Pouvoirs
En Couv’. Moncef Lyazghi : «D’autres fédérations doivent surfer sur cette dynamique»
C’est avec beaucoup de doigté que le Maroc a su faire usage de sa diplomatie footballistique, nous explique Dr Moncef Lyazghi, chercheur en politique des sports. Éclairages.
Ces derniers temps, on parle de plus en plus de diplomatie sportive, notamment au Maroc. Quel regard portez-vous sur cette dynamique ?
Je tiens tout d’abord à préciser que, valeur aujourd’hui, on ne peut pas parler d’une diplomatie sportive dans le vrai sens du terme, mais plus d’une diplomatie footballistique. D’autant que, à l’exception du football, le Maroc ne dispose pas de personnalités dans les instances dirigeantes, que ce soit continentale ou dans le reste du monde. Certes, nous avons une femme à la tête de la Fédération africaine de Volley ball, en la personne de Bouchra Hajij, et il y a quelques années, on était présents aux commandes de la Fédération africaine du rugby. En revanche, nous avons également une certaine présence dans les structures en Afrique et au niveau arabe, mais sans vraiment avoir de l’influence, puisque ceux qui représentent le Maroc occupent plutôt des postes de conseillers.
Qu’est-ce qui a changé avec l’arrivée du président de la FRMF aux avant-postes, que ce soit à la CAF ou dans l’enceinte de la FIFA ?
Après son arrivée à la présidence de la FRMF en 2014, et en convergence avec la diplomatie marocaine orientée Afrique, Fouzi Lekjaa a pu monter les échelons en s’assurant un poste au sein du Comité exécutif de la CAF.
Un coup d’autant plus important que Fouzi Lekjaa a pu évincer, en cours de route, l’Algérien Raouraoua qui, à l’époque, était considéré comme indéboulonnable, de la présidence de la CAF. Le Maroc a beaucoup contribué à porter le Malgache Ahmad Ahmad à la présidence de l’instance panafricaine, en fédérant une quarantaine de voix, contre sept pour Raouraoua. Et, contrairement à ce que certains qualifient d’un travail de coulisses, c’est à travers des actions de lobbying bien menées par le Maroc que cela a été rendu possible.
Par ailleurs, et dans le cadre de l’élargissement de son espace d’action au sein du continent, le Royaume a pu conclure pas moins de 42 conventions avec autant de fédérations de l’Afrique subsaharienne, sur les 54 que compte le continent. Ce qui explique l’aura qu’il a sur le continent, en étroite coordination avec les intervenants dans la diplomatie marocaine.
Quels sont les autres faits marquants ?
Le fait marquant par excellence, au cours des dernières années, réside dans l’organisation du Championnat d’Afrique des nations de futsal, au cœur du Sahara marocain, à Laâyoune, en janvier–février 2020. Ceci a constitué un sacré coup aux ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc, dont l’Algérie qui refusait de prendre part à cette manifestation et qui avait manifesté sa colère, même en n’étant pas qualifiée, ou encore l’Afrique du Sud qui a déclaré forfait. Dans la même percée, le Maroc a su déjouer les tentatives d’Alger de faire entrer le Polisario au sein de l’instance footballistique panafricaine, et ce, suite à l’amendement, à Rabat en 2020, de la loi fondamentale de la CAF qui interdit, dorénavant, l’adhésion de toute entité non reconnue par les Nations unies à cette instance. La tentative d’Alger est tombée à l’eau et la CAF ne parle que de 54 fédérations sur le continent. C’est dire si, mis bout-à-bout, celles-ci dénotent bien de l’importance du football dans la défense des intérêts marocains et à leur tête la cause nationale.
Peut-on parler de modèle marocain en matière de gestion du football ?
C’est avec le déploiement du soft power marocain, particulièrement lors du Mondial du Qatar 2022, que l’on a commencé à parler du modèle marocain en matière de gestion du football et du Maroc en tant que puissance dans le continent. Par ailleurs, et au moment où l’Algérie parle encore lors de la récente édition du CHAN de la non-participation du Maroc, voire de la CAN 2025, le Maroc sort la carte de la co-organisation avec l’Espagne et le Portugal du Mondial 2030. Une annonce dont le choix du lieu et du timing est tout aussi important. D’abord, cela a coïncidé avec la remise du Prix de l’Excellence au Souverain, ensuite, elle a eu lieu au cœur de l’Afrique à Kigali, au Rwanda. Ceci montre bien que c’est une candidature africaine portée par le Maroc. Il s’agit là d’un ensemble d’actions qui en disent long sur l’importance que revêt, d’ores et déjà, la diplomatie footballistique, en attendant que d’autres fédérations surfent sur cette dynamique.