Pouvoirs
Le bourbier du tsunami
L’article d’«Attajdid» a suscité une large mobilisation. Le PJD a, cette fois, fait l’unanimité contre lui. Comment va-t-il s’en sortir ?
Tous ceux qui, péremptoires et un tantinet prétentieux, nous annonçaient le triomphe de l’intégrisme comme inéluctable devraient se raviser. L’article d’Attajdid sur le tsunami a suscité une réprobation généralisée. La presse dans son ensemble a dénoncé ce relent fascisant. La société civile va organiser un sit-in face au local d’Attajdid, ce samedi 29 janvier.
L’AMDH a condamné fermement, les partis démocratiques ont dénoncé, l’anathème jeté sur la société marocaine dans son ensemble, et sur l’activité touristique en particulier.
Face à cette déferlante, le PJD a tenté plusieurs tactiques. La première a été une tentative de réduire le problème à une confrontation entre le PJD et deux journalistes de 2M. Taoufiq Debbab et Samira Sitaïl sont accusés d’avoir «organisé» une attaque contre le PJD. Le stratagème n’a pas pris, sauf chez quelques pantouflards de la HACA. Or, l’argument du PJD est que 2M les a associés à Attajdid, journal indépendant, paraît-il. Leur ficelle est grosse, même grossière. Il y a deux mois, cinq députés du PJD, Ramid en tête, ont déposé une question écrite au Parlement, demandant des explications sur l’absence d’Attajdid dans la revue de presse de 2M. Par ailleurs Attajdid publie quotidiennement les communiqués, discours et compte-rendus du PJD.
Le bras de fer engagé contre une partie de la rédaction de 2M avait trois objectifs. Le premier : détourner l’attention du corps du délit, c’est-à-dire l’article sur le tsunami. Le second : mettre la pression sur les médias publics pour les neutraliser dans le débat de société, musclé, décisif qui s’engage. Enfin, le troisième objectif, éminemment politique, est d’évaluer les réactions de l’ensemble, les partis, mais aussi l’Etat. C’est ce que des membres de la HACA n’ont pas compris.
Dénégations en série
L’article sur le tsunami revendiqué par son auteur est, au fil des jours, renié par la direction du PJD. Mustapha Ramid a déclaré que s’il avait la direction du journal, il aurait censuré ce papier. Othmani affirme qu’il ne l’a pas lu. Quant à Benkirane, il reconnaît qu’il y a matière à controverse. Mieux, il trouve même des arguments religieux contre les affabulations de son rédacteur en chef. Si ce n’est pas du lâchage, cela y ressemble fortement.
Le PJD assimile la controverse en cours à celle ayant suivi le 16 mai. Ce n’est pas faux, dans la mesure où ce qui est reproché à son discours, c’est de couver, in fine, le terrorisme. Pour l’instant, il pratique le terrorisme intellectuel.
Ainsi, Benkirane, qui a fait le tour des rédactions, annonce que tous ceux qui cesseront d’attaquer le PJD seront «laissés tranquilles». Sinon ? Sinon il rappelle la bataille autour du plan d’intégration de la femme et la capacité de mobilisation du PJD.
Seulement l’instinct de survie a joué. Le président de la Fédération des hôteliers a réagi, les partis, à part l’Istiqlal, ne se sont pas cachés et la tentative de diaboliser 2M a avorté. Ce n’est que le début d’une mobilisation qui vise un large rassemblement anti-intégriste. Jusqu’ici, le PJD a toujours choisi ses combats. Il donne l’impression que sa dernière provocation n’était pas calculée. Il ne sortira pas du bourbier du tsunami indemne.
