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Société

Violence contre les hommes : Questions à Abdeltif Habachi, Sociologue et expert au sein du RMDDH

«La violence contre les hommes existe, les associations féminines doivent en tenir compte»

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Abdeltif-HabachiLa Vie éco : Pouvez-vous nous parler de la violence dans la société marocaine et précisément la violence conjugale ?

Il s’agit aujourd’hui d’un problème épineux, mais qui, il faut le dire, ne concerne pas uniquement le Maroc. C’est un phénomène qui se présente sous diverses formes et qui touche toutes les catégories socioprofessionnelles. Et ce, en raison des différentes mutations qui sont intervenues dans les sociétés et qui ont eu un impact à la fois économique, social, politique et culturel. Toutes les sociétés ne sont pas préparées, de la bonne manière, à vivre ces mutations et à y faire face. D’où l’émergence de nouveaux comportements et de nouvelles valeurs. Ce qui a débouché sur une schizophrénie sociale. L’absence d’un projet sociétal dans certains pays n’a fait qu’aggraver cette situation.

Ce qui nous intéresse ici c’est la violence conjugale qui constitue aujourd’hui un phénomène sociologique, en particulier la violence à l’encontre des femmes qui est la plus courante. Mais les hommes en sont également victimes.

Par comparaison aux autres pays du monde, comment gère-t-on ce phénomène au Maroc ?

En ce qui concerne le Maroc, on peut parler d’une évolution institutionnelle et législative en matière de violence. Cependant, sur le terrain il n’y a pas eu beaucoup de changement dans la prise en charge concrète de la violence. Selon diverses études et enquêtes sur la violence, plus on descend dans l’échelle sociale, plus les inégalités, les exclusions, les violences contre les femmes sont importantes et aggravées par l’ignorance et la peur d’en parler… Un rapprochement entre les pays du Sud et les pays développés laisse apparaître des différences importantes dans letraitement des affaires de violence conjugale. On notera que dans les pays européens, il y a une similitude en ce qui concerne la situation des femmes.  Alors que dans les pays arabes par exemple la situation varie d’un pays à l’autre en fonction de l’histoire, de l’évolution de la société, du niveau d’instruction, des traditions et surtout de la politique de l’Etat en la matière. Sur cette question la Tunisie est bien avancée. Au Maroc, ce n’est qu’en 1999 que l’on s’est penché sur la question de la femme et surtout de son intégration dans la stratégie de développement. Et en 2016, on ne s’intéresse pas encore à la violence contre les hommes !

Justement, quelle analyse faites-vous de la violence contre les hommes ?

C’est un sujet qui suscite généralement de l’étonnement. Ce qui confirme l’image que l’on a de l’homme fort et violent à l’égard de la femme. Pour la plupart des Marocains, la violence contre les hommes reste marginale. En revanche, ce sont les femmes qui en souffrent le plus. Preuve en est qu’aujourd’hui l’intérêt est surtout porté sur la violence contre les femmes et les associations planchent sur cette problématique au détriment de la violence contre les hommes. Il est difficile d’avancer des statistiques car c’est un tabou et les hommes se livrent moins et plus difficilement que les femmes.

Pour cela, les associations devraient être plus à l’écoute de la société et de ses mutations afin d’aider à la construction d’un projet de  société et donc d’une famille équilibrée.

Globalement, que faut-il faire au niveau des pouvoirs publics et de la société civile pour contrer ce phénomène ? 

n Au niveau des pouvoirs publics, il faut d’abord déterminer le projet de société que l’on souhaite et de la place que l’on voudrait donner à la femme et à l’homme dans cette société. Ensuite, il faut en débattre librement et que toutes les parties concernées soient impliquées. Pour l’instant, on peut dire que nous avons échoué à ce niveau dans la mesure où il n’y a aucun projet de société et encore moins de débat national. Pour ce qui est de la société civile, les actions sont encore timides et l’action des associations féminines n’intègre pas les droits de l’homme. Ce qui constitue une faille et reste incompréhensible pour le Maroc de 2016.