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Pouvoirs

Le Maroc de l’après-Coronavirus, ce que proposent les partis politiques

• Des partis ont attendu la dernière minute pour présenter leurs propositions pour l’après-Covid-19.
• Certains se sont contentés de reprendre leurs idées déjà développées dans leurs mémorandums adressés à la CSMD.
• L’initiative vient en réponse à un appel lancé aux partis par le chef du gouvernement.

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A mesure qu’approchait le 10 juin, date de l’annonce du très attendu déconfinement progressif, les partis politiques se sont lancés dans une course inédite. Il s’agit de présenter, tout en veillant à ne pas être devancés par les autres, leurs propositions de relance économique et, en général, de la gestion de l’après-Coronavirus. Le PJD est le dernier en date à rendre public le mémorandum que son secrétariat général a soumis au chef du gouvernement, qui n’est autre que le secrétaire général du parti. Une étrangeté en soi, puisque, en principe, le parti qui dirige le gouvernement se doit de prendre des initiatives au niveau de l’Exécutif et non de se contenter de faire des propositions. Avec le PJD, ce sont l’Istiqlal et le PPS, partis de l’opposition, qui ont adressé presque simultanément leurs mémorandums au chef du gouvernement. L’UC a fait également de même. Sans aller aussi loin dans le formalisme, l’USFP a formulé quelques propositions de relance économique et de sortie de la crise dans un long communiqué qui a sanctionné la réunion, les 27 et 28 mai, de son bureau politique. Il faut dire que cette brusque reprise d’activité des partis politiques intervient, non pas à leur initiative, mais à la suite de la réunion, le 28 mai par visioconférence, du chef du gouvernement avec leurs chefs. Laquelle réunion a fait suite à un débat public sur le «gouvernement des compétences» et le rôle des technocrates. L’initiative d’engager des consultations avec les forces nationales, avait néanmoins souligné le chef du gouvernement, a pour objectif «d’être à l’écoute et de débattre du plus grand nombre possible de points de vue et de propositions sur la manière de gérer l’assouplissement des mesures de confinement au cours de la prochaine étape». L’accent a été mis sur l’importance des discussions avec les partis politiques et les autres acteurs de la société, et le chef de l’Exécutif a assuré que «toutes les propositions sont les bienvenues dans le cadre de l’élaboration du plan de gestion de l’étape à venir».
Mais bien avant cette date, en avril déjà, le RNI avait, rappelons-le, ouvert le débat public sur l’après-Coronavirus. Il avait mis en place, à cet effet, une plateforme, «www.maba3d-corona.com», qui avait recueilli plus de 1 400 propositions et les contributions provenaient aussi bien des membres du parti que de simples citoyens (www.lavieeco.com). Peu auparavant, le président du parti, en publiant une tribune libre sur le sujet dans la presse, a été le premier chef de parti politique à avoir fait part aux Marocains de sa réflexion pour le Maroc de l’après-Coronavirus.

Démocratie participative

Comme lorsqu’il a été question de lancer un brainstorming national sur le nouveau modèle de développement, le parti a su prendre l’initiative et agir en précurseur, en associant les citoyens à ses actions. La démocratie participative est, d’ailleurs, un choix que le parti a consacré depuis octobre 2016. Toutes ses actions depuis, sont inscrites dans ce principe fondamental de la démocratie moderne. Plusieurs milliers de citoyens ont ainsi contribué à l’élaboration de «La voie de la confiance» qui fait office de la contribution du parti à cette réflexion.
Bref, dans l’opposition, le PPS qui vient justement de la rejoindre après plus de deux décennies au gouvernement, a présenté ses propositions pour un plan de relance. Il s’agit de la lutte contre la précarité et la pauvreté, la promotion de la justice sociale et la consolidation de l’édifice institutionnel. C’est là, en grande partie, une reprise des thématiques déjà abordées dans le document du parti relatif au nouveau modèle de développement. Ainsi, selon le PPS, l’État est appelé à «s’acquitter de nouveaux rôles tant sur le plan de l’orientation et de la régulation que sur celui de l’intervention directe pour la production de services sociaux de base accessibles et de qualité et des activités productives ayant un caractère vital et stratégique». D’une manière sommaire, les propositions présentées par le PPS s’articulent autour de trois axes principaux : la mise en œuvre d’un plan économique de relance, l’éradication de la précarité et de la pauvreté, la concrétisation de la justice sociale et la promotion de la culture et l’approfondissement de la vie démocratique et de l’édification institutionnelle.

Relance responsable

Pour sa part, le parti de l’Istiqlal propose six chantiers en vue d’«une relance responsable». Dans un mémorandum adressé au chef du gouvernement, le parti propose ainsi un plan de relance responsable à dimension sociétale, qui s’articule autour de six axes stratégiques. Les axes de ce plan se déclinent en six chantiers, portant sur la consolidation de la souveraineté nationale, le renforcement de la cohésion sociétale, le remaniement du système éducatif actuel, la réforme du secteur de la santé, la création d’emplois et la transition écologique.
Le premier chantier concerne la consolidation de la souveraineté nationale. Et ce à travers notamment le renforcement de la sécurité alimentaire, de la sécurité sanitaire, de la sécurité énergétique, du développement du «Made in Morocco» pour les produits stratégiques, ainsi que la préservation de la souveraineté économique, d’après la même source.
Le deuxième chantier aborde le renforcement de la cohésion sociétale à travers la réduction des inégalités sociales, territoriales et inter-générationnelles, toujours selon la même source, précisant qu’il est également question d’instaurer un Revenu universel unifié, comme filet de sécurité basé sur le ciblage des populations démunies, pour leur fournir une aide directe conditionnelle. La réforme du système éducatif constitue le troisième chantier préconisé par le parti, qui met en exergue la nécessité de lutter contre l’analphabétisme numérique et de mettre à niveau les enseignants, les élèves et les écoles, notamment au niveau du monde rural.
Les autres axes portent sur la santé, dont l’importance a été réaffirmée au cours de la crise sanitaire liée au Coronavirus ; l’entreprise pour laquelle le parti propose un «plan Marshall», avec pour objectif prioritaire la création d’emplois, préconisant, entre autres, la création d’une banque publique nationale d’investissement pour aider au financement et à la restructuration des toutes petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et enfin la transition écologique, nécessaire pour assurer la durabilité de l’économie, conformément au plan de développement des énergies renouvelables.
Dans l’autre bord, l’USFP, sans avoir élaboré un document à proprement parler, a néanmoins évoqué la question dans un communiqué fleuve de son bureau politique. Ainsi, sur le plan économique, il estime que la Loi de finances rectificative pourrait constituer une occasion pour notamment mettre en place un plan de relance économique qui servira le développement social, la stabilité et la paix sociale.

Des réformes structurelles

Aussi, la Loi de finances rectificative de 2021 devrait-elle constituer, par la suite, «un véritable point de départ pour des réformes structurelles des finances publiques et du système fiscal, sachant qu’un certain nombre de résultats du débat national sur la fiscalité se trouve dépassé à la lumière de la crise actuelle». Le parti a par ailleurs appelé à la moralisation de la vie publique et à la lutte contre «les pratiques négatives qui contreviennent aux principes de bonne gouvernance, de bonne gestion et de rationalisation des dépenses publiques». Le parti estime, par ailleurs, que le dialogue social devrait être fondamental dans tout débat public futur sur les mesures à prendre. Il a de même appelé à l’instauration d’un impôt sur la fortune qui «constituera -financièrement parlant- une réserve supplémentaire qui s’ajoutera aux ressources de l’Etat (compte tenu de la diminution des recettes à cause de la pandémie) -et moralement parlant- une expression d’un engagement conscient et efficace pour garantir les conditions d’émergence de l’Etat protecteur, considéré comme la pierre angulaire de tout modèle de développement». Sur le plan social, le parti considère que l’effort de l’Etat «sera sa force et sa raison d’être». Il s’agit d’un Etat qui garantit une répartition équitable des richesses et des services publics. L’USFP souligne, enfin, la nécessité de «réduire les dépenses de gestion et de renoncer aux aspects du luxe pour pouvoir garantir des ressources et de les investir dans les services publics», afin de répondre aux demandes, de plus en plus évidentes, des catégories les plus vulnérables ou en voie de le devenir. Toujours dans la majorité, l’UC considère, dans un mémorandum adressé également au chef du gouvernement, que le tourisme figure parmi les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, plaidant pour des «mesures efficaces» et des «gestes forts» au profit des professionnels du secteur. Le parti appelle à anticiper l’annonce des mesures en vue de permettre aux professionnels de reprendre leurs activités.
Le PJD, chef de file de la majorité, joue également le jeu. Un document paraphé par le bras droit de Saad-Eddine El Othmani, au nom du secrétariat général, vient d’être remis à ce dernier en guise de la contribution du parti à ce débat qu’il a ouvert officiellement sur le Maroc de l’après-Coronavirus. Dans ce mémorandum adressé au chef du gouvernement, le parti a proposé un plan de relance de l’économie nationale, prenant en considération trois volets, à savoir les chantiers prioritaires, le soutien de l’offre et de la demande et l’appui aux entreprises et aux opportunités d’emplois. Cette note présente les propositions du parti concernant «la gestion de l’allègement du confinement sanitaire, l’élaboration d’un plan pour la relance de l’économie nationale et la préparation du projet de Loi de finances rectificative».
Comme il fallait s’y attendre, après s’être longuement attardé sur le processus de déconfinement, une démarche somme toute technique qui est d’ailleurs déjà en marche, le parti a versé, globalement, dans les généralités sans avancer vraiment de mesures concrètes. Nous parlons ici d’un parti qui dirige le gouvernement et dont le patron a accès, il faut le préciser, en sa qualité de chef du gouvernement, à toutes les données relatives à l’économie nationale et à la gestion des affaires publiques.