Pouvoirs
Le gouvernement Benkirane II promet une révolution en 30 mois !
Le logement, la santé et l’enseignement, entre autres, retiennent l’attention du gouvernement pour le restant de son mandat. On parle d’extension du RAMED et surtout de le rendre plus opérationnel, du redressement de la stratégie de l’enseignement et de l’intensification du programme de logements à destination des couches populaires et des classes moyennes …

Dans un peu plus d’un mois, le chef du gouvernement s’adressera aux élus de la nation pour, à la fois, défendre le bilan de la mi-mandat et exposer le programme de ce qui reste de sa mandature. Pour ce qui est du bilan, si le PJD le trouve «positif» et même «encourageant», ses partenaires le qualifient tout juste de «satisfaisant». Ce sont d’ailleurs des ministres des quatre formations qui se chargent, en commission restreinte, d’en faire l’inventaire. Quant au programme des 30 mois qui restent de la vie de ce gouvernement, sa confection a demandé près de cinq mois de travail et une dizaine de réunions à la commission de la majorité dite «des priorités gouvernementales» qui a planché sur son élaboration.
«Il faut le dire d’entrée de jeu, qu’il ne s’agit pas d’un nouveau programme mais d’un exercice qui s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait depuis le début du mandat du gouvernement Benkirane», insiste un membre de cette commission. Cela, bien sûr, sans nier l’apport important du nouveau membre de la majorité, le RNI. Cela se reflète d’ailleurs dans la démarche de la commission, dont le travail n’a pas été exempt de difficultés souvent imputées aux membres PJD. Et ce, malgré une méthodologie concertée depuis le début.
En effet, il a été décidé que le PPS se charge exclusivement des questions à caractère social tandis que le RNI et ses experts, eux, ont planché sur le volet économique. «Le MP a apporté quelques contributions sur un certain nombre de points, notamment pour tout ce qui est lié au monde rural et à la mise en œuvre de l’officialisation de la langue amazighe», confie notre source. Quant à la contribution du PJD, représenté dans cette commission par le directeur du cabinet du chef du gouvernement, Jamaâ El Mouâtassim, et le ministre délégué chargé du budget, Driss El Azami, elle s’est limitée à la coordination des travaux de la commission, à la rédaction et à la mise en forme de son rapport. Document dont la mouture finale devait, d’ailleurs, être validée lors d’une dernière réunion de la commission programmée pour jeudi dernier.
Le rapport devrait être soumis, après, à l’institution de la majorité, composée des chefs des quatre partis de la coalition, pour adoption avant qu’il ne soit remis au chef du gouvernement pour servir de plate-forme pour son discours de mi-mandat devant le Parlement au début de la prochaine session du printemps qui s’ouvre le 11 avril prochain. Il faut dire que cette sortie, à même de sauver la face du gouvernement, est aussi une occasion de rattraper un retard accumulé à plusieurs niveaux.
70 mesures pour stimuler l’économie, soutenir l’entreprise et promouvoir l’investissement
«Le gouvernement BenkiraneI a été confronté à un certain nombre de problèmes. Des aléas politiques avec le comportement de l’Istiqlal et une conjoncture économique difficile des suites de la crise économique et financière mondiale qui s’est répercutée sur notre économie avec une dureté que l’on n’envisageait pas au départ et qui a eu un impact sérieux sur les équilibres budgétaires de l’État. L’idée de ce travail accompli par la commission de révision des priorités de la majorité est que, avec le gouvernement Benkirane II, l’on passe à une vitesse supérieure avec une gestion sérieuse des équilibres budgétaires et financiers de l’Etat et un coup d’accélérateur au volet social», explique cette source de la commission.
Ainsi, il a été décidé que la nouvelle action du gouvernement soit axée sur plusieurs volets : dynamiser l’activité économique, stimuler l’investissement et soutenir l’entreprise. Cela via un arsenal de près de 70 mesures, dont un pan porte sur la simplification des procédures administratives, qui ont été proposées et défendues par le RNI et qui seront mises en œuvre d’ici 2016. L’économie informelle est particulièrement visée.
Il est également question d’accélérer le volet lié aux lois organiques relatives à la mise en œuvre de la Constitution. Aujourd’hui, près de la moitié des textes en question sont soit adoptés ou déjà dans le circuit législatif. Bien sûr, même si tous les textes sont d’importance égale, certains relèvent plutôt de l’urgence. C’est, entre autres, le cas de la loi organique relative à la régionalisation qui doit être adoptée avant les prochaines élections de la mi-2015. Comme c’est le cas de la loi relative à la mise en œuvre de l’article 5 de la Constitution et de l’officialisation de la langue amazighe. Des textes comme celui qui porte sur le droit de grève ou l’organisation des syndicats revêtent également un caractère urgent.
Côté social, le PPS tient à y laisser ses marques. «Nous avons défendu ce volet. Nous sommes partis du principe que l’on ne peut pas se focaliser sur les équilibres budgétaires et financiers qui ont, certes, leur importance, et négliger le volet social», affirme un membre du bureau politique du PPS. Ainsi, une nouvelle stratégie pour l’emploi sera bientôt lancée. Il est question de ramener le taux de chômage à 7%, d’ici 2016. L’on a même avancé, officieusement, un chiffre pour y arriver : 250000 postes de travail à créer chaque année d’ici à cette date. Selon cette nouvelle stratégie, c’est la composante emploi qui va conditionner les incitations publiques pour les nouveaux programmes d’investissement.
Réformer sans toucher 
aux acquis sociaux
Autre mesure : étendre la couverture sociale et sanitaire. En gros, il est question de porter à près de 55%, voire 60%, le taux de couverture sociale, actuellement de l’ordre de 35%, parmi la population active d’ici la fin du mandat du gouvernement. Pour ce faire, le gouvernement espère intégrer des secteurs actifs comme les artisans, les professions libérales, les étudiants, les professionnels du secteur des transports et les gens de la mer. Cela en plus de renforcer le contrôle de la CNSS. «Cette mesure est à la portée de main et ne nécessite pas d’engagements financiers», note ce membre de la commission. Les projets de loi portant ces mesures sont, ainsi, déjà finalisés.
Le logement, la santé et l’enseignement retiennent également l’attention du gouvernement pour le restant de son mandat. On parle d’extension du Ramed et surtout de le rendre plus opérationnel, du redressement de la stratégie de l’enseignement et de l’intensification du programme de logements à destination des couches populaires et des classes moyennes ainsi que le lancement d’un habitat à usage locatif social. Il est question de quelque 170 000 unités à produire en ce sens d’ici 2016.
Naturellement, le monde rural et les zones montagneuses seront concernés par le programme social gouvernemental.
Pour ce qui est de la Caisse de compensation, «l’idée de la décompensation totale est définitivement écartée», assure une source au PPS. Il s’agit, explique-t-on, de fixer un seuil minimum de soutien estimé à 3% du PIB. De toutes les manières, «la réduction du montant alloué à la compensation doit être une opportunité pour améliorer la qualité des services sociaux», explique-t-on auprès des socialistes du gouvernement. De même, l’engagement a été pris pour que le souci financier ne soit pas le seul à guider la réforme du système de la retraite. «C’est une approche globale que le parti a toujours défendue et qui a été retenue par nos alliés de la majorité», se réjouit-on au sein du PPS.
Sur le plan fiscal, promet notre source, «toutes les recommandations des dernières Assises de la fiscalité (avril 2013) prendront corps dans les trois années à venir», assure notre source. Cela dit, tout cela ne peut se faire que dans un minimum de paix et de stabilité sociale.
La paix sociale comme préalable
C’est sans doute pour cela que le chef du gouvernement évite à tout prix une éventuelle escalade avec les centrales syndicales. Le chef du gouvernement ne souhaite surtout pas se mettre à dos les syndicats. Les trois centrales qui l’ont saisi, il y a un peu plus de deux semaines, viennent, en effet, de recevoir le 20 février, in extremis, une réponse de la Primature. Non, il ne s’agit pas d’une invitation à la reprise du dialogue social dans l’immédiat, mais d’un simple «accusé de réception» de leur mémorandum. En gros, Benkirane affirme avoir pris acte de leur geste et leur promet d’étudier leurs revendications. Sans plus.
De toutes les manières, explique cette source de la commission des priorités gouvernementales, «la main du gouvernement est tendue aux syndicats et à l’opposition». Cela dit, si l’on examine le mémorandum des trois syndicats remis dernièrement au chef du gouvernement, affirme-t-on auprès de la direction du PPS, «on relève que mis à part l’augmentation des salaires, à laquelle les syndicats ne croient pas, pratiquement tous les points soulevés ont été déjà traités ou en voie de l’être». Certains points restent néanmoins à résoudre, notamment l’abrogation de l’article 288 du code pénal. Quant à la ratification de la convention 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux libertés syndicales, «c’est une question délicate comme tout le monde le sait, y compris les syndicalistes eux-mêmes», précise cette source du PPS. Et d’ajouter qu’une commission de juristes planche sur le sujet afin de lui trouver une solution.
Cinq mois de travail de 
la commission des priorités
Pour revenir aux priorités du gouvernement, il est évident que la refonte du programme du gouvernement n’a pas été chose facile. La commission des priorités gouvernementales a dû ajourner ses travaux à maintes reprises pour ne reprendre du service qu’une fois les quatre partenaires arrivés à un consensus sur les points de discorde. Il a même été fait état de blocage, de temps à autre.
Cependant, «contrairement à ce qui a été dit, il n’y a pas eu de blocage. Il est vrai que nous avons fait face à un certain nombre de divergences. Mais, à chaque fois que nous butons sur un problème, nous faisons en sorte d’aboutir à une forme dans laquelle tout le monde se retrouve. Globalement, c’était un travail d’écoute et de bon esprit», précise cette source de la commission.
En somme, «de grandes décisions seront prises bientôt. L’objectif est, avant tout, d’accélérer le rythme d’action du gouvernement et, surtout, ne pas donner l’impression que l’on s’occupe seulement du volet financier et des équilibres budgétaires de l’Etat. Ainsi, dans toutes les réformes prévues, l’on va suivre une démarche selon laquelle, pour chaque action, les objectifs sociaux seront mis en avant. C’est pour dire qu’il n’y a pas de contradiction entre efficacité financière et budgétaire et répondre aux impératifs sociaux», soutient notre source. Bien plus, «on peut déjà garantir qu’il n’y aura pas de plan d’austérité».
Voilà en gros le résultat de près de cinq mois de travail de la commission des priorités du gouvernement. Laquelle commission où siègent les ministres Anis Birou du RNI, Abdeslam Seddiki du PPS, Lahcen Haddad du MP et Driss El Azami du PJD aux côtés d’Abdelahad Fassi Fihri (PPS), Rachid Talbi Alami (RNI) et Jamaâ El Mouatassim (PJD), ne devrait pas être dissoute une fois sa mission accomplie. «Il y aura certainement une vie après cet aggiornamento du programme gouvernemental», assure-t-on.
En effet, la révision du pacte de la majorité, lui aussi, prévoit que cette commission poursuive son travail et assure le suivi de la mise en œuvre des grandes décisions et des mesures phare du gouvernement. «Elle devrait alerter l’institution de la majorité quand il y a un retard de la mise en œuvre et veiller à renforcer la concertation au sein de la coalition gouvernementale. Bien sûr, elle va travailler indépendamment de l’action du gouvernement et va assurer un suivi tout en gardant une certaine distance avec l’Exécutif».
Une chose est certaine, le chef du gouvernement semble avoir bien retenu la leçon de l’épisode Istiqlal et son trublion patron, Hamid Chabat.
