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Pouvoirs

La leçon de démocratie du PSU

Le secrétaire général sortant, Mohamed Moujahid, affirme ne pas vouloir briguer un second mandat.
Mohamed Sassi, pour sa part, ne donne aucune indication quant à une éventuelle candidature.
Pour les militants, il est encore tôt pour se focaliser sur la course à la présidence.

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Après un congrès réussi, le PSU vit à l’heure des interrogations : qui sera le nouveau dirigeant du parti ? Mohamed Moujahid optera-t-il pour un deuxième mandat à la tête du Parti socialiste unifié ? Après une valse des intentions, ce dernier, à l’heure où nous mettions sous presse, semblait catégorique : «Je n’ai pas du tout l’intention de me représenter au poste de secrétaire général, pour des raisons d’ordre personnel et d’autres d’ordre politique : il faut mettre en place les mécanismes de renouvellement des élites». Le patron sortant ne manque pas d’ajouter que son parti dispose de profils habilités à prendre la relève. Cédera-t-il sa place à Mohamed Sassi, éminence grise et figure la plus médiatisée du parti arrivé en tête de liste du Conseil national par 413 voix contre 352 pour le secrétaire général actuel.

Ce dernier refuse catégoriquement de donner la moindre indication quant à son éventuelle candidature (voir entretien en page 39). Au parti, l’on signifie que l’urgence est ailleurs. «Les discussions n’en sont pas encore là. Le Conseil national ne se réunira que d’ici quinze jours. Pour le moment, nous préparons les résultats du congrès pour la conférence de presse de jeudi prochain», expliquait mardi 20 février Ahmed Sari, président du congrès du parti.

Transparence des votes, liberté du débat, le PSU a marqué un point
Il faut dire que le PSU vit encore la période de grâce d’un congrès qui aura tenu toutes ses promesses. Organisé du 16 et au 18 février dernier sous le thème «Le Maroc et la citoyenneté», il s’est tenu sous le signe de la multiplicité des courants, plusieurs plateformes politiques ayant été soumises au vote des congressistes. Plébiscitée, la plateforme de la majorité, «Militantisme pour la transition démocratique», a raflé pas moins de 125 des 171 sièges du Conseil national du parti, correspondant aux 73% de voix qu’elle a remportés auprès des militants, contre 13%, 8% et 4% pour ses principales concurrentes. La satisfaction est évidemment de mise. Plus pour ce concours de courants, initiative unique en matière de démocratie partisane, que pour le succès de la plateforme de la majorité. «C’est le premier congrès au Maroc où l’on n’a constaté aucune réserve : personne n’a contesté les résultats, car des représentants de chaque plateforme et des personnalités extérieures au parti ont supervisé l’opération», indique Mohamed Sassi, numéro 2 du parti jusqu’à la date du congrès.

Il faut dire que, parallèlement au système des courants, le parti a misé gros sur la transparence : la rencontre s’est déroulée en présence de plusieurs observateurs extérieurs et représentants de la société civile invités notamment à suivre le passage aux urnes des participants. Cerise sur le gâteau, dès la séance d’ouverture du congrès, les militants apprenaient qu’il leur était désormais possible, via le site web du parti, de s’informer de l’évolution du patrimoine de leurs dirigeants depuis le début de leurs mandats, en octobre 2005, jusqu’à la semaine d’avant le congrès…

Un parti, six courants
«Dans la région arabe et maghrébine, nous sommes les premiers à nous être lancés dans cette belle aventure modernisatrice», se félicite Mohamed Moujahid. Pour une première expérience, le succès du congrès semble indiquer que les partis à courants multiples, qui existent déjà en France, en Espagne ou encore au Brésil, sont parfaitement adaptables au contexte marocain. Dans le cas du PSU, six plateformes ont été soumises aux congressistes. Parmi ces dernières, seules quatre ont recueilli assez de voix pour que leurs initiateurs occupent des sièges au Conseil national. Sur les deux restantes, l’une n’a pas atteint la limite de 3% nécessaire pour prétendre au statut de courant politique, et l’autre a choisi de se fondre dans la plateforme de la majorité. «Nous avons choisi 3%, pas plus, pour ne pas exclure des points de vue bénéficiant d’une certaine représentativité, et nous n’avons pas voulu aller en-dessous pour éviter de créer une forme de banalisation ou d’extrémisme», explique Mohamed Moujahid. Certes, la différence entre elles reste réduite, les plateformes en question ayant plus de points communs que de différences.

Passé cette barrière interne des 3%, les courants doivent surmonter une nouvelle barrière pour accéder au bureau politique du parti dans la mesure où ils doivent obtenir plus de 50% des sièges au Conseil national, quitte à s’allier à d’autres plateformes. «Le bureau politique sera élu à partir de listes bloquées proposées aux membres du Conseil national», indique M. Moujahid, qui insiste sur le fait que l’objectif du processus ne se limite pas au simple renouvellement des structures mais vise à susciter un débat entre les différentes plateformes, celle qui remporte le plus de suffrages devenant une référence pour l’ensemble du parti…

Des alliances et collaborations autour de valeurs communes
Destiné à renouveler les instances du PSU, tout en le mettant en conformité avec la loi sur les partis politiques, le congrès du 16 février a aussi permis au parti d’avancer sur le terrain de ses alliances, pour les prochaines élections législatives. «Nous avons ouvert trois voies pour nos alliances: le Rassemblement de la gauche démocratique (RGD) avec les composantes de la gauche opposante, les forces nationales démocratiques et les forces démocratiques avec toutes leurs nuances y compris libérales et islamistes éclairées», avait déclaré M. Moujahid dans son discours d’ouverture. Ainsi, créé à la suite d’une fusion entre deux composantes du RGD, la GSU et l’association Fidélité à la démocratie, il n’est pas étonnant que le PSU commence par chercher ses alliés au sein de la même mouvance.

Le même jour, le parti annonçait ainsi à ses militants son intention de présenter, aux prochaines législatives, des listes communes avec le Congrès national ittihadi, Annahj Addimocrati et le PADS.

Les représentants de la Koutla sifflés
Surprise toutefois, le PSU a également annoncé son intention de collaborer avec certains de ses alliés au sein de la coalition contre l’exclusion, parmi lesquels des partis libéraux comme Alliance des libertés ou Forces citoyennes, mais aussi des partis islamistes comme Al Badil Al Hadari ou encore Al Haraka min Ajl al Oumma… Real politik ou conséquence indirecte de la lutte contre les lois électorales de la majorité ? M. Moujahid explique ce choix par l’existence d’objectifs communs pouvant permettre un degré de collaboration, tels que la lutte contre la corruption ou la responsabilisation du pouvoir, un argument qui reviendra aussi concernant… la Koutla.

En effet, tenu en même temps que le congrès de l’Union constitutionnelle (UC), celui du PSU a tout de même attiré plusieurs grosses pointures de la Koutla, dont les secrétaires généraux de l’Istiqlal et du PPS, Abbas El Fassi et Ismaïl Alaoui, ainsi qu’une délégation de l’USFP composée de Driss Lachgar, Abdelkader Bayna et Habib Taleb, tous trois membres du bureau politique du parti de la rose. Marque d’un réchauffement diplomatique avec le descendant de l’OADP ? Il faut dire que, mieux organisé qu’en 2002, année où la GSU s’était lancée dans les élections législatives quelques mois seulement après sa création, le PSU a su gagner en influence au fil des années, devenant un interlocuteur plus crédible pour la gauche gouvernementale.

Mais n’allons pas trop vite en besogne : les sifflets qui ont accueilli les membres de certaines délégations indiquent que le travail en commun n’est pas forcément pour demain. La direction du parti a eu beau s’empresser de rattraper l’incident et signifier qu’elle a bien reçu le message de paix de la Koutla, la réaction des militants indique qu’il reste encore un lourd passif entre ces formations. «Après la constitution de la GSU, en juillet 2002, cette dernière avait remplacé l’OADP au sein de la Koutla et nous avons travaillé ensemble avec celle-ci jusqu’au 16 mai, date à laquelle nous avons publié un communiqué commun», indique Mohamed Moujahid, déplorant la dégradation des relations qui avait suivi, tout en soulignant que son parti ne portait aucune responsabilité dans le refroidissement.

Interrogé à la veille du congrès sur l’opportunité d’un travail commun avec la Koutla, M. Moujahid a pourtant tenu des propos plutôt conciliants : «Nous estimons que le Maroc, dans cette étape précise, doit considérer deux adversaires essentiels : les lobbies de la corruption traditionnels qui ont détourné de l’argent pendant quarante ans et qui continuent de le faire essentiellement au sein de l’administration et de l’économie nationale, et le danger représenté par le fondamentalisme extrémiste. Pour affronter ces deux adversaires, nous sommes disposés à travailler avec toutes les forces démocratiques du pays». La page est-elle sur le point d’être tournée ? Mohamed Moujahid tient, toutefois, à clarifier les règles du jeu : «La collaboration est à l’ordre du jour, elle est dans l’intérêt de notre pays, du moment qu’elle se fait dans le cadre du respect mutuel». Il faudra certainement attendre le coup d’envoi de la bataille électorale pour que le PSU précise davantage les contours de sa stratégie d’alliances.

QUESTIONS À
Plusieurs membres du parti peuvent prendre la relève

Mohamed Moujahid
Secrétaire général sortant du PSU.

La Vie éco : Au lendemain du congrès du PSU, peut-on dire que le système des courants politiques a réussi ?
Mohamed Moujahid :
Le résultat est là : aucun membre du parti ne s’est retiré ni n’a émis de doute à propos du déroulement du congrès, de sa crédibilité ou de l’organisation de la diversité des points de vue.

Quel est le candidat le plus probable à votre succession ?
Dans notre parti, notre point fort est qu’il n’existe pas un seul candidat au poste de secrétaire général. Plusieurs membres du parti peuvent très bien assumer cette fonction.

Monsieur Sassi entre autres ?
Pourquoi pas ?

Pendant le congrès, vous aviez annoncé que le Rassemblement de la gauche démocratique (RGD) comptait présenter des listes communes aux prochaines élections…
Une réunion est prévue le 27 février pour discuter stratégie électorale. Je viens d’apprendre que le PADS a ratifié l’accord avant-hier (NDLR, dimanche 18 février]. Il ne reste maintenant que les aspects techniques : la décision politique a déjà été prise par les trois partis.

Dans votre discours, il avait été question de collaboration avec Forces citoyennes, Al Badil Al Hadari, le PPS…, pourquoi une telle diversité ?
C’est une diversité qui se limite tout de même au camp des démocrates. Nous travaillons avec eux quelles que soient leurs aspirations idéologiques. Nous considérons que la transition démocratique nécessite la collaboration de tous les partis démocratiques et tendons la main à tous ceux-là, qu’ils appartiennent à la gauche, aux forces démocrates nationales, aux forces libérales démocrates, ou aux partis musulmans démocrates.

Y-a-t-il des partis auxquels vous ne vous allieriez pas ?
Oui, tous les partis qui sont soit responsables de la façon dont le Maroc a été géré, gouverné pendant quarante ans et tous ceux qui veulent nous tirer vers l’arrière, qui sont hostiles aux valeurs de la démocratie et du modernisme, des droits de l’homme, du respect de la différence, de la tolérance.

Lors du congrès, la Koutla a envoyé plusieurs personnalités de marque. Peut-on interpréter cela comme la marque d’un réchauffement des relations avec elle ?
Nous étions vraiment honorés de la présence de Abbas El Fassi, Ismaïl Alaoui et d’une équipe venue sous la présidence de Driss Lachgar. Nous n’étions pas surpris car nous avons déjà des relations avec eux : nous avons fait partie de la Koutla pendant une longue période, nous partageons des valeurs avec ces partis.

Peut-on désormais parler de collaboration PSU-USFP ?
Cela dépend de leur volonté. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts : la collaboration est à l’ordre du jour, elle est dans l’intérêt de notre pays, du moment qu’elle
se fait dans le cadre du respect mutuel.

Autrement dit, si l’USFP vous invite au gouvernement, êtes-vous prêts à accepter ?
Entrer au gouvernement est une autre chose. Pour nous, la participation au gouvernement n’est pas sans conditions : il faut quand même qu’il y ait consensus sur les réformes constitutionnelles. C’est une condition indispensable.