SUIVEZ-NOUS

Pouvoirs

Bientôt une nouvelle police dans les rues de Casablanca

A partir de début mars, une quarantaine d’agents de la police administrative entameront leurs fonctions. Ils exerceront des missions de contrôle limitées dans les domaines de l’urbanisme, l’hygiène et une partie de la circulation. Ils pourront verbaliser et percevoir les amendes de moins de 100 DH.

Publié le


Mis à jour le

police casablanca 2013 02 22

Ils seront une quarantaine d’officiers de la toute nouvelle police administrative de Casablanca à arpenter, dès le mois prochain, les artères de la commune d’Anfa. Ces agents fraîchement nommés et dûment assermentés devant les tribunaux, flanqués de leurs uniformes de fonction et de cartes d’officiers de police, se chargeront de faire respecter la loi en matière de propreté, stationnement, exploitation de domaine public communal et de l’urbanisme. Selon Abdelhak Mabchour, élu du Parti travailliste (PT) au Conseil de la ville et président de la commission initiatrice de ce projet, la commission chargée de la révision des contrats, du patrimoine et du domaine public communal, «l’expérience démarrera en principe au début du mois de mars, dès la signature de la charte instituant ce corps de police par le wali et le président du Conseil de la ville». Elle concernera, dans un premier temps, l’arrondissement d’Anfa pour être étendue plus tard au reste de la métropole. Le déploiement de ses éléments dans les rues et les avenues de la capitale économique n’est donc plus qu’une question de formalités.

Pour ce qui est de leurs pouvoirs, les nouveaux agents de la police administrative, agents verbalisateurs assermentés, auront la latitude d’infliger des amendes à toute personne qui enfreint la loi, dans la limite de leur intervention. Ils pourront percevoir des amendes dont le montant ne dépasse pas 100 DH. Pour les infractions engendrant des amendes supérieures, ils se contenteront d’en dresser des PV et de les remettre au président du Conseil de la ville qui peut les transmettre, à son tour, au tribunal. «Pour les infractions ou délits qui ne relèvent pas de leurs compétences, ils sont tenus d’en informer les autorités compétentes, les services de la Sûreté nationale ou les autorités locales», explique Abdelhak Mabchour. C’est que, comme le stipule la charte instituant ce service, «la police administrative n’exerce ni les attributions des forces de sécurité, ni celles d’autres services gouvernementaux habilités à remplir les fonctions de certains types de police administrative spéciale». Autrement dit, précise le même document, ces agents seront spécialisés, exclusivement, dans le suivi et l’exécution des décisions du Conseil de la ville. Il s’agit, évidemment, des décisions qui ne dépendent d’aucune autre autorité gouvernementale. Bien entendu, les agents de la nouvelle police administrative, recrutés parmi le personnel de la commune (principalement des fonctionnaires titulaires de licences ou des techniciens communaux), seront dotés de moyens matériels pour accomplir leur mission. Des véhicules et des motos seront notamment mis à leur disposition pour les besoins de déplacement à la célérité de l’exercice de l’exécution de leur mission.
Mais pourquoi avoir attendu dix ans pour donner corps à une disposition de la charte communale de 2003 ? La nécessité ne s’en est pas faite sentir, à ce jour, s’empresse-t-on de répondre.

A l’origine, une pluie de procès devant le tribunal administratif

En réalité, la ville de Rabat, la première à avoir tenté cette expérience, nous offre une autre réponse. «A Rabat, le projet date de l’année 2004, il n’a pu avoir le feu vert de la wilaya que depuis à peine une année. Les autorités de la ville se sont montrées réticentes, au début, par peur qu’il y ait amalgame, chez les citoyens, entre cette police administrative et les éléments de la Sûreté nationale ou des forces de l’ordre», explique Abdessalam Balaji, député et membre PJD du Conseil de la ville de Rabat. La wilaya a fini par céder et, finalement, il n’y a pas eu de confusion chez le citoyen. «D’ailleurs, avec leur nombre réduit, une cinquantaine au total, ils passent presque inaperçus. Les craintes de la wilaya qui ont retardé de 8 ans leur déploiement n’étaient donc pas fondées», ajoute cet élu PJD de la capitale.

Qu’est-ce qui a donc précipité les deux villes à se doter de ce corps de police ? D’abord la multiplication, il y a un peu plus de cinq ans, des procès contre les sociétés gestionnaires des parkings municipaux. Rabat en a connu une série qui ont tous donné raison aux plaignants qui ont attaqué les exploitants des parkings publics pour «mise sous séquestre d’un bien d’autrui sans autorisation du juge». En d’autres termes, l’immobilisation des véhicules privés par les fameux sabots. C’est l’ancien bâtonnier de Rabat et actuel secrétaire général du PADS, Abderrahmane Benameur, qui a ouvert le bal, en 2007 déjà, des procès contre l’entreprise de gestion des parkings de Rabat. Il a contesté devant un tribunal administratif la légalité de la mise sous séquestre de son véhicule par les agents de cette entreprise. Le juge, se basant sur le texte de la charte communale, a conclu que la procédure de mise sous séquestre est illégale car elle relève des prérogatives de la police administrative et ne peut, en aucun cas, être déléguée à une entreprise privée. M. Benameur a même pu, par la même occasion, obtenir la modique somme de 3 000 DH à titre de dommages et intérêts.
Casablanca a attrapé cette fièvre peu de temps après. S’en est suivie toute une polémique à l’échelle nationale. L’Istiqlal, parti du Premier ministre d’alors, Abbas El Fassi, a surfé sur la vague, en déposant au Parlement une proposition de loi portant interdiction de «toute immobilisation ou mise sous séquestre d’un bien par des personnes morales ou physiques privées sans en avoir reçu l’autorisation explicite de l’autorité judiciaire compétente». Il aura fallu l’intervention, début 2008, de l’ancien ministre de l’intérieur, Chakib Benmoussa, pour calmer la situation. C’est de cette époque que date, d’ailleurs, la création du premier noyau de la future police administrative de Casablanca. Mais «on s’est tout de suite rendu compte que les dix fonctionnaires affectés à ce service ne pouvaient pas suivre le rythme des agents employés par les gestionnaires des parkings publics dans la ville», affirme Abdelhak Mabchour.
Si ces procès sont, de loin, la cause principale qui a incité les conseils communaux des deux villes à mettre en place ce corps de police, ils n’en sont pas les seuls. D’autres facteurs sont évoqués, comme cette propension croissante des citoyens à occuper impunément, et de manière de plus en plus sauvage, le domaine public communal, la dégradation de l’hygiène dans les villes ou encore les multiples infractions au code de l’urbanisme.  

Eviter à tout prix les erreurs de Rabat

Autre question : Comment une expérience qui a, manifestement, échoué à Rabat, pourrait-elle réussir dans une ville comme Casablanca ? «Les deux villes sont incomparables, à plusieurs égards», affirme d’emblée M. Mabchour. Les problèmes ne sont pas les mêmes, le mode de gouvernance n’est pas non plus comparable. Il faut dire que les autorités de la capitale économique ne se sont pas arrêtées à ces deux considérations. Le Conseil de la ville a déjà tenté une expérience à échelle réduite (dix agents contrôlent déjà les parkings publics de la ville), sans parler des agents de contrôle de l’hygiène municipale qui exerçaient dans la métropole jusqu’aux années 80. Cela d’une part. D’autre part, une commission de veille sera formée dès l’entrée en fonction de la future police administrative pour en assurer le suivi de l’évolution et parer aux problèmes qu’elle pourrait rencontrer. Cette cellule sera directement reliée au président du Conseil de la ville. Autre facteur qui jouera en faveur de la réussite de l’expérience, les agents nouvellement affectés devront suivre une formation juridique et technique pointue auprès des services de la Direction générale des collectivités locales. Plus tard, ils pourront même bénéficier d’un intéressement matériel en fonction de leur rendement. «Ce n’est que justice que de gratifier ceux qui travaillent honnêtement», affirme Abdelhak Mabchour.    
Il faut préciser qu’à Rabat les agents recrutés et formés en 2004 ont attendu huit ans pour être affectés. Ce qu’ils ont acquis comme formation et savoir-faire est dépassé s’il n’est pas oublié. De même, laisse entendre un membre du Conseil de la ville, «ils ont été recrutés dans des conditions que l’on ne peut pas qualifier d’irréprochables».

Vivement une loi pour organiser ce corps de police

C’est qu’à cette époque, les procédures de recrutement dans les communes étaient plus que douteuses. En tout cas, il n’y avait pas obligation de passer par un concours. Leur nombre réduit, 50 agents au total contre près de 600 annoncés au moment du lancement de l’expérience, fait qu’ils sont tout le temps débordés. Cela alors que, explique le député Abdessalam Balaji, également membre PJD du Conseil de la ville, «il nous faut au moins 250 à 300 agents pour les cinq arrondissements de Rabat, si l’on veut parler d’une véritable police administrative. Et ce, à cause de l’étendue de la surface à couvrir, la multitude des tâches à accomplir et le besoin de travailler en groupe et de se relayer pendant les douze heures de travail par journée». En attendant, la cinquantaine d’agents que compte ce service font de nouveau face à un avenir incertain, à moins que le projet ne soit revu de fond en comble. Cela dit, l’expérience, même si elle est actuellement en stand-by, n’est pas complètement abandonnée. Toutefois, affirme ce conseiller de la ville, «il faut d’abord effectuer une étude objective avant de la poursuivre. Nous devons également recruter de nouveaux agents auxquels il faut donner une formation convenable et des moyens de travail adéquats». C’est que, ajoute M. Balaji, «une police administrative est plus que nécessaire et ce n’est pas seulement parce que c’est inscrit dans la charte communale. Et ce, pour contrôler les infractions à l’environnement, l’édilité et les espaces verts, organiser les parkings publics. Cette idée de revoir ce corps est toujours d’actualité. Mais il nous faut les moyens financiers et humains».

Dans un cas comme dans l’autre, il faut d’abord combler le vide juridique qui entache ce domaine. La seule tentative de légiférer sur la question remonte, en effet, à juin 2008. L’UC, déjà dans l’opposition à l’époque, avait déposé une proposition de loi au Parlement. Laquelle proposition, qui n’a jamais été programmée pour examen et adoption, parle d’une police de proximité au pouvoir de verbalisation et dont les PV seront soumis aux tribunaux de première instance pour examen et jugement. Son champ  d’action, tel que délimité par les auteurs de la proposition de loi se limite à l’environnement, l’habitat, le contrôle dans des gares routières, les infractions concernant l’affichage public ou encore le transport urbain et certaines infractions au code de la route. Le texte prévoyait de confier aux membres de cette police administrative des missions d’intervention préventive, sans pour autant marcher sur les plates-bandes de la Sûreté nationale ou des autorités locales. Les auteurs du texte avaient proposé que toute commune de plus de 25 000 habitants soit dotée d’un tel corps de police. Ce texte, s’il était adopté, devait non seulement combler le vide juridique en la matière, mais permettre à nos communes de faire un véritable bond en avant. Ne serait-ce que pour la gestion des casse-têtes que sont encore aujourd’hui l’espace urbain, les espaces verts, la propreté et la circulation urbaine.