20 février : les uns et les autres

Un climat de tension règne alors que la porte du débat n’a jamais été aussi ouverte. Entrons dans le concret et que les voix qui portent le plus loin gagnent.

A l’ère de l’internet, les photos ont vite fait le tour des réseaux sociaux dans l’heure qui suit, avant d’être publiées dans la presse, les jours suivants. Tous ont vu. Les Marocains ont été choqués de voir une manifestation pacifique tourner à la bastonnade, un excès de zèle, un retour de réflexe sécuritaire, en totale contradiction avec l’esprit du discours du Souverain, le 9 mars, dans lequel il appelle à «l’élargissement du champ des libertés individuelles et collectives et la garantie de leur exercice».  La manifestation pacifique est un droit qui ne saurait être réprimé.

La question, cependant, va au-delà de ce principe. Pourquoi manifeste-t-on aujourd’hui ? Certains estiment que le discours du Souverain n’est pas allé aussi loin que ce qu’ils souhaitaient, d’autres mettent en avant leur rejet du mode de nomination des membres de la commission appelée à se pencher sur la réforme de la Constitution, d’autres encore veulent une dissolution immédiate du Parlement et du gouvernement. Mais des opinions différentes existent aussi. On peut par exemple évoquer ceux qui pensent que la commission devant obligatoirement se concerter avec les composantes de la société et que, in fine, la nouvelle Constitution devant être soumise à référendum, les avis se seront donc exprimés en amont et en aval avec un droit de veto du peuple.

On peut également mettre certains devant leurs contradictions. Eux qui réclament un pouvoir mieux partagé devraient se poser la question : Si le Parlement et le gouvernement sont immédiatement dissolus, qui va gérer le pays pendant cette longue période que durera le vide juridique ? Institutionnellement c’est le Roi et les Marocains ne feraient confiance à personne d’autre. Enfin, et personnellement, je serais curieux de savoir si dans d’autres pays, les membres d’une commission de réforme de la Constitution ont été nommés par référendum. La réponse est non car un accord ne serait jamais trouvé. Qui va les nommer ? Un Premier ministre déjà rejeté, un Parlement discrédité ? En un mot, l’opinion est libre mais elle n’est pas une.

L’opinion est libre et elle a le droit de s’exprimer pacifiquement et publiquement, mais elle doit également entrer dans le jeu de la proposition et de la négociation, participer au débat. Car ce que ne disent pas les nombreux autres qui ne s’expriment pas c’est que les Marocains ont peur. Les pères de familles ont peur du climat de tension qui règne, les hommes d’affaires sont tétanisés par la conjoncture, la consommation des ménages s’est repliée et les touristes et investisseurs scrutent d’autres cieux. Cela alors que, paradoxalement, jamais la porte du débat n’a été aussi ouverte qu’aujourd’hui. Etre vigilant c’est bien, participer c’est mieux. Entrons dans le concret et que les voix qui portent le plus loin gagnent.