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Abdellatif Komat : «La LF 2023 privilégie plus les objectifs à moyen et long terme»

Le doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, de l’Université Hassan II de Casablanca, livre son analyse de la note de cadrage de la future Loi de finances.

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• Quelle lecture faites-vous des orientations globales du PLF 2023 ?

L’impression donnée par la feuille d’orientation pour la préparation du PLF 2023 est que, d’une part, elle s’inscrit dans un positionnement plus qualitatif que quantitatif et que, d’autre part, elle privilégie les objectifs à moyen et long terme, beaucoup plus que ceux fixés pour 2023. En effet, la lettre de cadrage, bien qu’elle porte sur l’exercice 2023, elle a tendance (plus que ses précédentes) à dépasser cet horizon temporel pour s’inscrire dans des objectifs à moyen, voire à long terme (2030). Certes, une LF en général, bien qu’elle porte essentiellement sur les objectifs prévus pour une année donnée, constitue par ailleurs une étape dans la réalisation d’un programme gouvernemental étalé sur cinq années, voire d’un programme de développement qui peut être à long terme (Nouveau modèle de développement pour le cas du Maroc). Il se trouve que la LF de 2023 est triplement censée dépasser l’horizon temporel de 2023 :

En 1er lieu les orientations royales figurant autant dans les discours du Souverain qu’à l’issue des conseils des ministres qu’il a présidés sont essentiellement stratégiques et réformatrices.

En 2e lieu, il s’agit de la 1ère LF qui sera totalement élaborée par le nouveau gouvernement (y compris la feuille de cadrage), ce qui suppose d’y trouver l’ossature de son programme.

En 3e lieu, l’année 2023 devrait être celle de l’entrée effective dans la réalisation des objectifs tracés par le NMD.

• Y trouve-t-on les bases de l’Etat social ?

Effectivement, on peut même souligner que la note de cadrage se veut inspiratrice d’une LF à dominante sociale. Cela était prévisible pour les raisons suivantes :

• Les orientations émanant des discours royaux et des conseils de ministres ont mis l’accent ces dernières années sur le volet social à travers le lancement d’initiatives phares comme la généralisation de la couverture sociale.

• Le programme du gouvernement a mis «la contribution au renforcement des fondements de l’Etat social» comme l’une de ses priorités.

• Le gouvernement considère le NMD comme l’une de ses principales références et inscrit la tendance à la réalisation de ses objectifs comme l’une de ses lignes directrices. Or, l’inclusion qui est le socle de tout système social figure parmi l’un des piliers du NMD et l’un des objectifs du développement escompté en visant l’édification d’«un Maroc inclusif qui offre opportunités et protection à tous et où le lien social est consolidé».

Partant de cela, nous trouvons effectivement dans la lettre de cadrage les bases d’un Etat social à travers notamment l’avancement dans la mise en place du projet de généralisation de la couverture sociale ; l’accélération de l’opérationnalisation du registre social unifié (RSU) comme l’une des pièces maîtresses de ce projet ; la mise en place d’une feuille de route pour la réforme du système éducatif (plan 2022-2026) et, enfin, la poursuite des différents programmes d’encouragement de l’emploi, l’auto-emploi et l’entrepreneuriat social.

• Est-ce que le texte contient assez de mesures pour consacrer la résilience de l’économie et entrevoir la relance ?

Sur le plan économique, l’année 2023 s’entrevoit avec beaucoup d’incertitudes et de défis. En effet après une année 2022 difficile avec un taux de croissance qui s’amenuise avec le temps et qui, au meilleur des cas, se situerait aux alentours de 1%, il sera difficile d’enchaîner sur une autre année avec un faible taux de croissance. En 2023, résilience et relance sont appelées à aller de pair.

Concernant les orientations (et non les mesures attendues dans le PLF) pour consolider la résilience et stimuler la relance, elles sont de nature générale. Le mot d’ordre qui revient avec force est celui relatif à «la promotion de l’investissement». Le Maroc a en effet besoin de booster les investissements, notamment ceux du secteur privé. D’ailleurs, c’est dans ce sens que la Banque centrale (BAM) a fait le choix de maintenir son taux directeur à 1,5% au moment où d’autres banques centrales ont fait le choix contraire. Le Maroc a, en effet, donné la priorité à des prêts à des taux de crédit bas pour stimuler l’investissement et son corollaire la croissance. Dans ce sens, la note d’orientation appelle à l’entrée en vigueur des dispositions de la charte d’investissement comme levier pour stimuler les investissements aussi bien nationaux que les IDE.