Pouvoirs
Rencontre avec «Physicians for Human Rights»

Ran Yaron est responsable du département Territoires occupés de l’association «Médecins pour les droits humains». Nous l’avons rencontré à Jaffa dans les locaux de l’association.
Physicians for Human Rights (PHR, Médecins pour les droits humains) est une organisation israélienne de médecins créée voici 22 ans. Elle possède plusieurs services médicaux, dont 2 cliniques fixes en Israël et une clinique mobile en Territoires occupés. L’association, très active, compte 1 500 membres, pour la plupart volontaires, médecins, infirmiers, nurses… Son département Territoires occupés est dirigé par Ran Yaron, médecin israélien, et a pour vocation de venir en aide, notamment médicale et administrative, aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.
Le besoin des Palestiniens en terme de santé est colossal : «Depuis plus de 40 ans d’occupation (c’est-à-dire depuis l’annexion en 1967), Israël n’a rien fait pour la Palestine, malgré ses devoirs de puissance occupante. La situation médicale est déplorable, surtout dans les domaines spécialisés comme l’ophtalmologie, la cardiologie ou le traitement des cancers. Nous devons alors essayer, mais c’est un véritable parcours du combattant, de faire transférer les patients palestiniens vers des hôpitaux israéliens», annonce de but en blanc Ran Yaron. Pour les personnes atteintes de cancer il n’y a en effet pas d’autre solution, les autorités israéliennes refusant l’implantation de toute infrastructure anticancéreuse dans les Territoires occupés pour cause de présence de produits radioactifs dans le matériel de radiothérapie.
Selon Ran Yaron, «l’infrastructure médicale à Gaza et en Cisjordanie est basique, mais acceptable», y compris pour ce qui concerne la maternité. Les difficultés surgissent dès lors qu’il s’agit d’un besoin médical plus pointu, comme pour le traitement des diabètes. La clinique mobile, qui se déplace tous les samedis en Cisjordanie, ne peut pallier qu’aux cas les plus simples : «c’est une goutte d’eau dans l’océan».
C’est pourquoi la seule solution dans ce cas est de faire transférer le patient vers un hôpital israélien. Mais pour cela les Palestiniens ont besoin d’une autorisation spéciale… délivrée par l’armée ! C’est alors que la machine administrative de PHR peut se rendre utile, documents médicaux à l’appui, pour tenter d’intercéder auprès des militaires et obtenir le fameux sésame.
Concernant Gaza, c’est encore plus délicat. Il n’y a là aucune infrastructure, car c’est une prison à ciel ouvert, entourée d’un mur de béton de 6m de hauteur, avec 2 seuls points de passage : celui de Rafah à la frontière avec l’Egypte, ouvert une fois par semaine, et celui d’Eretz à la frontière avec Israël. «Le passage d’Eretz est ouvert 6 fois par semaine mais il est impossible d’obtenir un laisser-passer dans un sens comme dans l’autre, alors qu’il y a 1 500 à 2 000 malades à soigner. Pour venir se faire soigner en Israël les patients sont confrontés à un chantage odieux de la part des militaires qui leur demandent de collaborer avec eux. Ils sont ainsi condamnés à mourir de maladie ou à être lynchés voire exécutés par les Palestiniens».
PHR parvient rarement à entrer dans Gaza : 9 fois en 2008, 3 fois seulement en 2009… mais aucune depuis juin 2009. Ainsi, 15 personnes ont été refusées pour traitement depuis janvier 2010 pour «raisons de sécurité», et PHR n’a pas été autorisée à rentrer les soigner. «C’est pourtant Gaza qui souffre le plus de besoin médical, avec 85% des quelque 150 demandes de soins qui nous proviennent des Territoires occupés».
PHR essaie également de lutter pour qu’«Israël respecte ses obligations internationales et qu’elle cesse de présenter chaque permission comme un geste de générosité», rappelle Ran Yaron. PHR essaie notamment d’intervenir auprès de l’ONU et des Etats pour mieux les informer de la situation et publient dossiers et documents en ce sens. Car PHR se veut également une association politique, à l’inverse de Médecins du Monde et de Médecins Sans Frontières, avec lesquelles ils travaillent parfois en collaboration. PHR n’a cependant pas accès aux prisonniers palestiniens… pour raisons de sécurité.
Pour Wassim Abbas, responsable du Département chargé du désert du Néguev au sein de PHR, il est important de souligner que, dans cette partie du pays, 65% des demandes de soins proviennent des Bédouins, alors qu’ils ne constituent que 25% de la population du Néguev : «Cela est dû à la présence de 19 usines chimiques (pesticides, médicaments, produits de nettoyage…), mais également au fait que c’est une zone militaire où sont abandonnés des déchets de toutes sortes, des mines, des grenades, ce qui engendre parfois des blessés et même des morts (3 cas répertoriés officiellement en 2009)».
PHR intervient beaucoup également auprès de la Cour Suprême pour contraindre l’Etat à assurer les services minima tels que l’accès de villages du Néguev à l’eau et à l’électricité comme, par exemple, dans le cas de cette fillette cancéreuse de 3 ans «dont le traitement nécessite un réfrigérateur pour la conservation des médicaments de chimiothérapie… Mais la Cour a estimé que c’était à la famille de ne pas habiter dans une région dépourvue d’électricité» !
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