Pouvoirs
Le Parlement peut désormais auditionner les responsables publics
Le DG de l’Onep et de l’OCP seront entendus pendant l’intersession.
Innovation majeure de la session: la mise en œuvre des articles 35 et 41 du nouveau règlement intérieur de la Chambre des représentants.
16 projets de lois adoptés, 473 questions orales et 1 098 questions écrites posées.

16 projets de lois adoptés par les deux Chambres du Parlement (voir encadré), 473 questions orales et 1 098 questions écrites posées et aucune proposition de loi votée ! Tel est, en quelques chiffres, le bilan de la session parlementaire d’avril 2004. Comment qualifier un tel bilan ?
Dans l’absolu, on peut dire qu’il est décevant. C’est effectivement peu pour un pays engagé dans une vaste réforme de son arsenal juridique dans tous les domaines. Mais les chiffres ne peuvent suffire pour dresser un bilan pertinent. Et puis, il y a un certain nombre de nouveautés trop souvent occultées ou passées sous silence.
Mais pourquoi si peu de projets de lois ont-ils été adoptés par le Parlement, peut-on légitimement s’interroger.
Il faut en réalité relativiser un tel jugement. Car si l’on examinait le nombre de projets de lois adoptés lors des sessions parlementaires d’avril de 1998 à 2004, on obtiendrait une moyenne de 15 projets par session. De ce point de vue, la session d’avril 2004 est légèrement au-dessus de la moyenne.
Si ce chiffre est resté stagnant durant les sept dernières années, c’est parce que les raisons étaient structurelles. Ici, les parlementaires renvoient la balle au gouvernement. Ils estiment que ce dernier laisse le Parlement pratiquement au chômage technique en début de session et le surcharge de projets vers la fin de la session, qui prend alors des allures marathonienne.
Driss Lachgar, président du groupe parlementaire de l’USFP à la Chambre des Représentants, accuse : «A maintes reprises, notre groupe a attiré l’attention du gouvernement sur le fait que le Parlement se trouve, pendant les premières semaines de chaque session, dans une situation d’inactivité».
Aucune proposition de loi n’a été adoptée
Ainsi, pour la session d’avril, close le mardi 13 juillet, le gouvernement a déposé 10 projets de lois d’un seul coup au début du mois de juin, alors que la session s’était ouverte le 9 avril. Pire encore, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle n’a été présenté à la Chambre des représentants que le 15 juin. Examiné au pas de charge, ce texte, très technique, a été finalement adopté moins d’un mois plus tard. On aurait pu prendre le temps de débattre et d’améliorer cette loi capitale pour la libéralisation d’un secteur aussi stratégique que celui de l’audiovisuel.
L’incompréhension, l’insatisfaction, voire l’indignation deviennent des sentiments partagés par les parlementaires, lorsqu’il s’agit du sort réservé à la cinquantaine de propositions de lois déposées par les députés et les conseillers. Aucune n’a reçu l’aval du gouvernement !
Nouzha Skalli, présidente du groupe parlementaire de l’Alliance socialiste, est en colère: «On ne comprend toujours pas pourquoi la proposition de loi relative à la révision du code de la nationalité, qui donne à la Marocaine mariée à un étranger le droit de transmettre automatiquement sa nationalité à ses enfants, n’a pas été adoptée alors qu’elle bénéficie de l’unanimité. Aucune explication n’a été donnée. Un manque de transparence flagrant». D’autres propositions de loi déposées par ce groupe, dont celle concernant la pénalisation du racisme, ont subi le même sort.
M. Lachgar est tout aussi indigné que Mme Skalli : «Je m’étonne de voir que la révision du Code de la nationalité, qui a pourtant recueilli l’unanimité de la Nation, n’est pas encore adoptée et que le gouvernement a demandé le report de son examen. D’autant plus que ce texte est en droite ligne des avancées réalisées par le Code de la famille».
Missions parlementaires exploratoires et auditions de responsables publics
Au-delà de la production législative, c’est l’autre volet de l’activité parlementaire, le contrôle du gouvernement en l’occurrence, qui a connu le plus d’innovations. Passons rapidement sur la litanie des protestations des parlementaires contre l’absentéisme des ministres lors des séances de questions orales. Le fait qu’ils soient obligés de passer deux jours au Parlement (le mardi à la Chambre des Conseillers et le mercredi à la Chambre des Représentants) les dissuade d’être assidus.
Quant aux questions écrites, les familiers de l’hémicycle affirment que le PJD en a développé une curieuse conception. Destinées en principe à défendre les intérêts de la collectivité, elles ont été utilisées comme technique de clientélisme politique. Ainsi, elles se sont transformées en interventions personnelles, cherchant à résoudre des problèmes particuliers (promotion en panne, exécution d’un jugement en souffrance, recherche d’emploi pour diplômé-chômeur).
D’ailleurs, le président du groupe parlementaire du PJD, Abdellah Baha, reconnaît que la plupart des 1 098 questions écrites posées durant la session d’avril a été le fait des parlementaires de son parti et sont censées «résoudre les problèmes des gens».
L’innovation majeure en matière de contrôle parlementaire du gouvernement réside dans la mise en œuvre du nouveau règlement intérieur de la Chambre des représentants, particulièrement ses articles 35 et 41. L’article 35 permet aux six commissions parlementaires permanentes de charger un groupe de leurs membres de «missions exploratoires» sur les conditions d’application d’une loi, sur un sujet d’intérêt général ou concernant une activité gouvernementale. Abdelhamid Aouad, président du groupe parlementaire du Parti de l’Istiqlal à la Chambre des représentants, estime que la mise en œuvre de cet article «contribuera à améliorer sensiblement le travail parlementaire, le dotant ainsi d’une meilleure connaissance de la réalité». Il rappelle que deux missions exploratoires ont été diligentées dans les prisons et auprès de deux tribunaux de famille pour évaluer l’application de la nouvelle Moudawana.
Quant à l’article 41, il permet aux commissions parlementaires permanentes d’auditionner, dans le cadre de leurs compétences, un responsable public ou un directeur général d’établissement public ou de société nationale, sur sa gestion. Ainsi, selon M. Lachgar «la Commission des finances et du développement économique auditionnera, pendant l’intersession, les directeurs généraux de l’OCP et de l’ONEP, sur leur gestion financière».
Enfin, le long processus d’adoption de la loi sur la levée de l’immunité parlementaire est arrivé à terme. La loi est définitivement votée par les deux Chambres et la Commission des treize prévue par la loi est déjà constituée et a déjà tenu une première réunion. Elle aurait déjà deux ou trois dossiers qu’elle devra traiter à la rentrée, à partir du 9 octobre 2004.
Ces avancées, modestes certes, démontrent qu’il ne faut pas désespérer du Parlement, malgré les maux dont il souffre, et ils sont nombreux
L’article 41 du règlement intérieur de la Chambre des Représentants permet aujourd’hui aux commissions parlementaires permanentes d’auditionner, dans le cadre de leurs compétences, un responsable public ou un directeur général d’établissement public ou de société nationale, sur sa gestion.
La dernière session du Parlement a permis – il était temps – l’adoption du texte sur la levée de l’immunité parlementaire.
