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Pouvoirs

Ahmed Herzenni : «je n’ai même pas de veste à  retourner»

Ancien militant d’extrême gauche, il est pris à partie en raison de ses positions vis-à-vis du pouvoir.
Il contre-attaque en prônant la critique constructive et refuse la surenchère.

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Depuis les auditions publiques de l’IER, en décembre 2004, une polémique a éclaté entre Ahmed Herzenni, ex-détenu politique ayant milité au sein des mouvements marxiste-léninistes, au cours des années 1970, et des militants de l’extrême gauche. Ses anciens camarades lui reprochent d’avoir retourné sa veste en défendant le règne de Hassan II, affichant clairement sa proximité avec le pouvoir. Ce dernier a violemment réagi dans une tribune publiée par le quotidien «Al Ittihad Al Ichtiraki», le 14 octobre, traitant ses adversaires de «chiens enragés».

La Vie éco : Votre dernière sortie médiatique surprend. Plusieurs mois après le début de la polémique, vous attaquez de manière virulente aussi bien vos détracteurs de gauche que ceux de droite. Que vous reproche-t-on précisément ?
Ahmed Herzenni : Il y a des personnes de gauche qui s’acharnent sur moi depuis quelque temps et qui me présentent comme une sorte de propagandiste de service. J’étais obligé de me défendre par voie de presse, notamment depuis mon témoignage aux auditions publiques organisées par l’IER. Mes détracteurs de droite m’accusent, eux, de continuer à comploter contre le régime. Enfin, Driss Basri a eu le culot, récemment (Assahifa du 30 septembre), de me coller l’étiquette de déviant politique incorrigible tout en s’étonnant que je devienne le «conseiller» du système en place. J’ai donc répondu à mes détracteurs mais pour une dernière fois. Cette polémique n’a que trop duré.

Depuis votre témoignage lors des auditions de l’IER, on dit qu’Ahmed Herzenni a retourné sa veste…
Je n’ai même pas de veste à retourner. Je suis un fils du peuple. C’est primaire de m’accuser ainsi. Tout ce que j’ai fait, c’est défendre les positions dont je suis convaincu. J’ai aussi présenté un témoignage aux auditions publiques de l’IER qui a forcé le respect, y compris chez ceux qui n’ont pas apprécié certains de ses passages. Mon crime ? Défendre la transition démocratique que nous vivons, face à ceux qui la combattent, qu’ils soient de droite ou de gauche.
La dernière sortie de Driss Basri qui a parlé, en empruntant cette fois-ci un langage de gauche, en parlant de monarchie parlementaire, montre bien qu’il y a collusion entre les deux.

Démocratisation, équité et réconciliation, intégration sociale… dans votre tribune, vous semblez donner carte blanche aux actions entreprises par le souverain. Vos amis d’hier ne vous reprochent-ils pas justement d’être passé du noir au blanc ?
Le souverain n’attend pas de moi que je lui signe un chèque en blanc. Cela dit, je suis loin de bénir tout ce qui se fait. J’ai toujours émis des réserves quand c’était nécessaire, or ces amis d’hier dont vous parlez ne retiennent que ce qui les arrange. Cautionner ou dénigrer à 100% ce qui se fait n’est pas mon genre, seule la voie de la critique constructive est payante.

Vous parlez de monarchie traditionnelle et religieuse et en même temps moderne, une position que vous défendez face à vos détracteurs…
Le Maroc a besoin de quelques aspects traditionnels du système monarchique pour assurer son unité. Je ne vois pas une autre autorité capable de le faire. Tant que cela n’est pas incompatible avec la démocratie, le pays a intérêt à ce que la monarchie assure encore, dans l’état actuel des choses, une fonction religieuse. Je suis d’ailleurs parmi ceux qui sont en faveur du maintien de l’article 19 qui fait du Roi Amir Al Mouminine (Commandeur des croyants). Il ne faut pas oublier qu’il y a péril en la demeure, et le contexte international lui-même nous incite à réactiver cet article de la Constitution.

Vous voulez dire les islamistes…
L’islamiste en tant que tel, non. Ce dernier peut évoluer vers la démocratie, je l’ai toujours dit. L’islamisme extrémiste oui. La prééminence religieuse du Roi est de nature à contrer ce dernier, mais ce n’est pas suffisant, on a besoin aussi d’un islam démocrate qui doit se développer dans la société. Quant à l’aspect moderne de la monarchie, il se résume à son évolution vers
un jeu démocratique plus
libre, voie sur laquelle
Mohammed VI s’est fermement engagé. Je dirai même que certaines formes de fonctionnement de la monarchie sont appelées à évoluer. La bey’a a intérêt, par exemple, à se moderniser. Mais, dans tout cela, la surenchère n’a jamais été une solution.

Vous vous dites également convaincu que le Souverain est ouvert à l’idée d’une réforme de la Constitution, mais qu’il n’y a pas de proposition sérieuse. D’où tirez-vous cette conviction ?
Je la tire des déclarations et de la pratique du Roi : la démocratie est un choix irréversible. Cela suppose évidemment le perfectionnement des institutions et leur adaptation au fur et à mesure de l’évolution de notre société. Cela dit, réforme constitutionnelle, oui. Encore faut-il savoir quoi réformer et quand. Autre chose: je ne conçois une réforme constitutionnelle que dans un cadre consensuel, et non imposée au Roi. La réforme constitutionnelle ne peut être une finalité ou un slogan.

Ahmed Herzenni ancien militant
Gauche, droite, il y a une collusion entre ceux qui combattent la transition démocratique.