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Pouvoirs

Equations difficiles pour Abbas El Fassi

Le parti de Mohand Laenser se positionne en force après ses récentes alliances et ses 61 sièges parlementaires.
Le parti de Mohamed El Yazghi, certes
en position de faiblesse, posera ses conditions pour entrer au gouvernement.
Les ministres istiqlaliens voudront jouer les premiers rôles.
Comment satisfaire tout le monde avec 25 portefeuilles seulement ?

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La nouvelle est tombée à l’heure où nous mettions sous presse : Abbas El Fassi Premier ministre. Mercredi 19 septembre à Rabat, le Souverain mettait fin au suspens qui entourait la succession de Driss Jettou en attribuant, en milieu d’après-midi, la Primature au secrétaire général de l’Istiqlal, le chargeant par la même occasion de former un gouvernement. Passé la surprise pour les uns, la joie pour les autres, Abbas El Fassi devra relever son premier défi : constituer un gouvernement. Une tâche qui ne sera certainement pas de tout repos car les contraintes ne manquent pas. Dans un premier temps, selon le communiqué du Cabinet royal diffusé à la suite de la nomination, le nouveau Premier ministre devra respecter les orientations du Souverain qui, au moment de la nomination, avait appelé à la formation d’un gouvernement homogène et efficace répondant «tant au niveau de sa structure et de sa composition que de son programme, aux grandes priorités et questions majeures de la nation». Le message est donc très clair : il faut continuer ce qui a été entamé sous le gouvernement sortant. Difficulté de taille, Abbas El Fassi devra aussi traiter avec les partis qui, naturellement, essaieront chacun d’obtenir le plus de portefeuilles possibles, et les meilleurs.

RNI et MP, des déclarations prudentes
Place donc aux tractations, aux négociations voire aux marchandages, les chefs de partis attendant toutefois que Abbas El Fassi annonce la couleur. Joint quelques minutes seulement après l’annonce de la nomination, Mustapha Mansouri, président du RNI, s’est montré plutôt positif. «La règle démocratique a été respectée et nous nous en félicitons», indique le ministre de l’emploi sortant qui, contacté la veille, se prononçait pour une reconduction de l’alliance gouvernementale sortante. L’identité du chef du gouvernement aujourd’hui connue, quelle sera la position du RNI durant les prochaines tractations ? Quels portefeuilles revendiquera-t-il ? «Il est trop tôt pour en parler d’autant plus que la balle est maintenant dans le camp de Abbas El Fassi», indique le successeur de Ahmed Osman.
Le RNI reste donc prudent et il en est de même pour le Mouvement populaire, dont le secrétaire général, Mohand Laenser, attend que l’Istiqlal prenne l’initiative. Tout aussi assuré que le RNI de participer à ce nouveau gouvernement, le parti haraki avait pourtant pris les devants dès le lendemain des élections en concrétisant une série d’alliances pré-électorales avec le Parti de l’environnement et du développement (PED) d’Ahmed El Alami, et le Parti du renouveau et de l’équité (PRE) de Chaquir Achehbar. Surprise, post-électorale cette fois, même le mouton noir de la Haraka, le Mouvement démocratique et social de Mahmoud Archane, a été invité à la fête, conformément aux vœux de Mahjoubi Aherdane. Grâce à ces alliances, le parti de Mohand Laenser devrait pouvoir réunir les députés de ces différentes formations dans un groupe parlementaire commun au niveau de la Première chambre, lequel a déjà été renforcé par le ralliement d’au moins deux députés du PND et un candidat indépendant qui n’est ni plus ni moins que le chef de file du groupe parlementaire MP sortant, Mohamed Moubdiie. Le groupe, qui dépasse la soixantaine de sièges – contre seulement 52 pour l’Istiqlal -, constitue un argument de poids pour la négociation des portefeuilles ministériels, et cela d’autant plus que le Mouvement populaire, tout comme le RNI, a été approché par son ancien allié du Wifaq, l’UC, désormais forte de 27 sièges.

L’UC dans la majorité ? Une option qui n’est pas écartée définitivement
Au-delà du trio Istiqlal- MP-RNI, d’autres formations politiques, moins influentes aujourd’hui, mais non moins importantes, ne manqueront pas de participer au ballet des négociations. Au sein de la Koutla, l’allié USFP, auquel l’Istiqlal a proclamé sa fidélité dès les premiers jours du nouveau gouvernement, a beau être affaibli, il devra être traité avec moult précautions. Si l’Istiqlal tient parole en invitant le parti de M. El Yazghi au gouvernement, les portefeuilles qui lui seront attribués auront valeur de test : en effet, l’USFP a beau avoir préféré se joindre au prochain gouvernement plutôt que de sombrer dans l’oubli de l’opposition, son conseil national ne semble pas prêt à accepter un lot de consolation de la part d’un bureau politique qu’il attend au tournant.

Contraint de satisfaire non seulement les exigences du MP et du RNI mais aussi celles de son rival éternel, l’USFP, l’Istiqlal pourra-t-il compter avec le soutien de l’UC ? Une chose est sûre, le poids acquis par la formation de Mohamed Abied aux dernières élections est suffisamment important pour être pris en compte dans le jeu des alliances, et expliquer le changement d’attitude du parti qui le snobait encore à la veille des audiences royales du jeudi 13 septembre. Quant à l’option PJD, elle semble de plus en plus lointaine.

Au-delà des alliances gouvernementales, le nouveau Premier ministre devra également composer avec les étoiles montantes du parti, dont le trio Hejira, Ghellab, Douiri, au travail fort remarqué au sein de l’équipe Jettou. Quelle place occuperont-ils dans l’architecture gouvernementale à venir ? Se contenteront-ils d’un seul département ou prétendront-ils à diriger des pôles ? Auquel cas, quel sera la réaction des autres partis ? Il y a quelques jours, Abbas El Fassi déclarait à La Vie éco qu’un gouvernement de 25 ministères au plus était la meilleure solution. Comment satisfaire tout le monde ? En 2002, Driss Jettou s’était heurté à la même équation et s’était résigné à former une équipe de 38 ministres, un équilibre entre efficacité et poids des partis au sein de la majorité. Avec sa casquette partisane, Abbas El Fassi aura sans doute plus de difficultés puisqu’il lui faudra arbitrer entre la fidélité à l’Istiqlal, la nécessité de rétribuer équitablement ses alliés de la majorité et l’impératif d’avoir un gouvernement qui fonctionne.

Enfin, dernière difficulté, et non des moindres, celle de succéder à un Driss Jettou, reconnu unanimement pour avoir été l’un des meilleurs Premiers ministres que le Royaume ait connus. Bon courage M. El Fassi !