Les dix enseignements d’un scrutin
Un taux de participation très faible, inférieur à 50% en
moyenne.
Istiqlal, RNI et USFP sont le trio gagnant.
Le PPS et les partis de la mouvance populaire réalisent une belle percée.
Le PJD, lui, se contente des miettes.
Le vendredi 25 juillet 2003 se sont déroulées les élections professionnelles, inaugurant ainsi un processus ponctué de six consultations électorales, dont les régionales du 24 octobre 2003 constitueront la dernière étape.
Sans surprise, le premier rendez-vous de ce long calendrier électoral a eu lieu dans l’indifférence quasi générale. Preuve en est, les taux de participation très faibles enregistrés lors de ce scrutin. La palme de l’abstention est revenue aux électeurs des chambres d’artisanat avec un taux de participation très modeste, de 40,67%. Les chambres d’agriculture et les chambres de commerce, d’industrie et de services (CCIS) ont fait légèrement mieux, mais sont restées en dessous de la barre fatidique des 50%, puisque les premières ont atteint un taux de participation de 45,55%, contre 45,80 pour les secondes. Exception qui confirme la règle ? Dans ce triste palmarès, seuls les électeurs des chambres des pêches maritimes ont été relativement nombreux à se rendre aux urnes (59,85%).
Des résultats de ce scrutin, une dizaine d’enseignements peuvent être tirés.
Premièrement, cette abstention massive devrait-elle nous inciter à l’inquiétude quant au taux de participation lors des communales du 12 septembre ? Non, car ce serait faire un raccourci trop simple. La désaffection des électeurs pour les élections professionnelles tient essentiellement à l’inefficacité et à l’absence de visibilité et d’action de ces chambres sur le terrain.
Deuxièmement, et nonobstant le faible taux de participation, les résultats apportent quelques surprises et confirment ce que l’on savait déjà. Ainsi, grâce à son maillage serré du territoire national en termes d’implantation partisane et électorale, l’Istiqlal remporte ces élections haut la main, avec 317 sièges, suivi de près par le RNI, avec 288 sièges, qui confirme son statut de parti charnière. Le parti de Abbès El Fassi réaffirme de manière éclatante le fait qu’il constitue la première force électorale du pays. Les prétentions de ce parti iront par conséquent à la hausse lors de tout remaniement ministériel.
Pour sa première participation, le PPS cartonne
Troisièmement, l’USFP, fort de son nouveau statut de parti gouvernemental et de premier parti parlementaire du pays, est propulsé à la troisième place du podium, avec 227 sièges. D’habitude, il était classé au bas du tableau des résultats des élections professionnelles.
Quatrièmement, le PPS, qui en est à sa première participation organisée à ces élections, réalise une remarquable performance avec 102 sièges. S’il confirme ce résultat lors des prochaines consultations, il s’imposera comme l’allié de gauche incontournable de l’USFP et pourra rendre à la Koutla démocratique son attrait électoral, puisque les trois principaux partis politiques de cette alliance (PI, USFP et PPS) ont remporté 646 sièges, soit à peu près le tiers des sièges à pourvoir pour ces élections (2162).
Cinquièmement, la famille de la mouvance populaire renforce ses positions. Le pôle Haraki, regroupant trois composantes partisanes : le MP de Mohand Laenser, l’UD de Bouazza Ikken et le MNP de Mahjoubi Aherdan, remporte 461 sièges, dont 208 pour le MP, 130 pour l’UD et 123 pour le MNP. Si le rapprochement entre le RNI et la famille harakie se concrétise, nous aurons deux pôles politiques de force électorale équivalente.
Sixièmement, les résultats du PJD sont désastreux. Il se classe en onzième position, avec seulement 39 sièges remportés. Il est largement dépassé même par des partis moyens comme le FFD (58 sièges) ou le PND (75 sièges). Selon l’un de ses dirigeants ayant requis l’anonymat, cela s’explique par la très faible implantation du parti dans les secteurs d’activité couverts par les chambres professionnelles et parce que ce milieu ne constitue pas une cible électorale du PJD. Faut-il ajouter que le milieu social du petit patronat est peu perméable aux idées du PJD ?
Extinction annoncée du MDS et de FC
Septièmement, les partis de droite, comme l’UC et le PND, qui ont connu jadis leur heure de gloire, continuent leur dégringolade, revenant ainsi à leur dimension réelle. Le fait même que l’UC, qui était le premier parti du pays lors des élections législatives de 1984, soit dépassé par le PPS est un signe des temps. Il indique que la recomposition du champ politique national est à l’œuvre.
Huitièmement, le MDS de Mahmoud Archane poursuit sa descente aux enfers. Il est tout simplement en train de disparaître de la carte politique, puisqu’il n’a remporté que 16 sièges sur les 2 162 sièges à pourvoir !
Neuvièmement, le sort électoral des deux nouveaux partis se réclamant du libéralisme laisse songeur : Forces citoyennes (FC) de Abderrahim Lahjouji risque de disparaître de la carte électorale. Il n’a remporté que 5 malheureux sièges, ratant de deux marches la position peu enviable de lanterne rouge. Alliance des Libertés (ADL), présidé par Ali Belhaj, s’en sort relativement bien avec 34 sièges. Mais cela reste en deçà de ce que l’on pouvait attendre d’un parti avant tout dirigé vers le monde des affaires.
Dixièmement, les SAP (sans appartenance politique) ne remportent que 275 sièges, alors qu’auparavant ils ne laissaient que des miettes aux partis politiques. C’est là aussi un changement politique majeur.
Maintenant, la bataille pour les fauteuils présidentiels des 93 chambres professionnelles fait rage, particulièrement dans les régions où l’on devra élire les 27 parlementaires pour le renouvellement du deuxième tiers de la Chambre des Conseillers