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Pouvoirs

Corruption : le Maroc dernier de la classe ?

Il recule d’une place dans le classement de Transparency International.
Entre 1999 et 2005, il a chuté de la 45e à la 78e place.
Mieux que l’Algérie mais loin derrière la Tunisie.

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«Je ne pense pas qu’on nous a donné la place que nous méritons car beaucoup de choses ont été faites par le Maroc, il y a eu des opérations extraordinaires auxquelles on n’a pas prêté attention», se désole Mohamed Boussaid, ministre de la Modernisation des secteurs publics. Il faut dire que la déception est de taille : non seulement le Maroc a dégringolé d’une place par rapport à l’année dernière, mais il se retrouve à partager le 78e rang mondial avec la Chine, le Sénégal, le Sri-Lanka et le Surinam. Cela fait aussi trois ans que notre pays flirte avec les 3,2 points, sur une échelle de 0 à 10…
«L’enlisement du Maroc dans le classement de l’IPC (Indice de perception de la corruption), au cours des dernières années, est très préoccupant, d’autant plus que la note du Maroc, qui était loin d’être satisfaisante avec 4,1 points en 1999 (4,7 en 2000), a reculé à 3,2 points », prévient l’antenne marocaine de Transparency International dans un communiqué de presse publié à l’occasion de la présentation de l’index annuel. En effet, le Maroc a chuté de la 45e place en 1999 à la 78e après un petit bond à la 37e en 2000.

Il s’agit avant tout d’un indice basé sur la perception
Peut-on en déduire pour autant que la corruption a augmenté au Maroc ? Avant d’en arriver là, il convient de considérer la méthodologie utilisée par Transparency International pour présenter ses chiffres. Etant donné la difficulté de preuve en matière de corruption, la notation est fondée sur la perception de l’importance du phénomène chez les acteurs qui connaissent le mieux le pays examiné, tels que les milieux d’affaires, les analystes de risques, les diplomates, les universitaires, etc., consultés par des organismes indépendants. Les résultats sont ensuite transformés en chiffres, dont on fait la moyenne. Pour éviter une évolution chaotique due à des évènements ponctuels, l’IPC présenté dans le rapport correspond en fait à la moyenne des trois dernières années.
Ainsi, la démarche scientifique adoptée pour estimer la corruption a ses limites. Les résultats peuvent varier selon le nombre de sondages, l’identité des groupes consultés, mais le nombre de pays concernés par ces études peut aussi avoir un impact sur le classement : la meilleure performance du Maroc (37e en 2000) coïncide avec une diminution du nombre de pays examinés : 90, contre 99 l’année précédente… et 158 en 2005. Cela peut expliquer pourquoi, avec une note restée stable depuis trois ans, le Maroc a reculé de 8 places. «Faux, tranche Azzedine Akesbi, secrétaire général de Transparency Maroc, la plupart des pays nouvellement intégrés dans la liste sont plus mal classés que le Maroc ». Et d’insister : « Si la note ne change pas, c’est encore plus grave car elle couvre une période de trois ans», autrement dit, le Maroc stagne dans sa lutte contre la corruption.
Pour sortir de cette situation, Transparency Maroc présente une liste de changements à effectuer, entre autres au niveau de l’indépendance de la justice, la responsabilité, l’élaboration d’une stratégie nationale soutenue par les différents acteurs nationaux et surtout la mise en œuvre concertée du plan de lutte contre la corruption proposé par le gouvernement en 2005.

Des mesures existent mais elles restent trop discrètes
Et le gouvernement, dans tout ça ? Dans un livret publié dès le mois de mai dernier, le ministère de la Modernisation des secteurs publics a présenté une batterie de mesures réalisables à court et moyen terme dont la ratification de la convention des Nations Unies pour la lutte contre la corruption, déjà signée en décembre 2003, et la mise en place d’un organe de suivi et de prévention de la corruption. Sont également prévus : le passage cette année, au Parlement, d’une loi sur le blanchiment d’argent ainsi qu’un amendement de la loi sur la déclaration de patrimoine qui visera particulièrement les fonctionnaires de l’Etat appartenant à des groupes dits «sensibles», explique M. Boussaid qui insiste sur les progrès enregistrés jusqu’à présent, mais inaperçus. La lutte contre la corruption souffrirait-elle d’un manque de communication ? Il faut reconnaître que les mesures annoncées en 2000 et peu ou mal appliquées ont quelque peu décrédibilisé les autorités, quand elles n’ont pas permis aux bénéficiaires de la corruption de s’organiser en conséquence. Signe positif
cependant, signale M. Boussaïd : de plus en plus de gros dossiers reviennent à la surface, ce qui montre que le Maroc a bel et bien pris le taureau par les cornes. Mais il ne faut pas oublier que la corruption la plus grave reste la « petite », celle qui se fait au grand jour. A ce niveau, la lutte relève de chacun et, là, les comportements devant les radars routiers sont instructifs…

11e sur 17 dans le monde arabe !
Comparé à ses voisins arabes, le Maroc reste loin derrière la Tunisie (43e place) qui a pourtant perdu quatre places en un an. Il garde cependant une avance sur l’Algérie, qui figure à la 97e place. Par rapport au reste du monde arabe, il ne figure qu’en 11e position (sur 17), loin derrière Oman, au coude à coude avec Israël. De manière générale, le Proche-Orient a fourni une bonne performance en matière de corruption, Oman, la Jordanie, les EAU, le Qatar et Bahreïn ayant franchi la barre des cinq points avec succès. Dans le reste du monde, on notera la performance spectaculaire de Singapour et Hong-Kong qui ont atteint la 5e et 15e position cette année grâce à leur politique de lutte contre la corruption.