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Le PDI deviendra-t-il un PJD bis ?

Le parti de la Choura ouvre ses portes aux mécontents du PJD… un projet parrainé par Abdelbari Zemzmi !
Pour le PDI, l’objectif est double : sortir de sa position marginale et concurrencer le PJD sur le terrain islamiste.

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Le Parti démocratique de l’Indépendance (PDI), présidé par Abdelouahed Maâche, ouvre grand ses portes aux démissionnaires du PJD et aux militants qui ne se reconnaissent en aucune des expressions organisationnelles actuelles du mouvement islamiste… Le tout parrainé par Abdelbari Zemzmi, ancien prédicateur de la mosquée Al Hamra à Casablanca, qui avait défrayé la chronique, en septembre 2001, par ses déclarations déniant le caractère de martyr au leader assassiné de l’UNFP, Mehdi Ben Barka.
Ceux ou celles qui ont suivi la naissance du PJD ont immédiatement pensé à la réédition du processus d’intégration des amis de Abdelilah Benkirane et de Mostafa Ramid au sein du MPDC de Abdelkrim Khatib. Est-ce le cas ? Et ce n’est pas la seule question : comment les choses se sont-elles passées entre le PDI et les transfuges du PJD? Que représentent ces derniers? Quel est le rôle exact de M. Zemzmi dans cette affaire ? Quelle est la pertinence du parallèle établi entre les deux expériences ? Ce projet a-t-il un avenir ?
La personne-clé dans ce rapprochement entre le PDI, qui existe depuis 1946, et les anciens du PJD et le déclencheur de ce processus n’est autre qu’un cadre du PJD à Casablanca, Khalid Mossadeq. Cet ancien de la Chabiba Islamiya et responsable du parti à El Fida-Derb Soltane s’est vu infliger deux camouflets de suite. Après avoir été plébiscité par ses camarades lors d’une assemblée générale élective, M. Mossadeq a été écarté de la tête de liste du PJD lors des législatives de septembre 2002 au profit de Mostafa Ramid.

Le projet est en préparation depuis six mois
C’était dur à admettre, mais l’esprit de discipline a prévalu. Le coup fatal lui a été néanmoins porté par la décision du secrétariat général du parti de ne présenter aucune liste dans cette préfecture pour les élections communales de septembre 2003. C’en était trop pour lui. Il claqua alors la porte du PJD.
Le moment de colère et d’abattement passé, que décida-t-il de faire ? Il jeta son dévolu sur le PDI pour poursuivre son action politique !
Pourquoi ce parti et pas un autre ? Khalid Mossadeq répond sans détours : «J’avais une solide relation d’amitié avec Abdessamad Merdass, militant islamique, khatib du vendredi, député sous l’étiquette du PDI à Casablanca et actuellement coordinateur de ce parti dans la même ville. Je me suis demandé pourquoi ne pas essayer de faire du PDI un parti à référentiel islamique. Je m’en suis ouvert à M. Merdass et je l’ai trouvé animé par les mêmes préoccupations».
Le parti était trouvé et l’intermédiaire également. «Nous avons soumis l’idée à nos frères et amis et le projet leur a semblé raisonnable. Quand nous avons contacté M. Maâche, il nous a d’abord ouvert son cœur, avant de nous ouvrir les portes de son parti. La seule condition qu’il posa, c’était de travailler dans le respect de la Constitution».
La machine s’est alors mise en branle, il y a six mois. Ainsi, sur les 150 membres que comptait le PJD à El Fida, plus de la moitié d’entre eux auraient décidé de suivre Khalid Mossadeq. Que représentent-ils actuellement ? À en croire ce dernier, le PDI en voie d’islamisation a, désormais, des militants dans toute la ville de Casablanca, mais les préfectures où il compte le plus de membres sont celles de Ben Msick, El Fida, Sidi Bernoussi et Anfa. L’objectif à court terme est de constituer des bureaux préfectoraux dans tout le Grand Casablanca.

Abdelbari Zemzmi :
«Le PJD s’est dévoyé»
Quelle est la cible à atteindre ? : «Nous sommes ouverts sur tous ceux qui partagent le référentiel islamique. Par ailleurs, nous ne sommes pas des mécontents comme on essaie de nous présenter, nous étions simplement opposés à une situation de fait où la démocratie interne a été foulée aux pieds», répond M. Mossadeq.
Quant au dirigeant du PDI, Abdelwahed Maâche, il tente de justifier son rapprochement avec ces éléments islamistes en allant puiser ses références dans une lecture très personnelle de la pensée du fondateur du parti, Mohamed Hassan El Ouazzani. Une lecture limitée à la période où ce dernier étudia, au cours des années 1950, le «système de gouvernement islamique». Ce faisant, M. Maâche gomme complètement toute la période qui s’étend de l’Indépendance à la disparition de Hassan El Ouazzani (en 1974), où les convictions libérales et démocratiques du fondateur du parti s’étaient réaffirmées avec force.
Jeter l’héritage idéologique du père fondateur aux orties et chercher à se mettre sous le parapluie islamiste du cheikh Zemzmi ne semble pas tourmenter M. Maâche. Pour lui, le parrainage d’Abdelbari Zemzmi, «homme de grande culture religieuse, que j’ai soutenu lorsqu’il a été traîtreusement lâché par le PJD après ses déclarations sur Ben Barka», est d’une grande importance.
Le chef du PDI rendit donc visite au domicile du prédicateur pour lui proposer de parrainer le projet de transformation du PDI en parti islamiste. Il raconte : «Il m’a dit qu’il n’avait jamais été et ne voudrait pas devenir un homme de parti, ni au PJD, ni au PDI. Mais a réaffirmé sa disponibilité à nous soutenir et à nous appuyer, mais sans appartenir au PDI».
Abdelouahed Maâche et les siens, les anciens du PJD ou d’Al Badil Hadari (groupe islamiste dirigé par Mostafa Mouatassim), des islamistes non organisés comme l’avocat Abdellah Omari, qui a purgé 12 ans de prison, et Abdelbari Zemzmi se sont tous retrouvés lors d’une conférence-débat sur le terrorisme (le 12 juin 2004), puis pendant deux journées d’études (les 3 et 4 juillet) pour mieux se connaître et se jauger.
Lors de ces journées d’études, M. Zemzmi a franchi le Rubicon en déclarant: «Le PJD est un parti qui s’est dévoyé» et ajouté que la création d’un nouveau parti islamiste serait bénéfique pour l’ensemble de la mouvance islamiste puisqu’il créera une émulation.
M. Maâche, pour sa part, était en admiration devant l’activisme des jeunes militants islamistes : «Lors de ces journées d’études, les jeunes gens désireux de rejoindre le PDI ont fait preuve d’un grand sens du dévouement, de l’organisation et de la discipline».
La naissance d’un nouveau parti islamiste a-t-elle un avenir ? Le politologue Mohamed Darif n’y va pas par quatre chemins : «Je pense que ce projet n’a pas d’avenir pour la simple raison qu’il est le fruit d’une réaction et non d’une stratégie réfléchie. Il ne constitue pas une force capable de remettre en cause les équilibres au sein de la mouvance islamiste marocaine».
M. Darif va plus loin encore. Il estime que par leur rapprochement avec le PDI précisément, les démissionnaires du PJD lancent un clin d’œil à leur parti d’origine. M. Darif rappelle un petit détail historique à l’appui de cette hypothèse. «Lors des élections législatives partielles de 1994 à Salé et à Tanger, les candidats de Islah wa Attajdid (ancêtre de Attawhid wal Islah), ne pouvant se présenter sous la bannière du MPDC, avaient choisi le PDI pour le faire. Je suis sûr que si le PJD tendait la main à ses anciens membres, ils reviendraient heureux et en courant au bercail».

Des considérations plus personnelles qu’idéologiques ?
Pour sa part, Abdelouahed Maâche, en ouvrant son parti à ces militants islamistes, aspire à faire sortir le PDI, devenu au fil des années une coquille vide, de la léthargie organisationnelle et de la marginalisation politique. Mais il ne suffit pas de vouloir, en politique, martèle Mohamed Darif. «Ni les conditions objectives, ni les conditions subjectives ne sont réunies pour que la reproduction du modèle PJD soit possible», précise-t-il.
Et de fait, aucun des ingrédients qui ont permis à l’alchimie de prendre entre le MPDC de Abdelkrim Khatib et Attawhid wal Islah, groupe islamiste de ralliement des amis de Abdelilah Benkirane et Mostafa Ramid, n’est présent.
Attawhid wal Islah avait rejoint le MPDC en tant que tel. Et rappelons-le, c’était une formation organisée, structurée dans l’ensemble du pays, forte de nombreux cadres aguerris, possédant des organisations parallèles (jeunesse, femmes, étudiants, lycéens, associations culturelles) et pratiquait depuis longtemps la politique de proximité. Ce qui n’est nullement le cas des démissionnaires du PJD, qui ont rejoint le PDI à titre individuel et qui ne sont implantés que modestement à Casablanca. De plus, le MPDC avait, depuis longtemps, des liens solides avec la mouvance islamiste. Il ne serait pas exagéré de dire que le parti issu de cette rencontre est né adulte.
Et puis, il y a le contexte politique global. Selon Mohamed Darif, «l’expérience d’intégration de Attawhid wal Islah au sein du MPDC était régie par des enjeux étatiques, le projet du PDI l’est par des considérations personnelles et individuelles, à savoir : volonté de sortie de la marginalité pour le PDI et recherche d’un cadre d’action pour militants islamistes du PJD en rupture de ban».
D’ailleurs, lorsqu’on discute avec Abdelouahed Maâche ou Khalid Mossadeq, on constate qu’ils ne sont nullement gênés par le parrainage de Abdelbari Zemzmi. Ils accepteraient fort bien qu’il soit considéré comme le guide spirituel d’un PDI islamisé.
Cela fait sortir de ses gonds le politologue Mohamed Darif. «Lorsque les considérations personnelles prédominent, les anachronismes sont au rendez-vous. Au moment où le PJD interdit à ses membres le cumul de l’appartenance au parti et la fonction d’imam ou de khatib, au PDI, on parle de M. Zemzmi comme guide spirituel du parti… On oublie que les guides spirituels existent dans les zaouias et pas dans les partis», déclare-t-il.
On ne peut reproduire l’histoire impunément. Le philosophe allemand Karl Marx, avait bien raison de dire que l’histoire se répète toujours : la première fois elle prend la forme d’un drame, la seconde, celle d’une farce

«Au moment où le PJD interdit à ses membres le cumul de l’appartenance au parti et la fonction d’imam ou de khatib, au PDI, on parle de M. Zemzmi comme guide spirituel du parti… On oublie que les guides spirituels existent dans les zaouias et pas dans les partis.»

Abdelbari Zemzmi, l’ancien prédicateur, Abdelouahed Maâche, l’hôte accueillant du PDI et l’avocat Abdellah El Omari, lors de journées d’étude organisées les 3 et 4 juillet.