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Pouvoirs

La Koutla, c’est du passé

Tel le monstre du Loch Ness, le réveil de la Koutla est annoncé à chaque rentrée politique

Cette structure ne répondant plus à aucune nécessité historique, sa mort est bien définitive.

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Les journalistes adorent ça : dès que deux chefs de parti font une photo de famille dans un mariage (comme celui du fils de Mohamed Archane, la semaine dernière), on nous ressort la Koutla. Certains ont leur papier Koutla semestriel qui tombe, aussi régulier qu’une horloge. Ce sont soit des vœux pieux, soit une tentative de meubler une vie politique dans un état de coma prolongé.
La Koutla est née dans un contexte et une perspective politiques déterminés. L’Istiqlal, après l’expérience 1977-83, désastreuse à tous les niveaux, a renoué avec l’ex-opposition. La Koutla revue et corrigée visait d’abord un double but :
– crédibiliser les institutions en inscrivant l’action de toutes ses composantes à l’intérieur de ces institutions, ce qui avait incidemment pour objectif d’enterrer définitivement la hache de guerre avec la monarchie ;
– en contrepartie, exiger des réformes à même de permettre l’évolution de ces mêmes institutions de la cooptation à la compétition.
Le premier acte, au-delà de la charte, a été la fameuse motion de censure qui installait le débat institutionnel à l’intérieur du Parlement. Le second : le fameux mémorandum constitutionnel, auquel une fuite bien organisée a mis du plomb dans l’aile.
L’acte final, si l’on ose dire, est la constitution du gouvernement d’alternance. Abderrahmane Youssoufi ne s’y est pas trompé en diluant la Koutla dans ce qu’il appelait la majorité gouvernementale.
En fait, si l’on veut croire à une utilité de la Koutla, il faudrait se resituer dans un contexte sinon de conflit, au moins de négociation entre la monarchie et les partis de l’ex-opposition. Cela n’a plus cours et n’est pas à l’ordre du jour. La Koutla aurait pu continuer à avoir une utilité si le gouvernement d’alternance avait été conçu comme un moyen de cautionner la lutte pour approfondir la démocratisation. Il n’en a rien été et, s’il y a un processus dans ce sens qui a été engagé, on le doit bien à la succession et aux engagements du nouveau monarque et pas à une pression interne quelconque.

Quelles alliances et pour quoi faire ?
Car l’alliance de la Koutla a été inspirée par les exigences d’une phase historique déterminée. Elle n’est en aucun cas naturelle. Les divergences en tant que projet de société sont irréductibles. L’Istiqlal est un parti conservateur populaire, l’USFP, même s’il a longtemps charrié des courants idéologiquement rétrogrades, est un parti d’essence progressiste et est perçu comme tel par son électorat. Le PPS, lui, est ancré dans une tradition qui a peu de chances de se retrouver avec l’Istiqlal autrement que sur des questions conjoncturelles.
Aujourd’hui, ce n’est ni la refonte des institutions, ni le rééquilibrage constitutionnel qui sont à l’ordre du jour. La fracture est ailleurs ! Sur le plan socio-économique, malgré des efforts imposants, des investissements importants, l’ensemble reste précaire. La précarité justement touche de plus en plus de citoyens. L’approche techniciste a montré ses limites aux yeux mêmes de ses tenants les plus farouches. Or, c’est sur ce terrain que les divergences devraient s’exprimer, chacun défendant les intérêts des couches qui le soutiennent. Le phénomène islamiste pèse de tout son poids, sur l’absence d’un discours de gauche revendicatif, inventif mais responsable, et c’est le populisme islamiste qui s’incruste.
Si une alliance était nécessaire, ce serait celle des sociaux-démocrates, modernistes, anti-islamistes résolus. On n’en prend pas le chemin. Quand à l’union des gauchisants, pour rester polis, on dira qu’elle n’est ni une alternative gouvernementale, ni une avant-garde de luttes sociales.
La gauche doit déterminer quels sont les rivages de ses alliances. M. Youssoufi nous a légué un code électoral qui favorise l’émiettement. Si nous adoptions le système à deux tours, cela faciliterait les regroupements et aiderait l’autre monstre du Loch Ness : la recomposition du champ politique. Car, au cas où on l’oublierait, les alliances visent à gouverner ensemble pour ne pas dire à se partager le pouvoir.