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Le Maroc a gagné une bataille à l’ONU, et maintenant ?

Nouveau secrétaire général, nouvel envoyé personnel, nouveau contexte international et nouvelle approche des négociations. Alors qu’on s’attendait à une proposition de leur part, les Etats-Unis font confiance au plan d’autonomie comme base de négociations. Il n’y aura pas de retour au point de départ, les pourparlers seront repris là où ils ont été laissés en 2012.

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ONU Maroc

Les évènements se suivent et confortent tous la position du Maroc. D’abord le Conseil de sécurité vote une résolution, plutôt favorable au Royaume, à l’unanimité. Ensuite, le Président américain vient de promulguer une Loi de finances dans le même sens et, enfin, un autre Etat africain, le Malawi, retire sa reconnaissance de la pseudo-Rasd. Tout cela en moins de deux semaines. Une nouvelle dynamique est donc initiée. Il s’agit, en fait, d’une dynamique à deux niveaux. L’une au niveau de la diplomatie marocaine et l’autre, plus récente, au sein des Nations Unies. Ainsi, la diplomatie marocaine a connu un changement radical dans son approche. Au lieu de se contenter de la réaction (ou de jouer les pompiers sur différents fronts, bien souvent, à la fois), le Maroc a opté dernièrement pour une diplomatie proactive, avec comme principale caractéristique une offensive aussi bien en Afrique qu’en Amérique Latine, les deux zones qui ont causé bien du tort aux intérêts du Maroc et à la question nationale depuis plus de deux décennies. Cette dynamique a commencé à donner ses fruits. Le Maroc enchaîne ainsi les victoires diplomatiques en réintégrant d’abord l’Union Africaine avec, en parallèle, un travail diplomatique de fond qui a visé certains pays naguère réceptifs aux thèses des séparatistes et de leurs mentors. Ce qui s’est soldé par une série de retraits de reconnaissance ou de gel des relations avec le Polisario. Le dernier pays à avoir, en ce sens, retiré sa reconnaissance de la pseudo-Rasd est le Malawi, portant, de ce fait, le nombre des Etats ne reconnaissant plus de Polisario à 35 au niveau de l’Afrique, soit les deux tiers des pays membres de l’UA. En même temps, la décision, il y a quelques semaines, du Maroc et de Cuba, de reprendre leurs relations diplomatiques avec l’ouverture, incessamment, d’une ambassade du Maroc à la Havane constitue un coup dur pour l’autre partie.

Le Maroc impose le tempo

Au niveau de l’ONU, le rapport remis par le secrétaire général au Conseil de sécurité marque la fin d’une période d’atermoiement, de tergiversations et de manœuvres dilatoires qui dure depuis 2012. L’ONU marque, avec le nouveau Secrétaire général, le début d’une nouvelle ère sous le signe du pragmatisme et surtout de la volonté d’en finir, une fois pour toute, avec ce conflit qui n’a que trop duré. Il est évident que cette nouvelle posture de l’organisation rejoint la nouvelle dynamique diplomatique marocaine.

«On peut dire que les actions du Maroc et surtout les initiatives royales concernant la question ont montré le sérieux du Royaume et sa sincère volonté pour mettre fin à ce conflit. Et cette nouvelle approche de la diplomatie marocaine s’est imposée d’elle-même aux Nations Unies et a imposé une nouvelle logique dans le traitement de ce dossier plutôt favorable au Maroc», explique Tarik Tlaty, président du Centre des études et de recherches stratégiques. Le fait est qu’aujourd’hui les Nations Unies envisagent d’aborder cette question sous une nouvelle approche. Cela va-t-il demander du temps comme par le passé? Tout porte à croire que non. D’abord le Conseil de sécurité, tout en rappelant l’historique du conflit depuis les accords de Houston (en 1997) et le processus de négociation de Manhasset, avec ses quatre rounds, précise : «Prenant note des quatre séries de négociations tenues sous les auspices du Secrétaire général et estimant qu’il importe que les parties s’engagent à poursuivre les négociations, …, (le Conseil) souligne l’importance de l’engagement pris par les parties de continuer à préparer une cinquième série de négociations, (…) et encourage les pays voisins à concourir de manière appréciable à ce processus». De même, le Conseil de sécurité «demande aux parties de reprendre les négociations (…), en tenant compte de l’action menée depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable (…)». C’est donc un processus constructif et non pas un retour au point de départ. Par ailleurs, affirme Tarik Tlaty, «toutes les données, au demeurant claires et précises, liées à l’affaire sont disponibles dans les rapports des Nations Unies et ses différents organes». Aussi, le nouvel envoyé personnel ne tardera-t-il pas à réunir les parties autour de la table des négociations après une courte visite dans la zone. Visite qui sera certainement consacrée aux préparatifs, dans leur volet technique et logistique, des négociations. De toutes les manières, comme l’a affirmé à plusieurs occasions l’ambassadeur du Maroc auprès des Nations Unies, «la solution du conflit est entre les mains de l’Algérie et non à Tindouf».

Tout est dans les détails

Sans l’Algérie autour de la table des négociations, avec également la Mauritanie, et avec une Algérie qui agit derrière les coulisses, il n’y aura pas de solution. Omar Hilal, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, affirme, par ailleurs, que le Maroc n’est pas prêt d’aller au delà du plan d’autonomie, «c’est le maximum qu’il peut offrir. Maintenant, c’est un texte de deux pages et demi, on peut en faire 200 pages et même 1 000 pages en y intégrant tous les détails et les points sur lesquels on se sera mis d’accord. Mais il n’est pas question de mettre en cause la marocanité du Sahara, territoire qu’il a libéré depuis plus de quatre décennies». Cela dit, l’Algérie est-elle disposée à faire partie des négociations? Difficile de trancher. On sait par contre qu’en novembre 2016, lors d’une visite en Arabie Saoudite, le Premier ministre algérien a exprimé la volonté de son pays d’ouvrir des négociations avec le Maroc à tous les niveaux, faisant comprendre que même la question du Sahara serait concernée. Cela voudrait-il dire que l’Algérie est plus à même aujourd’hui à répondre favorablement à l’appel des Nations Unies et s’asseoir à la même table des négociations avec le Maroc et aux côtés du Polisario ? «Ce n’est pas si évident que cela», prévient Tarik Tlaty. En effet, ajoute-t-il, le voisin de l’Est nous a habitués, par le passé, à la volatilité de ses propos et à la légèreté de ses promesses. Il est fort à parier que le responsable algérien a tenu de tels propos par intérêt. Sachant les rapports stratégiques qu’entretiennent l’Arabie Saoudite et la plupart des pays du Golfe avec le Maroc et surtout le souhait de Riyad de voir ce conflit résolu, il ne pouvait faire autrement. Cela d’autant que l’Algérie a besoin des aides et des investissements saoudiens pour sauver son économie moribonde. Cela dit, l’Algérie sera sûrement obligée de coopérer avec l’ONU. En effet, l’Algérie a compris lors de l’examen du projet de la dernière résolution du Conseil de sécurité que pour éviter une condamnation à ses protégés du Polisario, il n’aura d’autres recours que d’obtempérer aux recommandations de l’ONU. Cela dit, le Conseil de sécurité a également appelé les parties à faire montre de nouvelles mesures de confiance pour un meilleur déroulement de ces négociations. Le Conseil de sécurité «encourage» ainsi les parties à «reprendre une coopération avec le HCR aux fins de la mise en œuvre du Plan d’action actualisé sur les mesures de confiance adopté en janvier 2012». Il «encourage», de même, les parties à «envisager de nouvelles mesures de confiance appropriées». En ce sens, explique ce spécialiste de la question, «la plus grande mesure de confiance que peut apporter le Maroc, c’est justement le plan d’autonomie qu’il a mis sur la table depuis 2007.

Changements géopolitiques

Le fait que des Etats influents comme la France et les Etats-Unis, qui font par ailleurs partie du groupe des amis du Sahara, croient en cette offre qu’ils jugent sérieuse et crédible est également un élément à prendre en compte comme signe de bonne foi du Maroc». La position de la Russie est également à prendre en considération. Certes, ce pays a joué un rôle décisif pour éviter une condamnation au Polisario, mais il ne faut pas oublier, note ce spécialiste du dossier, que pour la première fois, elle a évité une altercation avec la France. Bien plus, la Russie a laissé de côté sa neutralité négative votant avec les autres membres la résolution, qui a été adoptée à l’unanimité. Laquelle résolution incite l’Algérie à participer activement aux négociations et surtout à faire preuve de coopération et de bonne foi pour le recensement et l’enregistrement des habitants des camps de Tindouf. De même, la mise en place de la régionalisation avancée dans les provinces du Sud, l’effort d’investissement engagé dans la région pour son développement économique et social jouent en faveur du Maroc. Le Conseil de sécurité relève, lui-même, le sérieux et la volonté du Maroc pour arriver à une solution au conflit. Le Conseil de sécurité a ainsi pris note de la proposition marocaine présentée au Secrétaire général le 11 avril 2007 et «se félicite» des «efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement».

Cette nouvelle résolution intervient à un moment où le monde connaît l’effondrement d’un ordre mondial révolu. Différentes régions du monde connaissent des changements qui tranchent avec les idéologies d’un certain âge. Ce changement a touché particulièrement les pays d’Afrique et d’Amérique Latine, deux zones parmi lesquelles le Polisario compte des appuis les plus solides. Ce changement pourrait s’accentuer davantage à l’occasion des élections qui devraient notamment se tenir au courant de cette année ou, au plus tard, dans moins de deux ans, en Afrique du Sud, au Venezuela, pays qui vit une sévère crise politique, économique, sociale et institutionnelle, l’Angola, le Kenya mais également un changement à la tête du régime au Cuba. L’Algérie qui fait face à une crise économique sévère consécutive à une chute drastique de ses revenus pétroliers est entièrement prise dans les préparatifs de la succession de Bouteflika dont le mandat arrive à terme en principe en 2019 (il peut toujours briguer un cinquième mandat). En plus des soucis internes, l’Algérie fait également face à une grande instabilité au niveau des frontières est, Tunisie et Libye, et Sud avec ce qui se passe au nord du Mali et dans toute la région du Sahel.

«Ces différents facteurs imposent une nouvelle réalité au pouvoir algérien», affirme notre source. Le Polisario commence déjà à pâtir de cette situation qui se reflète clairement dans l’indécision, les actions contradictoires et la perte de visibilité chez la direction du Front.

Acteurs nouveaux

L’affaire d’El Guerguerat en est un exemple frappant. Bien sûr, il faut compter parmi les facteurs annonçant une (relativement) rapide et définitive résolution du conflit. D’abord un nouveau Secrétaire général qui n’est pas seulement le mieux au fait de ce dossier, de par son passé de premier ministre portugais, président de l’Internationale socialiste et Haut commissaire aux réfugiés, mais également parce qu’il fait montre de pragmatisme et d’esprit de négociations. Cela s’est d’ailleurs reflété dans son rapport soumis au Conseil de sécurité.

Il sera secondé par un envoyé personnel qui ne manquera pas de faire montre des mêmes qualités de pragmatisme et d’esprit de négociations. L’ancien Président allemand, Horst Köhler, également ancien directeur du FMI, qui s’apprête à prendre fonction, est l’un des deux Européens, avec le diplomate hollandais Peter Van Walsum, à occuper le poste. Il succédera à l’ancien ambassadeur américain à Alger, Christopher Ross, qui avec son parti-pris patent pour l’Algérie a plongé le dossier dans l’immobilisme depuis 2012. Par ailleurs, en réintégrant l’Union Africaine et après le très controversé passage de l’ancienne présidente de la commission, le Maroc a obtenu la neutralité positive de cette organisation.

Cette nouvelle position est d’ailleurs reflétée dans la réaction du nouveau président de la commission à la dernière résolution du Conseil de sécurité. Moussa Faki Mahamat a ainsi salué «l’esprit constructif» et la «détermination» ayant présidé les délibérations du Conseil de sécurité de l’ONU pour faire avancer le processus de paix dans la région, appuyant, à cet égard, la «détermination» du Secrétaire général de l’ONU à relancer le processus de négociations en vue de «parvenir à une solution à ce conflit».

C’est un véritable tournant. Les changements au niveau de l’ONU dans la position des grandes puissances, surtout les Etats-Unis et la Russie, les changements géopolitiques dans les régions traditionnellement acquises aux thèses des séparatistes, la situation interne chez les voisins de l’Est, tout cela joue en faveur du Maroc. De même la détermination de tous ceux qui comptent dans le monde à mettre fin, rapidement, à ce conflit au vu des risques sécuritaires qu’il suppose pour toute la région font que ce conflit ferait bientôt partie du passé. Et ce, dans l’intérêt du Maroc, de la population sahraouie dont une partie vit dans des conditions déplorables dans les camps en terre algérienne, mais également pour l’intérêt de toute la région.

[tabs][tab title = »Vers un changement radical de la politique américaine« ]L’avènement de la nouvelle administration républicaine à la Maison Blanche risque de changer beaucoup de choses. D’abord, notent les analystes, l’élection de Donad Trump signe la fin de l’Islam politique et, ensuite, la fin de tous les mouvements séparatistes susceptibles de dégénérer des conflits régionaux. Les Républicains, observe-t-on, ont une vision claire et précise du monde, contrairement aux Démocrates qui ont laissé derrière eux le chaos un peu partout, particulièrement dans le monde arabe. C’est un fait. Pour ce qui est de la question du Sahara, il faut noter deux choses. La première étant que les Etats-Unis sont, aujourd’hui plus que jamais, déterminés à en finir définitivement avec ce conflit. La deuxième étant qu’alors que tout le monde s’attendait à une nouvelle approche américaine ou une nouvelle proposition, c’est justement pour le plan d’autonomie présenté par le Maroc que la nouvelle direction a opté. On peut dire que la nouvelle approche de la Maison blanche se reflète à travers l’ordre d’exécution de la Loi de finances signé il y a quelques jours par le Président Trump. Cette loi, promulguée vendredi dernier par le Président, prévoit que les fonds destinés au Maroc sont également utilisables au Sahara marocain. En effet, la loi dispose que les fonds alloués au Maroc doivent être rendus disponibles à l’assistance au Sahara marocain. De même, le rapport accompagnant cette loi et explicitant ses dispositions, réaffirme, sans ambiguïté, le soutien du Congrès américain à l’initiative marocaine d’autonomie. Il souligne ainsi que le Secrétaire d’Etat «devrait poursuivre un règlement négocié de ce différend, conformément à la politique des Etats-Unis de soutenir une solution basée sur une formule d’autonomie sous la souveraineté marocaine. En outre, dans ce texte, l’Administration américaine est encouragée à «soutenir les investissements du secteur privé au Sahara occidental». Par ailleurs, la loi adoptée par le Congrès et promulguée par le Président américain, demande au Secrétaire d’Etat de présenter un rapport, sous 45 jours, «décrivant les dispositions prises pour renforcer le contrôle de la livraison de l’assistance humanitaire aux réfugiés en Afrique du Nord», dans une référence à peine voilée à la population des camps de Tindouf.[/tab][/tabs]