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Pouvoirs

Formations politiques sous perfusion

L’État finance leur gestion, paie leur personnel, leur loyer, finance leurs congrès…, mais les formations politiques ne dépendent pas toutes de la même manière des aides publiques.

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Quel est le parti qui coûte le plus cher à l’État en termes de subventions publiques ? Le PAM ? Le RNI ? Ce n’est ni l’un ni l’autre. Les chiffres publiés dans le dernier rapport de la Cour des comptes le montrent. Alors que le PAM s’est vu accorder un peu plus de 12,6 MDH par l’État pour assurer sa propre gestion, au titre de l’année 2021, le RNI n’a engrangé qu’à peine 5,4 MDH. La même année, le PJD s’est vu accorder presque autant que les deux formations réunies au titre de subventions pour sa gestion. Il a empoché un peu plus de 15,8 MDH d’aides, et donc de l’argent du contribuable. C’est exactement le même montant qu’il a perçu l’année d’avant, c’est-à-dire en 2020, et l’année d’avant, en 2019. En 2018, l’État a versé au parti la somme de 18,93 MDH à titre de contribution à ses frais de gestion. Il faut souligner que seules les aides régulières versées chaque année sont prises en compte. Les partis reçoivent également des subventions exceptionnelles pour notamment couvrir une partie des frais de l’organisation de leurs congrès nationaux ou encore à l’occasion des élections.
Cela dit, la même année, c’est-à-dire en 2018, le RNI par exemple s’est vu accorder à peine 5,45 MDH d’aides publiques, soit un peu plus de 24% de ses besoins pour la couverture de ses frais de gestion. En analysant les chiffres de 2021, par la Cour des comptes, et en mettant de côté les subventions électorales, on constate que ce même RNI dépend désormais pour à peine 13% des aides publiques dans sa gestion. C’est d’ailleurs le parti qui dépend le moins des aides publiques et donc qui coûte le moins au contribuable. Il va sans dire que le niveau des aides publiques est resté presque le même, alors que les besoins du parti ont explosé depuis. Le reste provient, bien évidemment, dans sa grande partie des cotisations des membres. Pour le parti islamiste, cette proportion est de l’ordre de 45%, elle est de 67% pour le PAM. Le PJD dépend aussi, pour un peu plus de la moitié de ses ressources, des cotisations qui provenaient jusque-là essentiellement de ses députés et conseillers et de ses ministres, pendant ses deux mandats gouvernementaux.
Première conséquence de sa débâcle électorale du 8 septembre 2021, la perte de ces fonds. Et, en toute logique, les niveaux des subventions publiques vont également chuter. A tailles comparables, le PPS et l’UC classés juste devant le parti islamiste, en termes de sièges remportés aux législatives du 8 septembre, perçoivent chaque année un peu moins de 1 million de dirhams de contributions de l’État à leur gestion (937.500DH exactement chacun). Et si l’Etat lève le pied sur le financement, ce qui est certain, c’est le déclin du parti. Ce qui n’arrange en rien sa situation, il doit encore restituer la bagatelle somme de 5,78MDH de subventions perçues et dont il a été incapable de justifier la dépense. On peut donc dire que le parti est ruiné. De ce fait, non seulement il lui sera impossible de financer ses activités et meetings, mais il perdra également de son attrait. Son éventuel retour en force sur la scène politique est, pour ainsi dire, quasi irréalisable. Ce qui explique d’ailleurs le fait qu’il s’est rabattu sur le champ religieux, bien moins coûteux et sans doute plus rentable, que l’action politique à proprement parler.

Huit partis, 90% des subventions
Bref, d’une manière générate, les ressources globales des 29 partis ayant produit leurs comptes ont atteint un montant de 499,69MDH. Le soutien de l’État représente 81% et le reste provient des ressources propres de chaque parti, qui peuvent être constituées de cotisations et, dans certains cas, de produits financiers exceptionnels. Pour ce qui est des dépenses, elles se sont élevées à 502,27 MDH. Un autre détail, les huit premiers partis représentés au Parlement totalisent plus de 90% des ressources financières des partis. Il ne faut pas oublier que l’année 2021 étant une année électorale, les partis ont bénéficié d’une confortable rallonge sous forme de la contribution de l’État au financement des campagnes électorales. Pour le scrutin général du 8 septembre et l’élection des membres de la deuxième Chambre, le 5 octobre, l’État a déboursé un peu plus de 348 MDH sous forme d’aides aux formations politiques. A noter que l’organisation de trois scrutins le même jour (communal, régional et législatif) ainsi que la digitalisation et l’utilisation accrue des TIC lors des campagnes électorales ont permis à l’État d’économiser près de 34% sur sa contribution aux financements des campagnes électorales, comparativement à la période 2015-2016.
Question : Dans quoi les partis dépensent-ils cet argent? Hors année électorale où les formations bénéficient d’une cagnotte supplémentaire pour financer leurs campagnes, leurs dépenses ordinaires se répartissent essentiellement entre les dépenses du personnel ( 31,44%), les frais de transport, de missions et de réception (17,04%), les charges de location (15,61%) et les charges externes diverses (13,75%) en plus des achats de fournitures et consommables (9,51%). Pour les études et les recherches? Nada ! En fait, les formations politiques n’ont pas encore intégré cette rubrique dans leur agenda et par-delà dans leurs charges. Faut-il rappeler dans ce sens que dans son discours de l’ouverture de l’année législative, en octobre 2018, le Souverain avait appelé à «une augmentation du soutien public accordé aux partis, en veillant à ce qu’ils en allouent une fraction aux compétences qu’ils mobilisent pour des missions de réflexion, d’analyse et d’innovation».

Focus
RNI : En 2022, le parti a restitué à la Trésorerie générale un montant global de 11,9 millions de dirhams. Il s’agit, en gros, des aides publiques qu’il a reçues et qu’il n’a pas utilisées durant les deux derniers scrutins électoraux. Ses comptes, au demeurant certifiés, sont en règle. Ce qui lui a valu une mention positive de la Cour des comptes. La juridiction financière a, en effet, recommandé au Parti de «poursuivre sur cette même tendance positive».
Istiqlal : Entre autres griefs que la Cour des comptes a retenus contre le parti, il y a l’encaissement d’un don d’une valeur de 120.000 DH. Se trouvant dans une situation financière difficile, la formation a dû faire appel à cette solution pour renflouer ses caisses. Sauf que la loi a plafonné le montant des dons à 60.000 dirhams par an. Le parti, dont les finances sont gérées par l’industriel Hassan Sentissi, a également été invité à rédiger les différents documents comptables au nom du parti.
USFP : Toujours porté sur le cash. C’est l’une des «infractions» au plan comptable des formations retenues contre le parti de la Rose. Il a payé un total d’un peu plus de 100.000DH en cash en petit montant dépassant le plafond autorisé de 10.000 DH.
PJD : Dans le noir. Non seulement le parti islamiste est en situation irrégulière vis-à-vis du Trésor public, mais il s’est montré incapable de justifier des dépenses de l’ordre de 3,3 millions de dirhams. Cela représente près de 10% de ses dépenses totales. Le parti a également été rappelé à l’ordre en termes de respect des délais de dépôt de son bilan comptable.