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Développer l’e-signature en direction juridique

Les bénéfices pour l’entreprise sont de trois ordres : un gain de temps, permettant d’accélérer le rythme du business et de minorer les coûts internes ; une meilleure traçabilité du processus contractuel ; et la garantie d’un archivage centralisé des contrats.

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signature electronique
Axel Jurgensen

Axel Jurgensen

La signature électronique se développe de plus en plus dans les directions juridiques, et sa mise en place est à l’agenda de plusieurs entreprises de premier plan au Maroc. Cette évolution est sous-tendue par un double mouvement. Elle est, d’une part, induite par une pression économique sans cesse accrue dans un contexte mondialisé et ultra-concurrentiel (le temps de signature est ainsi devenu une problématique clé pour le business), et, d’autre part, par une évolution des réglementations locales et internationales, qui ont progressivement ouvert le champ des contrats éligibles à la signature électronique (on pense notamment au Maroc à la loi n° 53-05 relative à «l’échange électronique de données juridiques» du 30 novembre 2007, et en Europe au «Règlement européen sur l’identification électronique et les services de confiance», eIDAS, du 23 juillet 2014).

Il convient dès lors de s’interroger sur les modalités de mise en place de la signature électronique, non sans avoir au préalable abordé la question de sa légalité et des bénéfices liés à une telle transformation.

L’e-signature, est-ce légal ?

La question pourrait paraître superfétatoire tant sa réponse s’appuie sur les bases du droit des contrats, mais il n’est malheureusement pas rare de rencontrer des directions juridiques qui considèrent encore la signature électronique comme illégale au Maroc.
A l’instar d’autres droits d’inspiration civilistes, le droit marocain fait prévaloir le principe du consensualisme en matière contractuelle. Cela signifie que, sauf exception et disposition contraire, tout contrat est considéré comme valablement formé par le seul échange des consentements des parties, même si celui-ci est oral.
Reste bien sûr la question de la preuve, pour laquelle l’article 417-1 du Code des obligations et contrats (modifié par la loi précitée), dispose clairement : «L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité». L’article 417-2 précise toutefois que «lorsqu’elle [la signature] est électronique, il convient d’utiliser un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache». Le contrat sous forme électronique est donc, sous cette condition, reconnu par le droit marocain comme ayant la même force probante qu’un écrit.

Quels sont les bénéfices liés au développement de la signature électronique ?

Les bénéfices pour l’entreprise sont de trois ordres : un gain de temps permettant d’accélérer le rythme du business et de minorer les coûts internes ; une meilleure traçabilité du processus contractuel; et la garantie d’un archivage centralisé des contrats.
L’e-signature permet en effet d’abord de faire gagner du temps : d’une part aux juristes, qui ne sont plus amenés à attendre la direction dans les couloirs de l’entreprise, parapheur à la main, pour faire signer un contrat, et peuvent ainsi se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée ; et d’autre part au Top management, particulièrement dans les grandes entreprises ayant une forte activité à l’international, et une population de directeurs nomades, ceux-ci pouvant dès lors signer le contrat depuis n’importe quel lieu et sur de multiples supports : téléphone, ordinateur portable, tablette numérique, etc.
Elle permet ensuite d’assurer une meilleure traçabilité du processus contractuel, voire d’assurer à la direction juridique une visibilité 360° sur celui-ci, en connectant la plate-forme de signature électronique à une plate-forme déjà existante de gestion ou génération des contrats. Cette traçabilité contribue à l’atténuation des risques liés à la mauvaise gestion des contrats.
Elle garantit enfin un archivage centralisé des contrats, l’original signé se retrouvant alors dans la plate-forme-même, sans qu’il soit nécessaire pour le juriste de poursuivre son client interne afin qu’il lui remette une copie signée du contrat qu’il a négocié avec lui.

Comment mettre en place l’e-signature ?

La mise en place de la signature électronique en entreprise suit 5 étapes :

1. La réalisation d’un diagnostic interne, permettant d’identifier clairement les impacts et bénéfices de la mise en place d’une telle transformation. Il s’agit notamment d’évaluer l’ensemble des documents et contrats de l’entreprise dont la signature pourra être numérisée, certains contrats demeurant de par la loi soumis à un certain formalisme, et le gain de temps y associé. L’objectif est notamment d’établir le rapport coûts de transformation vs économies réalisées via le processus de transformation.

2. L’implication de l’ensemble des parties prenantes dans le processus de transformation. Le passage à l’e-signature est en effet un projet d’entreprise, qui implique non seulement une impulsion forte du Top management, mais aussi une participation de toutes les directions concernées en interne : (SI, Juridique, RH, Marketing, Commerciale, Achats, etc.). Aussi convient-il de mettre en place une taskforce transversale et de gérer cette transformation avec toutes les techniques de gestion de projet, en étant particulièrement attentif au respect des objectifs en termes de QCD (Qualité-Coût-Délai).

3. La rédaction d’un cahier des charges de la solution à adopter. Sans rentrer ici dans le détail de tous les éléments à y intégrer, il importe de noter que pour être conforme aux réglementations locales et internationales, lesquelles sont largement guidées par les mêmes principes, une plate-forme de signature électronique doit généralement permettre de :

• Authentifier l’identité des signataires.
• Démontrer l’intention de signer du signataire (action précise requise).
• Etablir une preuve de la signature (association au document signé).
• Autoriser les transactions électroniques (certaines lois exigent des preuves).
• Gérer les exceptions.
• Archiver les documents.

4. L’identification et le suivi du prestataire externe. Ce n’est pas là l’étape la plus complexe, les solutions disponibles sur le marché étant aujourd’hui nombreuses et simples d’utilisation. Il est néanmoins nécessaire de prévoir le temps lié au lancement de l’appel d’offres, au choix du prestataire et au suivi de ce dernier lors de la phase de paramétrage de la solution.

5. L’élaboration et la diffusion en interne de la politique de signature électronique. Cette dernière étape du processus de transformation doit permettre d’en expliciter pour l’ensemble des utilisateurs et dans un langage clair et non technique: l’objectif, les principes et règles, et la terminologie. Une fois finalisée, la politique sera communiquée dans toute l’entreprise afin que chacun sache quand et comment utiliser les signatures électroniques dans son workflow.

In fine, si elle est correctement menée en mode gestion de projets, la mise en place de l’e-signature peut constituer un quick win pour les directions juridiques : une mise en place simple, peu de formation des utilisateurs et un niveau de paramétrage assez basique. En plus d’assurer un gain de temps, une meilleure traçabilité et un archivage mieux centralisé des contrats, elle permet à la direction juridique d’être au cœur du processus de digitalisation de l’entreprise et de jouer ainsi pleinement son rôle de business partner.