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Communales : Casablanca à  l’heure du bilan

Le Conseil de la ville de Casablanca a voté le compte administratif de l’année 2008.

Mohamed Sajid, descendu en flammes par l’opposition, est également critiqué par ses alliés.
Ce qui a été fait en six ans et ce qui manque. Tour d’horizon.

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Tard dans la nuit du jeudi 12 mars, dans les locaux de la wilaya de Casablanca qui venaient d’abriter l’avant-dernière session ordinaire du Conseil de la ville, l’équipe du maire Mohamed Sajid pouvait savourer sa victoire : son compte administratif au titre de l’année 2008 venait d’être voté sans trop de résistance. «Tous les points inscrits à l’ordre du jour ont été adoptés à l’exception d’un seul, qui doit faire l’objet d’un complément d’étude. Je crois qu’on peut se réjouir à Casablanca car le compte administratif n’a jamais été rejeté. Contrairement à d’autres communes qui ont dû, parfois, traiter leurs comptes en plusieurs sessions, le nôtre est toujours passé en première lecture», se réjouit le président du conseil municipal de Casablanca qui nous a reçus, lundi 16 mars. Au passage, le maire de la capitale économique  n’oublie pas de décocher quelques flèches à ses adversaires. «Bien sûr, nos amis de l’opposition ne sont pas toujours dans des dispositions très constructives. Chaque fois qu’ils voient qu’ils sont minoritaires et qu’ils n’ont aucune influence sur le déroulement du vote, ils préfèrent se retirer» indique-t-il.
En effet, lorsque le texte a été voté, tard dans la soirée, les élus du PPS et de l’USFP avaient déjà claqué la porte du conseil. Il faut dire que la journée avait été longue. Placée sous le signe du retard, la séance n’avait véritablement débuté que vers 10h 30, mais les points d’ordre, présentés par des conseillers, un œil sur le coin de la salle réservé à la presse, ont pris la matinée. Il a fallu attendre 16 heures pour que le premier des 15 points à l’ordre du jour, la présentation du bilan du conseil, soit abordé. Il sera discuté au-delà de 20 heures, sachant que l’élément clé de la séance, le compte administratif, ne se situait qu’en 14e position… Plus tard, lorsque le vote du compte a été avancé, ils n’étaient plus qu’une quarantaine de conseillers dans la salle, sur 131, mais tout cela n’a rien d’inhabituel pour le conseil. En face, pourtant, l’opposition considère que les retards étaient calculés de manière à ce qu’elle déclare forfait avant le passage au vote du compte.

Majorité : le jardin Murdoch relooké, et le tramway pour bientôt…
Qu’à cela ne tienne, la vraie bataille porte sur le bilan de l’équipe Sajid entre 2003 et 2009. Sans surprise, côté majorité, le maire et ses alliés affichent leur satisfaction. « Tout le monde se rappelle de l’état dans lequel se trouvaient les avenues de Casablanca auparavant. Aujourd’hui, il subsiste, certes, des points noirs, mais leur nombre a largement diminué, notamment grâce aux sociétés Segedema et Sita El Beïda», indique Mustapha El Haya, membre de la majorité, qui évoque, au passage, l’éventualité que les sociétés de nettoyage les moins performantes se voient signifier un terme à leur contrat.
Le conseiller PJD souligne également l’achat par la mairie de Casablanca d’un nouveau terrain de 90 km2 à proximité de la décharge de Médiouna, destiné à devenir une décharge contrôlée, conforme aux normes internationales dans deux ans, tandis que l’ancien site serait reconverti en espace vert. Il souligne aussi les progrès enregistrés au niveau du transport urbain. «Nous avons aujourd’hui plus de 600 bus, bien que l’entreprise partenaire n’ait pas tenu ses engagements, qui auraient dû l’amener à en fournir 800. Nous projetons par la suite de passer à 1 000», explique M. El Haya. A ces derniers s’ajoutent les projets de tramway (28 km), de RER Mohammédia-Nouaceur via Casablanca, et même une courte ligne de métro. Sur un autre plan, il souligne également les travaux lancés au niveau de plusieurs boulevards de la métropole. «C’est le cas, par exemple, de l’avenue Al Qods, à Lissassafa, ou encore l’avenue de Fès, qui a été prolongée jusqu’au niveau de la Faculté de droit de Casablanca, dans la commune de Aïn Chock. De nombreuses avenues ont aussi été réaménagées. Nous n’avons pas seulement procédé à des réparations, ce sont de nouvelles voies qui ont été construites», explique-t-il. Le conseiller PJD reconnaît toutefois que tout n’a pas toujours été pour le mieux au niveau de l’équipe dirigeante de la capitale économique , certains membres ayant été moins actifs que d’autres.

Opposition : du marbre de Carrare pour la voirie, mais 200 millions de DH de recettes non récoltées
En face, le revers de la médaille est largement mis en avant. Au-delà du transport urbain et de la propreté de la ville, jugés insuffisants, l’opposition pointe du doigt la voirie, largement endommagée par les dernières pluies. Du côté de l’opposition, l’on explique que les réparations lancées au niveau de certains grands boulevards de la ville ne se sont pas faites grâce au «maire», mais à la suite d’une intervention du nouveau wali de Casablanca, par le biais des fonds obtenus auprès du ministère de l’intérieur. Ailleurs, les travaux d’embellissement menés au niveau des boulevards d’Anfa et de la Marche verte sont critiqués. «Trouvez-vous normal que l’on mette du marbre de Carrare sur certains boulevards, alors qu’il coûte entre 1500 et 1900 DH le mètre carré, qu’il est inadapté à une chaussée et qu’on a recensé quelque 4 000 nids de poule à travers la ville ?», s’insurge Me El Mostapha Sabik, membre sans étiquette politique du conseil. «L’expérience du boulevard d’Anfa l’a montré : les gens utilisent du carton pour s’asseoir sur les bancs car le marbre devient trop chaud à cause du soleil», proteste-t-il. «Trouvez-vous normal que, sur la route d’El Jadida, qui est en bon état, l’on ait cassé l’asphalte pour installer un refuge entre les deux voies ?». Selon une estimation, près de 1,5 million de DH d’asphalte auraient ainsi été retirés.
Sur un autre plan, l’opposition met en avant la quasi- stagnation des recettes de la ville, faute d’efforts au niveau du recouvrement.  «Les recettes ont très faiblement évolué depuis 2003, passant de 194 millions de DH à près de 203 millions. Cela est dû au fait qu’elles ne sont pas encaissées par les différentes régies, car les présidents d’arrondissement ne s’y intéressent pas». Du coup, la ville reçoit bien la part des impôts reversée par l’Etat, mais les recettes correspondant aux cafés ou à l’affichage publicitaire, ne le sont pas. «Leur montant s’élevait à 130 MDH en 2003. Il est de quelque 200 millions aujourd’hui. Autrement dit, les montants à percevoir ont augmenté», explique Kamal Dissaoui conseiller USFP. Cette situation a des effets d’autant plus négatifs que l’opposition reproche à la majorité un contrôle insuffisant de l’usage de ses fonds, aussi bien en matière de qualité des travaux menés, comme pour les travaux d’asphaltage, que concernant l’adéquation entre les factures payées et les services rendus dans des domaines comme la gestion des ordures ou l’éclairage public.  
Enfin, les conseillers de l’opposition accusent le bureau d’inefficacité au niveau de son organisation, estimant que les 15 commissions de la ville sont inactives, alors que leurs présidents et leurs vice-présidents bénéficieraient de voitures et de carburant aux frais de la ville. Ils reprochent également au maire de se contenter d’organiser des réunions ponctuelles avec les présidents des arrondissements de la ville là où des contacts plus réguliers auraient été nécessaires.
Une chose est sûre, les arguments présentés de part et d’autre du conseil sont plus ou moins influencés par l’approche des élections. Pourtant, ils permettent aussi de faire un bilan de l’application  de la nouvelle charte communale.

Unité de la ville : un système à parfaire
Premier constat, effectué de part et d’autre : le nouveau système a encore besoin de temps pour être pleinement appliqué, et des réglages s’imposent au niveau de la loi qui, cette fois, semble être soutenue aussi bien par la majorité que l’opposition. Pour Mohamed Ibrahimy, conseil-ler USFP, le système de l’unité de la ville n’a pas encore réussi à vaincre la multiplicité des sources de décision au niveau de cette dernière, du fait de la présence sur le terrain d’acteurs comme la wilaya ou l’Agence urbaine. Pour M. Sajid, les relations entre la commune urbaine et les arrondissements gagneraient à être revues. «Les gens oublient souvent que nous avons, en plus du Conseil de la ville, une organisation centrale qui gère et consolide les moyens de la ville, des structures satellites que sont les arrondissements, dotés de prérogatives propres, de dotations destinées à remplir un certain nombre de missions de proximité», explique-t-il. Selon lui, ces arrondissements devraient justement voir leurs prérogatives faire l’objet d’une clarification, dans la mesure où la charte communale contient un certain nombre d’imprécisions qui font que des missions peuvent être à la fois menées au niveau des arrondissements et du Conseil de la ville. Il se dit également en faveur d’un renforcement des moyens financiers des arrondissements, et il n’est pas le seul. Au-delà, à l’heure où, même dans les rangs de la majorité, certains critiquent la gestion de M. Sajid, l’accusant implicitement d’avoir profité de la faiblesse de sa majorité pour faire cavalier seul, d’autres proposent que la loi soit modifiée de manière à permettre un changement de majorité et de président en cours de route si nécessaire.
L’on évoque aussi une modification du mode d’élection du Conseil de la ville pour obtenir des majorités solides. «Notre groupe parlementaire a proposé que le président soit élu directement par les citoyens, et non pas choisi par le conseil de la ville», explique M. El Haya. Côté USFP, l’on va encore plus loin. « Pour obtenir une majorité cohérente au niveau du Conseil de la ville, il faudrait maintenir le système de listes pour l’élection des conseillers de la ville de Casablanca, à condition que ces dernières soient soumises au vote de l’ensemble des Casablancais. Au niveau des arrondissements toutefois, l’on reviendrait au scrutin uninominal majoritaire à un tour», explique M. Ibrahimy, qui considère qu’une telle méthode permettrait de renforcer la démocratie locale et assurer la participation du plus grand nombre.
En attendant ces changements, il reste à espérer que le seuil de 6% permettra l’émergence d’une majorité et d’une opposition en mesure de gérer Casablanca.