Pouvoirs
La majorité menacée par les élections à la tête du Parlement
Fort de 76 députés, le groupe haraki réclame la présidence de la Chambre des représentants.
L’Istiqlal, engagé dans la compétition, débauche tous azimuts dans les autres partis.

A quelques semaines de l’ouverture de la session de printemps, au Parlement (8 avril), le fauteuil d’Abdelwahed Radi fait l’objet de toutes les convoitises. A mi-législature, le poste de président de la Chambre des représentants est remis en jeu et des élections sont organisées en ce sens. Cette fois-ci, l’actuel titulaire voit son perchoir lorgné par les députés du groupe haraki, fort de 76 membres. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils présenteraient début avril, lors de l’ouverture de la session de printemps, un candidat contre l’actuel président. Depuis quelque temps, chaque jeudi, une commission de 15 membres, appelée «comité de coordination», où figurent les représentants du Mouvement populaire (MP), du Mouvement national populaire (MNP) et de l’Union démocratique (UD), se réunit pour élaborer des propositions qu’elle soumet ensuite aux secrétaires généraux des trois partis de la mouvance.
«La majorité des députés du groupe estime que la mouvance doit briguer la présidence de la première Chambre. Nous sommes, numériquement, la première force politique représentée au Parlement. Le bon sens politique voudrait qu’on occupe une place de choix. S’il est difficile actuellement de revoir l’architecture du gouvernement, rien n’empêche un rééquilibrage au niveau du Parlement puisque l’occasion se présente», explique Said Ameskane, membre du bureau politique du MP. Même son de cloche du côté de Mohamed Moubdiî, président de la commission des secteurs sociaux et des affaires islamiques à la Chambre des représentants. « Notre souhait est que justice soit rendue au pôle haraki sous-représenté au gouvernement. Cela dit nous n’avons nullement l’intention de créer une crise politique», précise-t-il.
Depuis octobre 2002, l’Istiqlal est passé de 48 à 57 députés
Il est vrai que le risque que la majorité gouvernementale parte en capilotade au gré des stratégies et des ambitions de chaque parti est bien réel. D’ailleurs, l’Istiqlal affiche lui aussi clairement ses ambitions. Le parti de Abbas El Fassi recrute des députés à tour de bras afin de préparer la rentrée parlementaire d’avril. Le nombre de députés du parti est passé de 48 au lendemain des élections législatives à 57 actuellement, soit neuf député de plus que les frères «ennemis» de l’USFP. Et ce n’est pas fini. L’Istiqlal est en contact avancé avec certains députés mécontents de la Mouvance populaire. Selon Abdelkader Tatou, membre du bureau politique de l’UD, il s’agit de Abdeslam El Khabbaz, député de la circonscription de Jorf El Melha, de Mohamed Karime, député de la circonscription de Safi Sud et président du Conseil régional de Doukkala Abda et de Mohamed Benzeroual, député de Dar El Gueddari et président de la commune de Sidi Kacem. En débauchant du pôle haraki, l’Istiqlal, grâce au principe des vases communicants, fait d’une pierre deux coups : il renforce son propre groupe parlementaire et affaiblit celui de son concurrent le plus dangereux au niveau du nombre.
De ce fait, la solidarité gouvernementale sera doublement mise à mal. En recrutant les députés d’un partenaire au sein de la coalition, Abbas El Fassi envenime ses relations avec la Mouvance populaire et déclenche une chasse aux députés qui décrédibilise les partis en général. En convoitant un poste détenu par l’USFP, il démontre que la Koutla est bel et bien en panne, et se prive d’un allié stratégique pour les échéances à venir. Mais ni Mahjoubi Aherdane ni Mohamed Elyazghi ne comptent se laisser faire. Le patriarche amazigh a fulminé la semaine dernière contre ce «tacle par derrière» commis par un parti supposé ami, alors que le chef de l’USFP a fait savoir que le changement de l’un des aspects de l’accord de constitution de la majorité gouvernementale reviendrait à remettre en cause l’ensemble des clauses. Mohamed Elyazghi est on ne peut plus clair. Si Abdelwahed Radi n’est pas reconduit à la tête de la Chambre des représentants, rien ne pourra plus alors retenir les socialistes au gouvernement. Elyazghi est d’autant plus intransigeant que les militants usfpéistes, déjà très critiques quant à la participation gouvernementale de leur parti, verraient d’un mauvais œil la perte du perchoir.
Driss Jettou essaiera de maintenir le statu quo jusqu’en 2007
Abdelwahed Radi aura deux challengers en la personne de l’Istiqlalien Abdelhamid Aouad et du MP Driss Sentissi. Toutefois, l’élection du président de la première Chambre dépendra également des positions des autres partis. Si la droite ne semble pas intéressée par cet enjeu, le PJD pourrait présenter un candidat pour se démarquer.
Pour désamorcer la crise, Driss Jettou devra déployer des trésors d’énergie pour convaincre les uns et les autres de maintenir le statu quo jusqu’aux élections de 2007. Certains observateurs pensent que la Mouvance populaire et l’Istiqlal vont revenir à de meilleurs sentiments et que ces gesticulations servent surtout à préparer des échéances plus lointaines. Tout le monde est conscient qu’un changement dans les équilibres actuels mettrait en péril l’avenir et la viabilité du gouvernement.
Abdelwahed Radi (au centre) aura pour challengers Abdelhamid Aouad (à g.) pour l’Istiqlal et Driss Sentissi (à dr.) pour le Mouvement populaire. Mais l’USFP ne se laissera certainement pas faire.
