminemment pénale, et encore. En outre, même si son nom ne fait pas partie de la liste, l’ancien chef du gouvernement est également concerné et sa responsabilité est pleinement engagée. C’est pour dire que, comme le note cet analyste politique, nous sommes désormais dans une phase où l’exécution, la compétence, le bilan, la performance importent tout aussi bien que l’intégrité et la probité. C’est un changement de paradigme qui vient d’être amorcé avec le changement du modèle de développement annoncé par le Souverain dans son dernier discours du 13 octobre. Dans cette optique, il est désormais à craindre pour un responsable non plus de franchir la ligne de l’illégalité, mais ne pas respecter son cahier des charges et les termes de sa mission à la tête de son département et, certainement aussi, de son administration et son service.

On notera également que, comme cela a toujours été le cas depuis sa promulgation, le Souverain a tenu à respecter, dans le texte et dans l’esprit, la Loi suprême du Royaume, avec une tendance affichée et assumée pour l’interprétation démocratique du texte. L’alinéa 2 de l’article 1 a été mis en œuvre et les sanctions ont été décidées et annoncées non pas dans un discours comme d’aucuns s’y attendaient, mais en ayant recours aux institutions. Ce sont l’IGAT et l’IGF qui ont été chargées d’enquêter en un premier temps, principalement sur les aspects administratif, financier et de gestion, et la Cour des comptes de continuer l’enquête afin de dégager les responsabilités politiques. Et quand il a fallu prendre sa décision, le Souverain s’est également appuyé sur l’article 47 et les quatre membres du gouvernement ont été limogés après consultation du chef du gouvernement. Sur un autre volet, les sanctions décidées par le Souverain qui touchent les anciens ministres, dont deux sont aujourd’hui parlementaires, ne devraient pas impacter leur carrière de députés puisqu’ils sont investis d’un mandat populaire auquel il ne peut être mis fin que dans les conditions précisées par la loi.