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Comment le Maroc conçoit sa géopolitique

Déterminé plus que jamais à jouer le rôle intégrateur de l’Afrique, le Royaume multiplie les initiatives. Il œuvre sur tous les fronts pour consolider son statut de porte de l’Afrique.

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Progressivement, le Maroc continue d’assembler les pièces de puzzle. L’organisation d’un événement, la participation à une rencontre, un déplacement à l’étranger…, n’est jamais fortuit. Chaque action est minutieusement étudiée et diplomatiquement rentabilisée et tout verse dans un seul sens : consacrer le leadership régional et continental du Royaume et en faire un partenaire à la fois fiable et efficace et donc incontournable. Des exemples ? On peut en citer à longueur de journée. Le plus récemment nous vient de Bruxelles. Aziz Akhannouch, Chef du gouvernement, a fait le déplacement pour participer aux «Journées européennes du développement». Et pendant ces journées, les 27 ont naturellement évoqué le «Global Gateway». En gros, c’est une stratégie européenne avec comme principal bénéficiaire l’Afrique. Une stratégie dotée d’un budget de l’ordre de 150 milliards d’euros qui n’attend qu’à être déployée, alors que le continent est l’objet de toutes les convoitises, principalement chinoises, russes et turques.

Et naturellement, le Royaume est tout indiqué pour accompagner ce déploiement. Le Maroc accompagnera l’Union européenne dans le déploiement de la stratégie innovante de «Global Gateway», qui se donne les moyens de contribuer à un développement intégré et à une connectivité renforcée mutuellement bénéfique à l’Europe et à l’Afrique, a effectivement affirmé le Chef du gouvernement à l’adresse des membres de l’UE.

Aziz Akhannouch ne s’est pas privé de rappeler aux partenaires européens de notre pays que le Royaume, qui a intensifié durant les 20 dernières années ses échanges avec son continent d’appartenance, est aujourd’hui le 1er investisseur africain en Afrique de l’Ouest, et le deuxième sur le continent. «Le gazoduc Nigeria-Maroc en est l’une des illustrations les plus éclatantes, le Maroc se projette sur des projets d’infrastructures au long cours avec notre continent», a-t-il fait observer. Ce projet de gazoduc reliant l’Afrique à l’Europe doit pouvoir être inscrit comme une initiative phare du plan Global Gateway tant il représente un vecteur puissant d’intégration régionale et bicontinentale. Alors que le Chef de l’Exécutif exprimait ainsi l’engagement du Maroc auprès de l’UE pour la mise en œuvre de sa stratégie envers le continent africain, Rabat accueillait des invités d’un genre bien particulier.

Il s’agit de Fonds souverains africains venus participer, sur invitation d’Ithmar Capital, à l’Africa Sovereign Investors Forum (ASIF). Ce forum a connu la signature d’un protocole d’accord pour la création d’ASIF, conclu par Ithmar Capital et une dizaine de fonds souverains africains, ainsi que la signature d’une lettre d’intention entre la BAD, Africa50 et ASIF, pour la coopération autour des sujets d’identification et de préparation de projets, la mobilisation de capitaux pour la préparation et la réalisation des projets, et la coopération pour le développement des compétences et expertises. En outre, Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), ADQ des Émirats Arabes Unis, Kuwait Investment Authority (KIA), et ASIF ont signé la «déclaration de Rabat» et ce, en guise d’expression de soutien à l’initiative ASIF. Une déclaration de Rabat qui en rappelle une autre, celle signée il y a quelques jours à l’issue de la réunion de 21 parmi les 23 pays de l’Afrique Atlantique. C’est ainsi que l’IAA, pour Initiative Afrique Atlantique, a vu officiellement le jour.

Une vision africaine commune sur cet espace vital, de promouvoir une identité atlantique africaine et de défendre d’une seule voix les intérêts stratégiques du continent. Entre les deux événements, deux réunions importantes ont également eu lieu à Rabat. Le ministre émirati de l’économie a fait le déplacement au Royaume pour la réactivation du conseil d’affaires Maroc-EAU et, une semaine plus tard, c’est le chef de la diplomatie saoudienne qui a présidé, également à Rabat, la commission d’affaires Maroc-Arabie saoudite qui ne s’est plus tenue depuis 9 ans. Deux événements qui ne devraient pas passer inaperçus et dont la portée économique, mais aussi politique, n’échappe à personne. Rappelons au passage que l’Arabie Saoudite nourrit depuis peu de grandes ambitions africaines, alors que les Emirats Arabes Unis sont déjà un acteur africain majeur avec de fortes connexions sur le terrain. Bref, dans moins d’un mois, soit du 19 au 22 juillet, notre pays accueille un autre évènement majeur, une autre pièce de ce puzzle.

Il s’agit du Sommet des affaires États-Unis-Afrique organisé par le Corporate Council on Africa (CCA), en partenariat avec le Maroc et Africa50, la plateforme panafricaine d’investissement dans les infrastructures. Le Sommet sera organisé autour de la thématique suivante: «Construire l’avenir ensemble». Cet événement entend explorer l’engagement renouvelé des parties prenantes émanant des secteurs public et privé à renforcer les échanges et les liens commerciaux, mais également les investissements entre les États-Unis et l’Afrique. Plusieurs chefs d’État africains, des représentants des gouvernements américain et africains, des donneurs d’ordre opérant dans des secteurs contribuant à la croissance économique et à la relance de l’Afrique effectueront le déplacement à cette occasion. Il y a bien évidemment un élément capital sans lequel rien de cela ne peut se réaliser.

Un élément qui fait du Maroc le partenaire privilégié en Afrique que tout le monde courtise. C’est la stabilité et la sécurité. Dans ses récents déplacements aux Etats-Unis et en Espagne et lors de ses rencontres, à Rabat, avec ses homologues, la coopération sécuritaire régionale a toujours été au centre des entretiens entre le directeur général de la DGSN et ses homologues européens et américains. Plus encore, pas plus tard que jeudi dernier, une réunion de haut niveau des chefs des Agences de lutte contre le terrorisme et de sécurité des pays de l’Afrique du nord et du Sahel a démarré ses travaux à Marrakech, sous l’égide du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies.

Placée sous le thème «Renforcement des capacités et formation pour les États d’Afrique de l’Ouest», cette réunion de haut niveau, de deux jours, connaît la participation de 23 pays de la région. Trois jours plus tôt, c’était le début effectif des Opérations de la Task Force Interarmées Multinationales dans le cadre de la 18e édition de l’exercice «African Lion 2022» qui se déroule du 20 au 30 juin. L’édition de cette année connaît la participation de 10 pays africains et internationaux, y compris le Maroc et les Etats-Unis, ainsi qu’une vingtaine d’observateurs militaires de pays partenaires.

Dans tout ce qui précède, le fil conducteur qui réunit tous ces évènements est bien entendu l’Afrique. Et comme l’a d’ailleurs souligné SM Mohammed VI dans le message adressé aux participants au forum ASIF, «il est aujourd’hui temps que l’Afrique puisse s’affirmer, prendre son destin en main et occuper le rang qui lui échoit. La perception du reste du monde de l’Afrique doit évoluer irrémédiablement». Et le Maroc y travaille déjà depuis des années.