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Pouvoirs

Le énième come-back de la Koutla !

Elle continuera d’exister, du moins jusqu’aux législatives de 2007.
L’Istiqlal peut donner la majorité au
camp qu’il choisira.
L’alliance avec le PSU n’est pas écartée.

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Morte et enterrée, la Koutla ? Tout le monde n’est pas de cet avis. Ce serait même le contraire puisque l’on pense même à encourager la GSU et les courants qui la composent à s’en rapprocher sous leur nouvelle forme : le PSU, dont l’assemblée générale constitutive est prévue pour le 23 septembre. A force de scruter l’horizon 2007, la gauche marocaine serait-elle devenue myope ?
C’est à Rabat, le lundi 12 septembre, lors d’un briefing informel de la presse sur les principaux axes de la rentrée politique, que le Parti du progrès et du Socialisme (PPS) choisit d’annoncer la nouvelle par la voix de son secrétaire général, Ismail Alaoui : contrairement aux rumeurs qui ont parcouru la presse marocaine, la Koutla serait toujours d’actualité, y compris et surtout dans la perspective des législatives. Certes, la lettre envoyée la semaine dernière aux mastodontes de l’alliance pour les amener à reprendre les négociations n’a pas encore eu de réponse officielle. «Nous avons déjà une réponse orale de nos amis de l’Istiqlal qui ont dit qu’ils étaient prêts pour des rencontres bilatérales et trilatérales. Concernant nos amis de l’USFP, nous n’avons pas encore eu d’échos», explique M. Alaoui.
Cure de jouvence ou agonie interminable ?
Pourtant, cela faisait bien longtemps que médias et politologues considéraient l’alliance bonne pour la casse. «La Koutla, c’était une machine intéressante en 1996 car elle permettait d’avoir un discours unique pour négocier. Elle a fonctionné pour les élections, mais ensuite, elle a capoté au niveau gouvernemental car chacun a joué solo», rappelle Mohamed Tozy, professeur de sciences politiques à l’université Hassan II de Casablanca. En 2002, il avait même annoncé au journal Le Monde que la mort de la Koutla était salutaire pour la scène politique marocaine puisqu’elle signifiait la fin de la logique de la légitimité historique et annonçait une maturation de la classe politique marocaine.

«Les divergences ? elles ne justifient pas que l’on jette le bébé avec l’eau du bain»
Abdelouahab Mâalmi, professeur de relations internationales et ex-ambassadeur du Maroc au Vatican, se montre plus réservé. «En théorie, une remise sur les rails de cette structure qui allie le PPS, l’Istiqlal et l’USFP peut encore jouer un rôle dans le renforcement de la démocratie au Maroc», affirme-t-il à propos de la Koutla. Seulement, lui non plus ne croit à une alliance comme en 1990 : «Les deux [principaux] partis n’ont pas réussi l’expérience. Le parti de l’Istiqlal a tendance à se rapprocher des islamistes, l’USFP est contre ces derniers. Il est bien possible que cette Koutla, que sa renaissance n’aille pas trop loin», ajoute-t-il.
Déclarations diamétralement opposées du côté des hommes politiques. Certes, on reconnaît que la Koutla n’a pas été des plus actives depuis 2002. «Il y a eu quelques réunions mais elles n’ont pas été déterminantes comme celles de la toute la dernière décennie du siècle dernier», explique M. Alaoui. «Ce serait se mentir à soi-même de dire que nous sommes contents de cela, mais ce n’est pas parce que le bilan n’a pas été réjouissant qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain». Malgré cela, considérer l’idée de la séparation relève de l’impossible, selon eux. «C’est un mariage catholique, il n’y aura pas de divorce», annonce-t-on du côté du PPS. «Il est compréhensible que des partis d’une alliance aient des points de convergence et des points de divergence», explique-t-on. Même son de cloche côté Istiqlal. «La fin de la Koutla serait justifiée si le Maroc avait tout fait», estime Abdellah Bekkali, membre du comité exécutif de l’Istiqlal. En effet, la nouvelle année politique apporte avec elle son lot d’alliances autour de thèmes-clés tels que la loi sur les partis ou la réforme de la constitution.

Après 2007 le déluge ?
Et pourtant, la toute dernière volte-face de l’Istiqlal, survenue au moment de l’élection du président du Parlement, a montré que ce dernier n’hésitera pas à laisser tomber ses alliés si son intérêt est ailleurs. En effet, le PI n’avait pas retiré son candidat Abdelhamid Aouad au deuxième tour, comme prévu par l’accord de la Koutla. Pire, pour récupérer des voix, l’Istiqlal était allé jusqu’à essayer de s’allier au pire ennemi de l’USFP : le PJD, mais sans succès. Abdelouahed Radi avait finalement été réélu avec le soutien de l’UC et du PND. On aura tout vu.
Malgré tout cela, quelques voix s’accordent à dire que la Koutla pourrait survivre à condition de renégocier ses bases et ses objectifs. «Pour relancer la Koutla, il faut intégrer de nouveaux partis, modifier les alliances, revoir le programme…», énumère Abdelhadi Khairat, membre du bureau politique de l’USFP. Il est vrai aussi que la gauche a essayé de voir ailleurs, elle aussi, lorsque le PPS a essayé de se rapprocher de l’OADP, mais sans succès puisque cette dernière a préféré la GSU, qui elle-même deviendra PSU à partir du 23 septembre prochain. Ainsi, essayer de relancer la Koutla semble bel et bien correspondre à un aveu d’impuissance, comme l’explique M. Tozy qui va encore plus loin en définissant la Koutla comme «une tentative de remobilisation d’une génération qui a les mêmes repères, qui croit avoir les mêmes valeurs et qui veut rester dans un espace entendu. C’est la réaction d’une génération, c’est leur instinct de survie qui est aux commandes. La Koutla, c’était intéressant face au pouvoir, face à un Makhzen qui avait les mêmes repères, mais, aujourd’hui, la génération au pouvoir a des repères différents».
Certes, le PPS se défend de correspondre à cette description : son tout prochain congrès, promet-il, offrira plus de responsabilités aux jeunes et aux femmes afin que ces derniers puissent prendre la relève. Mais quel est le poids de ce parti face à un Istiqlal ou une USFP si ces derniers n’en faisaient pas autant ?

Des scénarios pas si farfelus que cela
Malgré tout, une idée semble faire son chemin : la scène politique marocaine est en train de se diviser en pôles. «Le mieux serait que le parti de l’Istiqlal, qui est nationaliste et plutôt conservateur, puisse générer un pôle conservateur», précise M. Maâlmi. «Quant à la gauche et à la droite libérale, elles pourraient générer un pôle», ajoute-t-il.
On retrouve une idée similaire chez Abdellah Bekkali, seulement ce dernier considère que le bloc central serait constitué par la Koutla, entourée à droite par une alliance du type PJD et la Mouvance populaire et à gauche par les formations diverses nées de l’USFP et désormais incapables de retourner dans le giron de ce dernier pour cause de désaccord idéologique.
Au fond, les principales divergences semblent tourner autour d’une question de délais. Les politologues semblent préférer un processus douloureux et court de transformation des partis qui devrait amener, selon les termes de Maâlmi, le pôle conservateur construit autour de l’Istiqlal et le pôle socialiste «à générer une alternance entre les deux».
Côté partis, par contre, il semble bien que l’on préfère le court terme : les législatives approchant à grands pas, il vaut mieux garder la Koutla dans un premier temps, pour développer son propre pôle, quitte à prendre la route la plus longue, la plus tortueuse, la plus risquée aussi, mais qui aura le mérite de faire appel à la plus forte des traditions politiques marocaines : le compromis.
Au fond, pourquoi pas ? Dans sa forme actuelle, la Koutla pourra difficilement survivre au-delà de 2007. Même réformée, pourra-t-elle résister longtemps à un Istiqlal qui sait que, quoiqu’il fasse, il pourra donner la majorité aux alliés qu’il se sera choisis ? Non. Cependant, elle pourrait fournir à la gauche du temps pour se fédérer graduellement, et renforcer suffisamment ses arrières pour réduire l’impact des retournements du parti populiste, en attendant de devenir un pôle à part entière, sur le long terme.

De g. à dr., Ismaïl Alaoui, secrétaire général du PPS ; Mohamed El Yazghi, premier secrétaire de l’USFP et Abbès El Fassi , secrétaire général de l’Istiqlal.
L’USFP retournera-t-elle dans le giron de la Koutla ?