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Pouvoirs

Les douze jours qui ont immobilisé le Parlement

Pendant 12 jours, le Parlement n’a pu démarrer ses travaux en raison d’un conflit entre l’UMP et Abdelouahed Radi.
Numériquement en position de force l’UMP n’a pourtant pu obtenir une seconde
vice-présidence qu’après arbitrage de Driss Jettou.

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La course aux postes et aux titres parlementaires a pris fin lundi 18 octobre. Elle aura paralysé les travaux de la Chambre des représentants pendant douze jours pour des broutilles. Le bras de fer opposant le président usfpéiste de l’assemblée, Abdelouahed Radi, à l’Union des Mouvements Populaires (UMP), récemment constituée en regroupant des députés de trois partis (MP, MNP et UD) et propulsée au rang de premier groupe parlementaire, a tourné à l’avantage de l’UMP.
Quel était l’enjeu de ce bras de fer et quelles étaient les motivations des deux parties en conflit ? La réponse à cette question ternit quelque peu l’image du Parlement.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres fut une proposition faite par Abdelouahed Radi d’amender l’article 11 du règlement intérieur de la Chambre des représentants. M. Radi avait proposé, en effet, de réduire le nombre des vice-présidents de huit à sept, afin que chacun des sept groupes parlementaires soit représenté au bureau de l’assemblée par un vice-président. Une réunion de la conférence des présidents avec M. Radi, avant l’ouverture de la session le 8 octobre, aurait même validé cette proposition d’amendement.

Abdelouahed Radi était opposé à une deuxième vice-présidence pour l’UMP
La Chambre des représentants pouvait donc commencer ses travaux dans la sérénité. Mais c’était compter sans les ambitions de l’UMP. Avant la réunion plénière de la Chambre, prévue vendredi 8 octobre, juste après le discours d’ouverture du Roi, et qui devait élire les 13 membres du bureau et les présidents des six commissions parlementaires permanentes, la donne a changé. La séance a dû alors être reportée au mercredi 13 octobre, puis au vendredi 15 octobre, toujours sans succès. Il a fallu attendre le lundi 18 octobre pour que l’assemblée puisse reprendre ses travaux et élire ses instances.
Douze longues journées perdues ! Les députés UMP arguaient que la réduction du nombre des vice-présidents les priverait injustement d’une seconde vice-présidence. Le titulaire du perchoir tenait à son amendement et l’UMP ne lâchait pas prise. Elle tenait, elle aussi, à sa seconde vice-présidence. Impasse.
Abdelouahed Radi refusait de céder car le fait d’accorder deux vice-présidences à un même groupe parlementaire créerait, selon lui, un précédent préjudiciable à la pratique parlementaire nationale. De plus, il était outré par le non-respect de l’engagement pris par le représentant de l’UMP lors de la conférence des présidents.
Quant aux ténors de l’UMP, ils protestaient contre la manière cavalière dont le président avait balayé, d’un revers de la main, la procédure d’amendement prévue par l’article 177 du règlement intérieur, passage obligé pour la réduction du nombre de vice-présidents. Si cet article devait s’appliquer, il aurait exigé un délai de plusieurs semaines en plus de la validation par le Conseil constitutionnel.
Pour ce qui est de l’argument du «précédent préjudiciable», il a été réduit en poussière par les juristes de l’UMP. Ils ont en effet tiré de l’oubli deux précédents en la matière. Le premier date du Parlement de 1977, où le RNI, dont le groupe comptait 142 députés, avait pas moins de trois vice-présidents : Ahmed Laâski (1er), Khatri Ould Saïd Joumani (4e) et Omar Jazouli (8e). Le second précédent concerne le Parlement de 1984 où l’UC, dont le groupe comptait 55 députés, avait deux vice-présidents : Mohamed Jalal Essaïd (1er vice-président) et Brika Zerouali (7e).
Mais, en réalité, chaque partie avait ses arrière-pensées, ses contraintes et ses propres calculs politiciens. De son côté, Abdelouahed Radi, qui doit remettre en jeu son mandat de président de la Chambre des représentants dès l’ouverture de la session parlementaire de printemps, en avril prochain, voulait tester la capacité de l’UMP à tenir ses engagements et savoir jusqu’où elle était prête à aller.

L’UMP voulait tester la solidité de son «alliance» avant la future bataille pour le perchoir…
Du côté de l’UMP, l’épreuve de force engagée avec le président de l’assemblée est une sorte de ballon d’essai, une répétition générale pour l’élection du nouveau président en avril prochain. Les chefs de l’UMP, un groupe qui fait partie de la majorité et qui dispose de cinq ministres – dont le secrétaire général du MP, Mohand Laenser – voulaient tester leur «alliance» en vue de la future bataille pour le perchoir.
Mal leur en a pris. L’USFP, l’Istiqlal, le RNI et l’Alliance socialiste, soit 164 députés (sur les 324 que compte la Chambre) ont soutenu M. Radi. L’UMP n’a pu compter que sur ses 73 députés et, affirme-t-on, les 27 députés du groupe de l’UC-PND… Avec 100 voix, ils étaient loin du compte, puisque les 42 députés du PJD ont refusé de prendre position et ont même dénoncé le retard intervenu dans les travaux de la première Chambre du Parlement. Mais d’ici le mois d’avril, rien n’interdit de penser que le RNI, l’Istiqlal ou le PJD pourraient parfaitement changer leur fusil d’épaule.
L’autre leçon de cette épreuve de force entre Abdelouahed Radi et l’UMP réside dans une certaine fragilité du groupe parlementaire de la Mouvance populaire et une volatilité du sentiment d’appartenance des députés à l’UMP. Avant même de naître officiellement, ce groupe a connu de sérieux remous. Parmi ses députés, les uns ont menacé de retirer leur signature des listes de l’UMP, les autres ont accusé leurs responsables d’avoir falsifié leur signature sur ces listes et ont agité l’épouvantail du recours à la Justice pour «faux et usage de faux». D’autres enfin, menés par l’inénarrable député de Sidi Kacem, Mohamed Benzeroual, qui est passé par tous les partis de la Mouvance populaire sans s’établir nulle part, auraient pris langue avec le FFD en vue de la constitution d’un groupe parlementaire commun.
Est-ce la raison pour laquelle Ahmed Zarouf (MP), député de Taounate, et un de ceux qui ont le plus rué dans les brancards et qui ontdénoncé la désignation des responsables et représentants du groupe par les chefs de l’UMP, s’en est pris aux siens concernant la supériorité numérique de l’Union ? En tous les cas, il est clair que cette force «numérique, justifie les protestations de l’UMP.
Finalement, toutes ces menaces, ces velléités de rébellion et intentions de transhumance ont éclaté comme des bulles de savon. Tout le monde est rentré dans le rang et les 73 députés sont restés à l’UMP.
L’UMP a même pu avoir gain de cause après un arbitrage du Premier ministre. Elle a eu ses deux vice-présidences (la première et la huitième) et elle a pu choisir à sa guise la commission de son choix. Elle a préféré jeter son dévolu sur la commission de l’Intérieur plutôt que sur celle des Finances.
Cela n’a fait que déplacer la rivalité, cette fois-ci entre deux frères ennemis de toujours : l’USFP et le Parti de l’Istiqlal. Le groupe parlementaire de ce dernier, transhumance oblige, étant devenu le deuxième de la Chambre des représentants, avec 55 députés, devant l’USFP (48 députés), exigea que la commission des Finances soit présidée par un Istiqlalien. Une commission jusque-là présidée par l’usfpéiste Abdelkader El Benna.
Malgré une promesse du président du groupe istiqlalien, Abdelhamid Aouad, de renoncer à cette exigence, les Istiqlaliens ont fini par céder aux appétits de leurs troupes et ont oublié leur promesse. M. El Benna a dû céder la place à Mostafa Hanine du PI. Effet de dominos : M. El Benna s’accrocha à un autre portefeuille, celui de la présidence de la commission de la Justice qui a échu au groupe de l’USFP.
Et pourtant, il avait été admis, lors d’une réunion des députés usfpéistes, que si cette commission venait à leur échoir, M. El Benna devait passer la main au profit d’un autre député, avocat de métier et déjà rapporteur de cette commission, Mohamed Karam. M. El Benna est donc un président en sursis, dans l’attente d’une réunion du bureau politique qui tranchera en la matière.

Avant même de naître officiellement, l’UMP a connu de sérieux remous. Parmi ses députés, les uns ont menacé de retirer leur signature des listes, les autres ont accusé leurs responsables d’avoir falsifié leur signature sur ces listes et d’autres enfin auraient pris langue avec le FFD en vue de la constitution d’un groupe parlementaire commun.

Mohand Laenser (MP), Mahjoubi Aherdan (MNP) et Bouazza Ikken (UD), les trois leaders de l’UMP.