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Pouvoirs

Les chantiers prioritaires de l’équipe El Othmani

Le gouvernement, qui pourrait voir le jour dans moins d’une semaine, sera investi au début de la session du printemps.
L’Afrique, le développement rural, l’emploi, la santé, l’éducation, la justice…, sont les priorités du nouvel Exécutif.
Le gouvernement sera relativement réduit avec une architecture en pôles et, probablement, le retour des secrétaires d’Etat.

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equipe El Othmani

Samedi 25 mars, le nouveau chef de gouvernement désigné a mis fin à une impasse, après plus de cinq mois de tractations. Saad Eddine El Othmani, chargé de former un gouvernement le 17 mars dernier, n’a mis, en tout et pour tout, qu’une semaine pour former sa majorité constituée en plus du PJD, des partis du RNI, MP, USFP, UC et PPS. C’est une étape de franchie. Tout de suite après, annonçait le chef de gouvernement désigné, une commission devait être constituée pour se pencher sur l’élaboration du programme gouvernemental. En parallèle, les formations de la majorité devaient s’atteler, de leur part, au parachèvement de composition et de structuration du gouvernement. Sans plus attendre, le PJD a réuni, lui aussi, sa commission de sélection des candidats pour les postes ministériels qui devraient revenir au parti. Les autres formations membres de la majorité devaient également faire autant, selon les procédures prévues dans les statuts de chaque parti. Il convient dans ce sens de rappeler que le RNI a déjà imposé des conditions à ses futurs ministrables que sont, entre autres, les compétences et la capacité de travailler tous les jours de la semaine et surtout en dehors de la capitale. En gros, les partis de la majorité promettent de «former un gouvernement dont la composition sera efficace et efficiente et reflétera les grandes priorités de l’étape actuelle», comme l’a soutenu Saad Eddine El Othmani au moment de présenter les membres de sa coalition. Si pour les autres formations le problème ne se pose pas, puisque c’est le bureau politique et même, bien souvent, le secrétaire général qui choisit les profils ministériels, les deux organes pouvant ainsi imposer les conditions de compétences qu’ils souhaitent, pour le PJD la situation est autre. En effet, la procédure de désignation est complexe, mais éminemment démocratique. Ainsi, c’est la commission de proposition, formée de 62 personnes dont des membres du secrétariat général et des personnes élues par le Conseil national, qui propose au secrétariat général une liste de 30 noms après une présélection à deux niveaux. Les membres de la direction éliront donc sur ces 30 noms trois candidats pour une fonction ministérielle, et le secrétaire général choisira parmi ces trois celui qu’il proposera au Souverain. Par ailleurs, le secrétaire général, Abdelilah Benkirane, ou le chef de gouvernement désigné Saad Eddine El Othmani, pourront proposer de leur propre chef des candidats au gouvernement, en dehors des 30, mais sans pouvoir dépasser 25% du nombre de ministères affectés au PJD.
Méthodologie rigoureuse
Sur le plan de démocratie interne, la procédure est infaillible, mais en termes de qualité et des compétences des profils, elle reste largement insuffisante. En effet, l’approche étant plus démocratique qu’ailleurs, ce ne sont pas les dirigeants du parti qui décident, ils se contentent de se prononcer sur la liste qui leur est soumise par la commission de proposition. Exit donc le népotisme et le clientélisme, mais subsiste le risque de se retrouver avec des profils inaptes à assumer la charge de certains départements, notamment les plus techniques. Subsiste également le risque de se retrouver avec des profils qui sont inacceptables par l’opinion publique en raison de leur passé ou de leurs prises de positions. De toutes les manières, les termes du discours du 6 Novembre 2016, prononcé par SM le Roi à Dakar, sont là pour orienter le choix des uns et des autres et rectifier, s’il y a lieu de le faire, les erreurs de casting avant qu’il ne soit trop tard. Le gouvernement, précise le Souverain, est «une structuration efficace et harmonieuse qui s’adapte au programme et aux priorités. C’est un ensemble de compétences qualifiées, avec des attributions départementales bien définies». C’est que, affirme SM le Roi dans le même discours, «le Maroc a besoin d’un gouvernement sérieux et responsable. Toutefois, la formation du prochain gouvernement ne doit pas être une affaire d’arithmétique, où il s’agit de satisfaire les desideratas de partis politiques et de constituer une majorité numérique, comme s’il était question de partager un butin électoral».
Le gouvernement, poursuit le Souverain, «c’est plutôt un programme clair et des priorités définies concernant les questions internes et externes, avec l’Afrique au premier chef. Un gouvernement apte à aplanir les difficultés héritées des années passées, concernant le respect des engagements du Maroc vis-à-vis de ses partenaires». Et pour finir, SM le Roi a promis de veiller à ce que «la formation du prochain gouvernement se fasse conformément à ces critères et suivant une méthodologie rigoureuse. Et Je ne tolérerai aucune tentative de s’en écarter. De fait, les Marocains attendent du prochain gouvernement, qu’il soit à la hauteur de cette étape décisive». Ce qui est sûr, c’est que le chef de gouvernement désigné est conscient de cette donne. «Nous veillerons à être à la hauteur des attentes de la situation, conformément aux orientations du discours royal de Dakar qui a souligné le besoin d’un gouvernement composé de compétences qualifiées qui travaillera selon un programme clair et des priorités définies, répondra aux attentes du peuple marocain et des acteurs économiques et sociaux et se penchera sur la promotion du modèle marocain», a notamment souligné Saad Eddine El Othmani.
Prendre le train en marche
Pour ce qui est du programme, la nouvelle équipe ne dérogera pas trop à la ligne de conduite également tracée par ce discours. C’est ainsi que le chef de gouvernement désigné promet de prendre en considération la politique africaine du Maroc, qui «impose des orientations importantes et utiles pour le continent et le Royaume sur les plans politique, économique et social». Quant à ses priorités, le nouveau chef de gouvernement les résume en la réforme de l’administration, qui était, rappelons-le, au cœur du discours de SM le Roi à l’ouverture de la 10e législature, ainsi qu’en la promotion de la qualité de la santé et de l’éducation. L’emploi, la lutte contre la corruption, la réforme de la justice, le développement rural et la stratégie énergétique seront également parmi les préoccupations majeures du futur Exécutif. Pour certaines de ces réformes, le nouveau gouvernement se contentera de prendre le train en marche. Ainsi, les contours de la réforme de l’Administration sont bien définis dans le discours du 14 octobre 2016. Le Souverain a fait référence, en ce sens, à la relation entre l’Administration et le citoyen. Cela dit, la réforme de l’Administration c’est aussi la Régionalisation, la décentralisation et la déconcentration administrative. Un chantier auquel doit s’atteler sans plus attendre le prochain Exécutif. Il y va de la réussite de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée. De même pour l’enseignement dont la Vision 2030 constitue déjà, en soi, un feuille de route. Le gouvernement sortant planchait d’ailleurs aux derniers mois de son mandat sur une loi-cadre qui pourrait porter cette réforme. De même, le processus de mise en place de la réforme de la justice a atteint un stade avancé. Plusieurs lois ont été votées en ce sens, mais il y a la nécessité de leur mise en application. D’autres sont encore en phase d’adoption. Pour ce qui est de la réforme du monde rural, un chantier gigantesque a été ouvert. Ses grands axes ont également été définis, chiffres à l’appui, par le discours du 30 juillet 2015. Le Souverain a alors invité le gouvernement à «établir un plan d’action intégré, fondé sur le partenariat entre les différents départements ministériels et les institutions concernées, en vue de trouver les moyens de financement des projets et de définir un échéancier précis pour leur mise en œuvre».
La Loi de finances, premier test
Pour le reste, les partis politiques devraient définir chacun ses priorités. L’USFP, par exemple, à peine sa participation au gouvernement acquise, a mis en place une commission pour plancher sur un programme qu’il devrait présenter aux autres partenaires. C’est d’ailleurs la deuxième étape après l’entente des membres de la coalition sur l’architecture du futur gouvernement. Tous les membres ont parlé, à un moment ou un autre, de la nécessité de former une équipe réduite, efficace et efficiente formée en pôles. En ce sens, plusieurs indiscrétions parlaient déjà au début de la semaine sur l’éventualité de réduire le nombre des portefeuilles ministériels en contractant certains départements. Il est également question de renouer avec la formule des secrétaires d’Etat écartée au moment de la formation du gouvernement Benkirane. Rappelons qu’après sa nomination par le Souverain, la nouvelle équipe, après passation des pouvoirs, entamera son mandat en commençant par expédier les affaires courantes, et ce, tout en mettant les dernières retouches à son programme gouvernemental qui sera proposé pour débat au Parlement et pour adoption par la première Chambre. Une étape qui risque d’être inhabituellement animée. En ce sens, le groupe parlementaire du PJD a déjà annoncé la couleur en promettant de s’opposer à tout projet de programme qui ne reflète pas celui du parti. C’est l’adjointe du chef du groupe parlementaire qui vient de l’annoncer. Mais, estime cet analyste politique, «ce genre de sorties est plutôt destiné à la consommation interne». Bref, il sera également question de mise en place d’une charte de la majorité qui fixe ses objectifs et ses mécanismes de fonctionnement. En définitive, une fois investi, le nouveau gouvernement planchera immédiatement sur la préparation d’un projet de Loi de finances pour les six mois qui restent de l’année. Ce sera le premier exercice au cours duquel se profilera la nouvelle composition du Parlement. L’élection du président de la première Chambre, rappelons-le également, a donné une fausse idée des positionnements politiques des uns et des autres. Le PAM ayant choisi son camp depuis le début, la position de l’Istiqlal sera clarifiée en cette occasion de l’examen du projet de budget, à moins qu’il ne l’exprime bien avant, c’est-à-dire pendant les débats du programme du gouvernement.
Cela dit, le casse-tête d’une session extraordinaire sera finalement évité puisque, selon toute vraisemblance, le gouvernement ne sera pas prêt avant l’ouverture, le 14 avril, de la session parlementaire du printemps.