Pouvoirs
Le pôle haraki rafle le tiers des sièges
L’USFP vole de défaite en défaite avec une régularité
de métronome. Il n’a remporté que 2 sièges sur les
90 à pourvoir.
Les partis du pôle haraki (MP, MNP, UD et MDS) et l’Istiqal ont été
les grands gagnants de ces élections.

La descente aux enfers continue pour l’USFP. Tout au long de ce long processus électoral entamé en juillet dernier, le parti a volé de défaite en défaite avec une régularité de métronome.
Après avoir fait illusion un moment en se classant deuxième, derrière l’Istiqlal, avec l’élection de plus de trois mille élus locaux usfpéistes, le parti de Abderrahmane Youssoufi n’a remporté aucune mairie des six plus grandes villes du pays, ni aucune présidence des 41 conseils d’arrondissement que comptent ces villes.
Le coup de grâce lui a été porté avec le renouvellement du deuxième tiers de la Chambre des Conseillers, lundi 6 octobre 2003, où l’USFP, premier parti du pays, n’a pu remporter que deux malheureux sièges (pour 8 sortants) sur les 90 à pourvoir. Du coup, il n’a plus suffisamment de conseillers – il en faut douze – pour constituer un groupe parlementaire dans cette chambre. La Bérézina ? Oui, c’est le moins que l’on puisse dire
Le malheur des uns fait le bonheur des autres, dit-on. En tout cas, pour le scrutin du 6 octobre, les gagnants sont au nombre de deux.
Il y a d’abord les partis de la mouvance populaire (MP, MNP, UD et MDS). À elles quatre, ces formations remportent 30 sièges (sur 90), soit le tiers des sièges à pourvoir ! Cela aiguisera à n’en pas douter les appétits politiques du pôle haraki, qui s’impose désormais comme la première force parlementaire à la Chambre des Conseillers. Mostafa Oukacha (RNI), président en exercice, devra remettre son poste en jeu, comme le veut la loi après chaque renouvellement de tiers. Et il va sans dire qu’il a de faibles chances de le garder. Le poste devrait en principe revenir à l’une des personnalités de la mouvance harakie, et elles sont légion.
Si l’ancien trésorier du Royaume, Salah Hamzaoui (MDS) et Abdeslam Beroual (MP), membre du bureau de la Chambre, ne pourront pas concourir puisqu’ils n’ont pas été reconduits par les grands électeurs, d’autres piaffent d’impatience. Cela d’autant plus qu’ils ont dû batailler dur pour retrouver leur siège. Il s’agit de Mohamed Fadili, membre du bureau politique de l’UD ou de Abderrahmane Lebdek, président du groupe parlementaire du MNP. Certes, il y aura de la place pour tout le monde car les partis de cette mouvance auront des postes de vice-présidents et des présidences de commissions… Mais, il n’y aura qu’un seul président.
Mouvance populaire : des appétits aiguisés
Par ailleurs, il y a une surprise qui fera certainement couler beaucoup d’encre, celle de l’élection du patron du MDS, Mahmoud Archane. On se rappelle comment la galaxie de gauche et «droit de l’hommiste» s’était mobilisée avec enthousiasme, en septembre dernier, à Tiflet, pour barrer la route à l’élection de celui qu’elle accusait d’avoir été un tortionnaire pendant les années de plomb. L’entreprise réussit et M. Archane mordit la poussière.
L’homme ne s’est pas avoué vaincu. Il a contourné le suffrage universel et s’est fait élire par les grands électeurs dans le collège des collectivités locales de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zäers. Ce retour d’un homme très controversé sur la scène de la Chambre des conseillers brouillera encore plus la lisibilité d’une situation politique déjà suffisamment confuse comme cela.
Il y a ensuite, deuxième gagnant, le Parti de l’Istiqlal, qui a su tirer rapidement, et à son profit, les leçons de sa mésalliance avec l’USFP et des divisions internes qui lui ont coûté la mairie de Marrakech. Pour les amis de Abbès El Fassi, de toute évidence, il n’y a pas d’alliances contre-nature. Tout le monde est le bienvenu. Et le résultat est là : 12 sièges remportés. C’est ce qu’on appelle tirer son épingle du jeu.
Pour le RNI, ses résultats électoraux sont mitigés. On a l’impression que ce parti peine à trouver un positionnement propre. Ses performances s’en ressentent. Ainsi sur 16 sortants, il n’a pu faire élire que 10 conseillers. Un score plutôt médiocre.
Le mandat le plus court pour un conseiller : deux mois
Dans la catégorie des partis aux performances moyennes, il y a lieu de noter les relatifs bons résultats du PPS, qui a fait mieux que l’USFP puisqu’il a envoyé trois des siens à la Chambre des conseillers. L’un d’eux attire particulièrement l’attention. Homme de terrain, militant de la première heure, Abdellatif Ouaâmmou est adepte de la politique de la proximité. Ses camarades de la région du Souss le connaissent bien. Avocat de carrière, bâtonnier du barreau d’Agadir au début des années quatre-vingt-dix, l’homme est membre du bureau politique du parti et préside depuis le mois de septembre la municipalité de Tiznit. Il siégera désormais à la deuxième Chambre.
Enfin, on ne peut s’empêcher ici d’évoquer le cas anecdotique de ces trois conseillers élus, dans le cadre d’élections partielles, quatre ou cinq semaines avant le tirage au sort des sortants, le 9 juillet dernier, et qui ont dû tous les trois remettre leur mandat en jeu.
Deux d’entre eux sont assurés, cette fois-ci, de siéger sous la coupole pendant neuf ans, à moins que la Chambre des conseillers ne soit d’ici là supprimée. Il s’agit de Mohamed Krimen (PI), élu dans le collège des collectivités locales dans la région de Chaouia-Ouardigha et de Mehdi Athmoun (MP), élu par le collège des Chambres d’agriculture dans la même région. Quant au troisième, Mohamed Boulaâsri (RNI), il a été moins chanceux et entrera dans l’histoire de la deuxième Chambre comme le conseiller dont la durée du mandat fut la plus courte : moins de deux mois.
Néanmoins, on ne peut passer sous silence les nombreuses ombres au tableau : indiscipline partisane, ouverture anarchique des partis sur les affairistes, transhumances, domiciliations furtives, usage massif de l’argent sale, alliances contre-nature… Autant de menaces qui planent comme une épée de Damoclès sur l’avenir de la construction démocratique dans le pays. Etat, partis, société civile, opinion publique doivent unifier leurs efforts pour faire face à ces menaces.
Evidence démocratique ? Pas chez nous
Il est une évidence démocratique, qui de toute évidence ne l’est pas sous nos latitudes. Dans tous les pays démocratiques ou en voie de démocratisation, les résultats des élections, aussi bien générales que locales, sont rendus publics. C’est ainsi que l’opinion publique prend acte, généralement via les médias, des résultats détaillés et complets de ces élections.
Eh bien, chez nous, depuis les législatives du 27 septembre 2002, ils ne le sont pas. En tous les cas pas d’une manière détaillée, et regroupés dans le même document. On a droit seulement à des résultats globaux. Et pour cause, les textes de loi régissant les élections ne font nullement obligation à l’Intérieur, ordonnateur de ces élections, de publier les résultats complets et détaillés. Une faille juridique que l’on n’a pas cherché à combler. Même si l’Intérieur ne fait que se conformer à la loi, poursuivre dans cette voie ajoute une incertitude de plus dans le fragile processus de construction démocratique.
On est alors obligé de faire le tour des préfectures du pays pour collecter ces résultats ou alors attendre une hypothétique, et souvent inaccessible, mise à disposition sur internet. Autrefois, c’était «Le Matin du Sahara» qui s’en occupait et, depuis quelques années, le quotidien «Al Ahdath» s’en charge tant bien que mal. C’est là une mission de service public que le département de l’Intérieur se doit de remplir.
