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Au Royaume

Il a gagné son pari sur un secteur où personne ne s’était aventuré

Ingénieur d’Etat et titulaire d’un mastère HEC Paris, il fait ses premières armes dans la banque.
En 1997, il crée avec un associé Finaccess, société d’information financière.
La société est aujourd’hui un groupe avec plusieurs filiales employant 500 personnes et faisant partie d’un réseau mondial de référence.

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Khalid Ayouch fait partie de la génération d’entrepreneurs qui refusent le statut d’homme d’affaires classique. Il dit être entré dans ce cercle un peu par accident et, en tout cas, sûrement pas pour gagner de l’argent ou faire fructifier un capital.

D’ailleurs, affirme-t-il, «je n’avais pas à proprement parler d’argent. Mon associé, Oussama El Ayoubi, et moi avons mis 50 000 DH chacun dans ce qui allait devenir la première société d’information financière marocaine en ligne. Mais le nerf de la guerre n’a jamais été l’argent car il fallait travailler et croire à un projet. Nous avions juste besoin d’un local et nous avons pris un appartement pour commencer à réunir la banque de données qui est la base de notre business».

Quelques mois seulement en tant que salarié
Au départ, personne ne donnait cher de ce projet qui allait pourtant essaimer puisque Finaccess est actuellement la tête de file de plusieurs entités qui emploient 500 personnes au total. Khalid Ayouch reconnaît même avoir traversé une période de questionnement et de doute entre 1997 et 1999. Il en parle aujourd’hui avec détachement: «Notre entreprise a commencé avec deux personnes et une idée. Et c’est la peur de devoir, en cas d’échec, aller retravailler pour une institution financière, qui a été un moteur pour moi».

Mais revenons en arrière, pour retracer la trajectoire de Khalid Ayouch, même si ce dernier refuse crânement de parler de lui. Par une sorte de pudeur, il oppose une forte réserve à toute question sur sa vie privée.

Il est né à Casablanca en 1969 et admet, en termes voilés, avoir été porté par l’admiration qu’il vouait à quelques personnes de son entourage immédiat ou proche, comme son père, médecin. Quoi qu’il en soit, il est très tôt attiré par les mathématiques. Après un bac C, obtenu avec mention «bien» en 1987, au Lycée Lyautey, Khalid Ayouch part tout de suite en France pour des prépas maths sup/maths spé, au lycée Sainte-Geneviève, à Versailles.

Entre 1990 et 1993, il est à l’Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées de Grenoble (Ensimag) où il obtient un diplôme d’ingénieur d’Etat option modélisation et décision en économie, en partenariat avec l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) de Paris. Désireux de comprendre le monde de l’entreprise et son fonctionnement, il s’inscrit à HEC Paris où il décroche un mastère en finance internationale avec mention «très bien».

Il ne rentre pas au pays tout de suite. Khalid Ayouch fait ses premiers pas dans la vie active au Crédit agricole, en France. C’est là qu’il se familiarise, entre 1994 et 1996, avec les outils les plus performants en matière de gestion d’actions, de taux, de devises ou encore dans les montages financiers de fonds d’épargne… Cette période a été très formatrice car, après la théorie, il fallait apprendre à tâter la réalité, à mesurer le risque et à prendre des décisions. Et puis, conclut-il, «je n’avais pas à me plaindre car je gagnais bien ma vie avec un salaire qui dépassait les 3 000 euros».

Rentré au pays en 1997, il intègre pour une courte période Attijari Finances Corp. Quelques mois plus tard, il décide de monter avec un associé Finaccess première société d’information financière en ligne marocaine. Grâce au développement du marché boursier, le résultat ne se fait pas attendre.

L’argent est un moyen d’accéder à la liberté de vivre et de créer
Trois années plus tard, le groupe français Fininfo prend une participation dans le capital de la société, puis, en 2007, ce dernier est, à son tour racheté par le géant européen Telekurs. Finacess devient alors Fininfo Mena. Ce faisant, la société enrichit progressivement ses produits en y incluant les marchés financiers de la région Mena, ce qui n’aurait pas été possible sans cette alliance qui permet de conduire toute opération en prenant en compte l’ensemble des acteurs des places financières de la région, qu’il s’agisse des opérateurs, des Bourses des valeurs, des banques centrales ou des gérants de fonds.

Le grand mérite de Finaccess est aussi de n’avoir, à aucun moment, été tenté de sortir de son domaine d’activités, capitalisant sur le savoir-faire et refusant de répartir le risque en allant vers des domaines plus lucratifs. «Si je refuse d’être catalogué “homme d’affaires” dans le sens étroit du mot, ce n’est pas pour avoir et l’argent du capital et la gloire du seigneur. Ma conviction est que l’argent doit être envisagé comme un moyen d’accéder à la liberté de vivre et de créer. Mais pour moi, dès que le gain devient le moteur, nous perdons cette liberté puisque nous devenons esclaves du profit», explique avec philosophie M. Ayouch.

Suivant cette logique, Finaccess, devenu maintenant un groupe, a créé Phonéo, société de télé-services qui offre des produits sur les marchés à l’export. Elle intègre, entre autres, un call center et un centre de traitement en back-office. La dernière-née du groupe est Inforisk, société d’information commerciale couvrant l’ensemble des données sur les entreprises au Maroc, fondée en partenariat avec Dun & Bradstreet, un opérateur mondial de référence dans le domaine.

Finaccess avait par ailleurs développé très tôt des partenariats avec de grandes structures comme le Crédit Agricole France, entre 1994 et 1996, Attijari Finances Corp en 1997 et l’agence internationale de notation financière Fitch Ratings en 1998. Cela avait permis au Maroc, se rappelle-t-il, de gagner quelques points grâce à l’ajustement de certains critères.

Le désir de s’ouvrir est réel, mais «le groupe veut garder une identité marocaine», insiste Khalid Ayouch qui, outre ses responsabilités, participe à l’animation de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) en tant que vice-président de la fédération des secteurs bancaire et financier. Il est aussi membre de la communauté des «Young arab leaders» et du World Economic Forum de Davosn.