Pouvoirs
Le Sommet arabe vu par les Algériens
Plus que la tenue du sommet, c’est la présence du Roi Mohammed VI qui
a focalisé l’attention à Alger.
Les signes avant-coureurs du dégel sont visibles, mais on se garde des spéculations hâtives.

Les Algérois se souciaient peu du Sommet arabe du 22 et 23 mars, organisé dans leur ville. Ce qui a alimenté leurs commentaires pendant toute la durée du sommet était l’impressionnant déploiement sécuritaire dans la capitale algérienne. Plusieurs observateurs ont parlé de la présence de plus de 10 000 policiers et gendarmes à Alger. Du jamais vu. Mais, incontestablement, le sujet qui a focalisé l’attention des habitants était la présence du Roi du Maroc. Les spéculations allaient bon train sur sa venue et surtout le moyen de transport qu’il allait emprunter. Plusieurs Algérois se souviennent encore des voyages de feu Hassan II à bord du «Marrakech».
Il va sans dire que les Algériens fondent d’immenses espoirs sur la visite du Roi du Maroc. La première chose qui a marqué les Algérois, et dont ils n’ont cessé de parler était la qualité de l’accueil réservé à Mohammed VI. Les journalistes algériens présents au centre international de la presse ont tous relevé qu’après la cérémonie, la télévision publique algérienne a diffusé un portrait du Roi du Maroc plus long que celui consacré à ses pairs arabes. La carte du Maroc, non amputée de son Sahara, diffusée à la télé, a été également considérée comme un geste de la part des autorités d’Alger.
«L’UMA reste un choix stratégique pour le Maroc»
Pour ce qui est des travaux du sommet, la presse de la place a relevé le peu d’intérêt constaté chez les chefs d’Etats arabes pour la séance d’ouverture. Ainsi, Moammar Kadhafi, fidèle à ses habitudes, a été le dernier arrivé au Palais des nations, lieu du sommet, mais également le premier à le quitter avec sa gigantesque suite. Dès que Alpha Omar Konaré, secrétaire général de l’Union africaine, a pris la parole, le Souverain marocain a préféré se diriger vers son lieu de résidence à Zeralda dans la banlieue chic d’Alger. Il a été suivi, peu après, par le Président tunisien qui n’a pas attendu non plus la fin des interventions programmées lors de la séance d’ouverture. Entre autres moments forts du sommet, le discours très attendu de SM Mohammed VI dans lequel, tout en réaffirmant l’attachement du Maroc à l’Union du maghreb arabe en tant que choix stratégique incontournable, il n’a pas omis de mettre en garde contre les ingérences en soulignant que «la réforme endogène, une affaire interne par principe, doit se décliner en fonction des particularités de chaque pays. De ce fait, je réaffirme la position immuable du Maroc, à savoir que, s’il s’interdit de s’ériger en donneur de leçons à ce propos, il refuse aussi d’en recevoir de quiconque. Qu’il soit des nôtres ou d’ailleurs, nul n’a le droit de nous dicter notre conduite en la matière.»
D’un autre côté, dans les coulisses du sommet, on parlait avec insistance d’une alliance scellée entre le Maroc et l’Egypte. En effet, l’activisme de Mohamed Benaïssa, ministre des Affaires étrangères, en faveur de la candidature égyptienne pour occuper un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, a été très remarqué. En cela, le Maroc a pris le contre-pied de la proposition algérienne voulant que le siège permanent promis à un pays d’Afrique soit occupé de façon tournante par les pays africains. Sur ce point, encore une fois, l’axe Rabat-Le Caire se démarque de l’axe Alger-Prétoria.
La normalisation des relations ardemment souhaitée
Dans la soirée du 22 mars, les chefs d’Etat arabes se sont rencontrés aux environs de 17 heures pour ne se quitter que vers 23 heures. Plusieurs observateurs ont parlé de divergences entre la Libye et l’Arabie Saoudite ainsi qu’entre l’Egypte et l’Algérie à propos de «la réorganisation de la Ligue arabe».
Pour revenir aux relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie, les journalistes étrangers présents à Alger ont parlé de plusieurs rencontres organisées, en marge du sommet, entre les chefs d’Etat des deux pays. La question de la réouverture des frontières entre les deux pays, fermées depuis onze ans, aura été le point d’orgue de ces discussions. D’ailleurs, certains journaux d’Alger ont parlé de discussions secrètes qui ont eu lieu à Paris entre «des membres de l’ambassade d’Algérie et un collaborateur d’André Azoulay, proche conseiller du Roi». A l’heure où nous mettions sous presse, il était effectivement question d’une rencontre entre les deux chefs d’Etat, qui devrait se tenir dans la soirée du 23 mars.
En tout cas, pour les Algériens, le seul résultat concret auquel pourrait aboutir le sommet est la normalisation des relations entre le Maroc et l’Algérie. Normalisation qui devrait intervenir vers le 8 avril, date à laquelle Abdelaziz Bouteflika fera un discours qui, selon des sources à Alger, devrait contenir des déclarations d’une grande importance, notamment en ce qui concerne les relations de l’Algérie avec ses voisins. En attendant, le très officiel quotidien algérois El Moudjahid parle lui déjà de «dégel» entre les deux pays maghrébins en consacrant une pleine page à la poignée de main chaleureuse entre le Roi du Maroc et le Président algérien. Plus qu’un signe, selon les observateurs sur place .
Le quotidien algérien «El Moujahid» a consacré une pleine page à la chaleureuse poignée de main entre le Roi Mohammed VI et le Président Bouteflika.
